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64 : le nombre inscrit sur la patate chaude

Quel que soit le qualificatif qu’on lui donne, la référence à un âge décisif pour toucher une pension aussi proche que possible du taux maximum, constitue un leurre destiné à mobiliser l’opinion publique. De tous temps et sous tous les gouvernements il a été question d’une « borne » déterminée dans la vie alors que l’essentiel se trouvait ailleurs. Elle a toujours masqué le vrai débat.

Le système mis en place est beaucoup plus dangereux que la date à laquelle il s’applique. Par manque de recul, d’explications claires, de précisions simples médiatisées les appréciations ne portent pas sur les principes fondateurs mais sur un repère fusible. La situation se résume sur les télés perroquets en un « haro sur le géviste » et « ouf ! le 64 a sauté! « 

La décision liée à l’effacement « provisoire » de « l’âge pivot » devenu celui de « l’équilibre » a pourtant des conséquences savamment calculées. En fait il permet de refiler provisoirement la « patate chaude » de l’allongement de la vie active aux « partenaires sociaux » placés sous la férule de la Cour des Comptes. Fort de l’expérience de la même stratégie sur les indemnités chômage le Premier Ministre sait fort bien qu’aucun accord est vraiment possible.

En fait il n’a rien cédé et n’a concédé aucune avancée significative aux syndicats réputés « réformistes » en fixant les règles du jeu rendant ardu une négociation. L’arbitre de la rue Cambon ne manquera pas de les rappeler à tout instant aux « joueurs » : opposition à toute hausse des cotisations et à toute une baisse des pensions ! A part ça ils sont ibres de refuser la borne 64 !

Deux limites qui donnent le beau rôle au gouvernement dont l’injonction est claire : « Les mesures destinées à rétablir l’équilibre ne devront entraîner ni baisse des pensions pour préserver le pouvoir d’achat des retraités ni hausse du coût du travail pour garantir la compétitivité de notre économie »   Bien évidemment les représentants du patronat dont l’accord a été discrètement obtenu ne bougeront pas sur ces deux références. La somme estimée par Matignon pour se passer de la barre de 64 ans atteindrait 120 milliards.

Il faudrait donc une solution miracle (puiser dans le fond de réserve ?) ou une multitude de mesurettes (maintenir la CRDS) pour trouver pareil pactole en trois mois puisque si rien ne sort de la conférence il prendrait par ordonnance les mesures nécessaires pour atteindre l’équilibre en 2027.

La lettre donne encore le beau rôle à Matignon. Si la conférence ne débouche pas sur un accord transposé dans le texte qui sera soumis au vote des parlementaires, le gouvernement pourra prendre par ordonnances « les mesures nécessaires pour atteindre l’équilibre d’ici à 2027 et financer les nouvelles mesures de progrès social  contenues dans la réforme (sic) ». S’il y a échec tout est prêt à revenir dans l’intérêt du Peuple…

Il y a fort à parier que l’on assistera alors au retour de l’âge pivot imposé par l’absence inévitable d’accord entre les partenaires sociaux. Fin avril la grève aura pris fin avec des promesses diverses de maintien des régimes spéciaux par catégories professionnelles et surtout la scission du front syndical.

Les avocats auront l’assurance de retrouver leur caisse avec ses avantages. Les enseignants viennent de décrocher 500 millions à crédit pour améliorer leur sort et en pourront plus se plaindre du triste sort que leur réserve le système à points. Les « fusillés » pour l’exemple seront les cheminots et les agents de la RATP.

Le retrait provisoire de la référence à 64 ans qui paraît une reculade gouvernementale devient de ce fait une aubaine en cette période difficile. Impossible d’évoquer le débat de fond sur la transformation des modalités de la constitution du droit à pension. Escamoté le vrai débat sur le niveau du point et sa pérennité. Le vrai niveau des retraites passe au second plan. L’opinion dominante se laisse mortellement endormir par les gaz de la communication.

On ne parle plus de la catastrophe financière qui se profile chaque jour un peu plus avec probablement une première attaque sur l’épargne populaire dans quinze jours (passage du taux du livret A à 0,5 %) . Oubliée la décrépitude du système public de santé qui s’aggrave de jour en jour. Masquées de très nombreuses mesures de privatisation de services essentiels à l’égalité républicaine (aéroports, barrages, transports, éducation…).

Exit les difficultés inhérentes à la réforme de la fiscalité des collectivités territoriales. Écartés les problèmes de financement de la perte d’autonomie. Évanouie l’accroissement de la dette de l’État. Annulée en 2024 la disparition de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS)… Bref achetez vous vite un tee-shirt avec le logo 64 car il risque d’être très vite à la mode… au printemps !

