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Les racines d’un siècle du comptoir de la résistance (4)

Les bistrots accueillent des générations différentes et surtout des propriétaires ou des exploitants ayant des approches différentes de leur métier. Ce qui est actuellement le « Bistrot des copains » n’échappe pas à la règle. Idéalement placé face à la place de la Prévôté, visible de tous, il appartient probablement depuis de siècles à ces lieux ayant constitué la force de sa ville d’implantation.

Créon, ville de retrouvailles économiques,a administratives, culturelles depuis ses origines a toujours eu un attachement particulier pour ses cafés, ses restaurants et ses hôtels. Mais celui qui était à coté de la Mairie a tenu un rôle essentiel au cœur de l’évolution de l’environnement social du cœur de la bastide.

On passait pas Créon, on venait y chercher les éléments du confort, on s’y procurait des revenus et on y trouvait les espaces de partage et d’échange. On sait que devant une chopine bien des affaires ont été conclues et que le vin blanc d’Entre-Deux-Mers ou le clairet frais ont coulé dans des gosiers assoiffés lors des marchés hebdomadaires, de la demi-douzaine de foires et des multiples occasions procurées par le statut de ville référence d’un territoire rural.

Vivant sur la base des critères sociétaux successifs le bâtiment actuel a traversé depuis plus de 120 ans tous les épisodes de la grande mais surtout la petite histoire avec forcément des hauts et des bas, des échecs et des réussites, des drames et des moments enthousiasmants. Les cafés créonnais ont une solide réputation festive depuis l’origine de la ville neuve voulue par Amaury de Craon par opposition aux restrictions imposées par les abbés de La Sauve aux estaminets de leur juridiction. Cité laïque et libre, Créon a vite compris l’importance capitale pour son avenir des débits de boissons.

Lorsque la Belle époque bat son plein, le bâtiment actuel du Bistrot des Copains actuel n’a guère évolué. Il est victime des principes essentiels des règles d’urbanisme originelles appliquées lors de la planification de la ville bastide. Étroit, tout en longueur il souffre de l’image peu flatteuse de l’immeuble voisin, sale, noir, écrasé par la prestance de ceux qui entourent la place. Le siège de la Prévôté n’a guère d’attrait et il fait pitié.

A quelques pas la façade beaucoup plus attractive du Café Dupuy affichant clairement son rôle pivot pour les attelages des visiteurs et surtout sa capacité à les accueillir dans un cadre intérieur moins étriqué et surtout avec le bénéfice des arcades. Au bout de la rue de La sauve, c’est l’Auberge de l’Avenue qui capte la clientèle des maquignons ou des hommes d’affaires et sert de relais des diligences. Là encore une belle capacité d’accueil et surtout un restaurant réputé donnent au site tous les atouts pour réussir. Les deux lieux récupèrent l’essentiel de la clientèle de passage.

Avec sa porte d’entrée étroite et ses deux fenêtres étroites « Hôtel & Café de la Prévôté » n’est guère attirant. Certes on a donné un peu d’allure altière à l’immeuble en lui faisant dépasser la toiture de la mairie et en ravalant une façade pour lui permettant de contraster avec l’édifice officiel voisin mais rien de bien flamboyant. La salle est intime et l’hôtel a mauvaise réputation à cause des bruits extérieurs liés à la vie du centre ville. Il vivote.

Quand Créon se passionne pour l’extraordinaire aventure du legs du généreux Antoine Victor Bertal la passion s’installe au comptoir de ce qui n’est en fait qu’un lieu sans grande identité. Les discussions y vont bon train surtout depuis qu’un certain Hugo Porta a racheté l’affaire ; inscrivant son nom en grande lettre sous le panneau vieillissant de la façade. Les exigences du donateur contraigne en effet le conseil municipal à envisager puis à décider de raser la mairie séculaire pour construire un édifice digne de la fortune léguée et surtout surélevé pour pouvoir accueillir le fameux musée exigé par le testateur.

Le sieur Porta mobilise sa clientèle car il prétend que les opérations en cours vont conduire à l’effondrement de sa bâtisse. La polémique enfle et son café devient le siège de la contestation menée par un conseiller municipal coriace, Léon Teycheney.

Le 13 juillet 1906, une confrontation houleuse a lieu entre cet adversaire résolu du Dr Emile Saligue, maire et l’architecte M.Grange en présence de l’entreprise Escurignan en charge de la maçonnerie. Le maître d’œuvre reconnaît publiquement que « le mur est très mauvaise mais il estime que sa « reconstruction coûterait beaucoup d’argent et de temps » Il décide donc de le « conserver en faisant des travaux confortatifs (sic) ». Rien de bien rassurant !

Créon sous l’influence du propriétaire de l’hôtel-café-restaurant Porta s’affole car des rumeurs circulent sur des risques d’effondrement de l’immeuble. Face au foyer de contestation autour de cet éventualité les conseillers municipaux se réunissent d’urgence pour décider de faire appel à un expert neutre, le président de le société des architectes de Bordeaux, monsieur Minvielle. Le docte visiteur confirme les craintes de son collègues Grange et valide la consolidation prévue. Un protocole amiable est signé entre Porta et la Mairie le 5 août 1906.

Les clients pourront fréquenter sans risques ce qui est devenu un siècle plus 110 ans plus tard le « Bistrot des copains » mais jamais depuis cette époque le lieu n’a cessé d’être celui de la contestation, de la résistance et par un certain coté celui des oppositions. Sa réputation ne s’est jamais démentie…

Cette publication a un commentaire

  1. Bernadette

    Oh merci pour ce récit historique de la commune de Créon.
    Jadis, le Seigneur était donc propriétaire de la commune. En fait il reste toujours comme dans toutes les communes ce lien pour le Très Haut.
    La guerre de Cent ans a laissé des traces….

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