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Black market currency traders exchange U.S. and Zimbabwean bank notes in the capital Harare June 23, 2007. The Zimbabwe dollar, which is pegged to the U.S dollar and was effectively devalued by the central bank to 15,000 to the greenback in April, was trading in the 170,000-200,000 range on the thriving black market on Friday. REUTERS/Philimon Bulawayo (ZIMBABWE) - RTR1R26L

Les passeurs volent des vies

39 corps ont été découverts, 38 adultes et un adolescent, dans le comté d’Essex, en Grande Bretagne, pourtant farouchement surveillée, à une trentaine de kilomètres au nord-Est de Londres. Le conducteur du camion originaire d’Irlande du Nord, a été arrêté, soupçonné de meurtre. Il arrivait de Bulgarie ayant selon les hypothèses traversé la Manche entre la Belgique et la cote anglaise. Ce drame effroyable pose pour la énième fois le poids des filières d’exploitation de la misère humaine.

Il y a un an un rapport de police cité par le journal  La Croix, décrivait l’étendue des activités criminelles auxquelles se livrent des mafieux de tous les pays traversés. Bien entendu il est aisé de pleurer sur ces victimes ou de vitupérer contre l’afflux de migrants mais l’essentiel est alors. Met-on vraiment dans tous les pays le paquet pour démanteler les passeurs ou les esclavagistes ?

Le (la) migrant(e) sont devenus des éléments rentables d’une économie parallèle que certains Etats ne veulent pas voir ou que les autorités couvrent de manière ostentatoire ! Les enquêteurs affirment être face à une criminalité de plus en plus « structurée et internationale », menée par des exploiteurs au « savoir-faire criminel » en « progression constante ».

« Des quantités impressionnantes de documents d’identité fictive ou d’emprunt » sont imprimés pour permettre le maintien des migrants sur le territoire français, détaillent notamment les policiers.  Selon le directeur de France Terre d’Asile  « la traite des humains générerait à l’échelle mondiale un profit de près de 32 milliards de dollars par an » Comme se priver d’une telle manne surtout quand le trafic de drogue est plus traqué que celui des femmes et des hommes en quête d’espoir.

J’ai reçu une jeune africaine, mère de famille seule avec un enfant, qui m’a raconté son parcours de migrante l’ayant conduite de la région parisienne à la région bordelaise. Elle a trouvé mon nom sur internet. « Ce que vous écrivez me plaît avoue-t-elle et j’ai trouvé votre mail !  Alors j’ai osé vous contacter. Merci, merci de m’écouter! »

Un condensé de ce que peut être la triste réalité des parcours vers ce que l’on pense être la liberté se déroule avec son récit. De confession catholique dans son pays d’origine elle a hors mariage un garçon avec un homme musulman. Immédiatement rejetée par sa famille elle va se retrouver à la rue. Elle va vivre avec un compatriote travaillant dans le secteur de la santé en France va adopter son fils.

Le compagnon va activer un réseau pour lui permettre de le rejoindre à Paris. Une somme folle est déboursée. De faux papiers français sont acquis à prix d’or. Elle transitera par l’Italie où elle atterrira pour entrer grâce à son faux passeport sur l’espace Schoengen. Inutile de préciser que le relais à l ‘aéroport est pris par la mafia qui possède des complaisances sur les sites aéroportuaires. Par la route elle arrive en France où elle s’installe jusqu’au jour où le « mari » décide de retourner au pays et de laisser sur place femme et enfant  sans domicile, sans ressources et sans papiers.

Il lui faut donc avouer sa situation. Enquête de police et un marchandage s’ouvre : « Si vous nous donnez le nom des passeurs que vous connaissez on vous obtient un titre de séjour ! » Elle refuse car elle sait que c’est extrêmement dangereux pour elle ! Devant l’insistance elle finit par céder et livre des noms… Elle signe sa déposition avec l’assurance qu’elle sera protégée et son anonymat respecté. Promesses vaines… Les passeurs sont placés sous écoute. Ils finissent par être arrêtés et traduits devant le tribunal où les noms des témoins sont donnés et donc leur sécurité menacée. « Ils savent maintenant. J’ai peur ! »

Pour un vice de procédure relatif aux écoutes téléphoniques les « coupables » ne seront pas poursuivis et rentrent paisiblement au pays ! Elle reste en France avec un permis de séjour d’un an qui va lui permettre de travailler très vite. Il sera… reconduit une année supplémentaire qui la verra devenir personne d’encadrement dans une entreprise d’aide à la personne…

Le procès fini elle se verra refuser la prolongation de ses papiers et malgré toutes ses démarches judiciaires on oubliera tout ce qu’elle a fait dans la lutte contre ces filières. Abandonnée une seconde fois ! 

Cette mère de famille, dont le fils fréquente l’école publique, qui s’éclate au football (« il a voulu que je vous donne la calendrier du club! » me dit-elle ) et qui bénéficie toujours de son salaire se cache, se terre pour éviter d’être reconduite à la frontière dans un pays où plus personne ne veut d’elle ! Elle sait aussi que les passeurs la retrouveront dèss a descente d’avion !

Elle travaille dans un secteur en plus qui manque cruellement de salariées, celui de la solidarité auprès des handicapés ou les gens en perte d’autonomie. Elle sort toutes les attestations, tous les certificats, tous les satisfecits qu’elle possède.

« Vous êtes le premier élu qui accepte de m’écouter » avoue-t-elle en pleurant. Que puis-je pour elle ? Lui demander de continuer à travailler pour soulager les autres et attendre. Un jour peut-être elle pourra oublier et simplement vivre en paix. J’ai honte ! 

Cet article a 2 commentaires

  1. LAVIGNE Maria

    Je ne sais si un jour elle pourra oublier et vivre en paix ! Je ne le pense pas. Comment son fils et elle même peuvent ils vivre normalement, faire un projet d’avenir avec l’épée de Damoclès au-dessus de la tête ?
    Cette personne n’est pas à la charge de la société, alors que notre société et ceux qui gouvernent n’oublient pas que la France est le pays des droits de l’homme. Eux ont oublié et préfèrent casser le thermomètre en supprimant les observatoires qui permettent d’alerter sur la détresse humaine. C’est plus facile…
    Moi aussi, j’ai honte

  2. J.J.

    Ce que je ne m’explique pas, ou mal, c’est comment ces personnes qui vivent dans une quasi misère qui les incite à fuir leur pays, arrivent à ses procurer ces sommes d’un montant insensé ! Souvent ils sont munis de téléphones portables, qui leurs sont utiles, indispensables, c’est vrai, mais qui coûtent une petite fortune dans nos pays. En cela ils sont certainement plus débrouillards que nous .
    MAIS, ne vous méprenez pas, ce sont seulement des questions que je me pose.
    Ça n’entame en rien l’empathie que je peux avoir pour le sort de ces malheureux. Et je ne suis fier ni de mon pays ni du monde qui se dit « libre » et qui a certes fini par abolir l’esclavage (accepté surtout pour des raisons bassement économiques!) mais qui l’a rétabli sous d’autres formes, en principe moins visibles mais tout aussi cruelles.

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