Cet article a 5 commentaires

  1. Christian GUICHENEY

    Je partage ton analyse.
    C’est la fin de la conception du système de solidarité mis en place par nos Anciens et le Conseil National de la Résistance.
    Place à l’individualisme et les propositions de retraites complémentaires, si chères aux assurances privées, vont se multiplier dans les années à venir.
    Comment des syndicats de travailleurs (même dits réformistes) peuvent-ils cautionner de telles dérives?
    Ancien militant de la FEN (Fédération de l’Education Nationale), j’ai honte de voir que l’UNSA, créée sur les cendres de la FEN, ait rejoint le MEDEF ou le FNSEA dans l’approbation d’une telle conception de la société.
    Les propos tenus par mon père, discutant avec ses copains dans un cercle ouvrier de Bazas, n’ont jamais quitté mon esprit:
    « Quand le patronat applaudit une réforme des 2 mains, c’est que la Classe Ouvrière et les Petites Gens sont perdantes…. »

    1. Jean-Paul Fermot

      Salut Christian.
      Une bonne surprise que tu sois encore dans les écrans-radars.
      Et toujours sur la ligne Maginot !
      Bonne année et au plaisir !
      JP Fermot

  2. J.J.

    « Les enseignants viennent de décrocher 500 millions à crédit pour améliorer leur sort et ne pourront plus se plaindre du triste sort que leur réserve le système à points. »
    Ça c’est ce qu’on appelle des promesses d’ivrogne. À la place des enseignants, je me méfierais, je leur ferais autant confiance qu’à un serpent à sonnettes ! Quand il sera le moment de cracher au bassinet, je parie que l’état des finances ne permettra pas d’appliquer le mesures promises. On a déjà vu jouer ça.
    Christian Guycheney. J’ai honte moi aussi de l’attitude de l’UNSA qui arbore la couleur jaune, sans gilet.
    https://www.legrandsoir.info/judas-berger.html

    Ce 64 il me semble est tout simplement une attitude jésuitique du freluquet, qui avait promis de ne pas reculer à l’âge de la retraite. Cochon qui s’en dédit, on essaie de noyer le poisson .

  3. Alain .e

    La pire des réformes des retraites , et de très loin devant toutes les autres , il fallait se payer la dernière grosse poche de résistance qu’ est la SNCF pour le symbole et venger 1995 .
    Alors le foutage de gueule qui consiste à supprimer le régime spéciale SNCF en conservant des régimes spécifiques , ( pompiers , opéra , police, armée , etc…) en nous prenant pour les cons que nous sommes finalement, me rassure sur l’ incroyable ténacité et obstination du monde politique actuelle .
    Rassurez moi , on ne touchera pas aux retraites chapeau des grands patrons j’ espère , je n’ ai pas entendu parler de ces privilégies la , puisque on vous dit que le nanti , c’ est le cheminot .
    Remerciement à RMC , et ses pseudo grandes gueules , BFM et tout ces braves gens, et autres média qui salissent le mot journaliste .

  4. faconjf

    Vous êtes très fort M. Darmian !
    L’article 64, au sein du chapitre II du titre V du projet de loi (publié dans son intégralité par Politis). Vise à ratifier trois ordonnances directement liées à la loi Pacte, qui a déjà modifié l’épargne retraite pour la rendre plus alléchante. Il est notamment écrit :
    Le secteur de l’assurance est appelé à se mobiliser, afin que le recours à ces véhicules se généralise et que l’économie française puisse ainsi bénéficier pleinement du dynamisme de l’épargne retraite généré par la loi Pacte.
    L’article rappelle que la réforme de l’épargne retraite, voulue par la loi Pacte, vise la « stimulation de la concurrence sur ce marché par une ouverture de tous les produits d’épargne retraite aux assureurs, aux gestionnaires d’actifs et aux fonds de retraite professionnelle supplémentaire ».
    Cet article 64 n’a pas échappé à l’association altermondialiste Attac, qui l’a relevé. L’objectif du gouvernement est « de passer d’un encours de l’épargne retraite, c’est-à-dire la totalité des sommes depuis 15 ou 20 ans, de 220 milliards d’euros actuellement, à 300 milliards en 2022. Soit une augmentation 40% (80 milliards) en 2 ans. C’est une explosion, un développement exponentiel de la capitalisation en France » affirme à publicsenat.fr Maxime Combes, porte-parole d’Attac. Il ajoute : « C’est très important pour un assureur ou un gestionnaire d’actif de voir son marché gagner 15 ou 20% par an. Il y a très peu de marchés comme ça. C’est allons-y gaiement ! »
    En janvier 2019, venu devant le Sénat défendre son projet de loi Pacte, Bruno Le Maire est tout aussi explicite : « Je crois beaucoup au développement de l’épargne retraite. Je pense qu’il s’agit d’une vraie sécurité pour les épargnants et, de manière générale, pour les citoyens français » plaidait le ministre de l’Economie.
    En fait, la “réforme des retraites” qui répond au désirs de ces financiers d’avoir encore plus de drogue monétaire à leur disposition nous offre une belle perspective d’avenir.
    Et quand la bulle aura explosé, tout le fric “évaporé” ne sera JAMAIS retrouvé (mais ne sera pas perdu pour tout le monde) et qui selon vous devra financer les retraites importantes de tous ceux qui auront été dépouillés par Blackrock et consorts ?
    Ce sont ceux qui avaient continué à financer le système de retraites par répartition et qui devront se serrer la ceinture “par solidarité” bien sûr, les “fonds de pension” (ou plutôt les gangs de hooligans cupides) ayant gentiment “déposé le bilan” sans qu’aucun de ses membres ne risque d’être inquiété par la justice.

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