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Confinavirus (17) : je prends ce bac…

Jamais un Ministre de l’Éducation nationale n’aura eu autant de jeunes téléspectateur.trice.s attentifs pour son grand oral sur la fin de l’année scolaire. Et ils ont séché leurs cours du confinement pour apprendre quel sort leur était réservé pour les examens qu’ils devaient passer en 2020. En fait aucun d’entre eux n’est sorti content des annonces car elles constituent une révolution imposée en cours d’année scolaire.

Pour ma part je trouve qu’elles sont équilibrées, pragmatiques et adaptées à une vision beaucoup plus moderne des examens que  dans leur fonctionnement antérieur. Le système éducatif aura ainsi été l’un des premiers service public à présenter sous la contrainte une formule nouvelle post crise sanitaire. C’est assez rare pour le saluer.

En fait le symbole de cette réforme effectuée dans l’urgence reste pour toute une société élitiste jusqu’au bout des ongles, le baccalauréat. Le fameux « bac » ou « bachot » qui constitue le fleuron historique d’une pyramide ayant une affinement de son sommet par l’échec pour beaucoup et par le respect des règles définies d’une forme de réussite pour les autres s’évapore.

Ce filtre de la réussite, ce monument historique brandis comme des menaces pour celles et ceux qui ne parviennent pas à le traverser, tombent face à un virus. François Dubet, sociologue pour lequel il faut avoir une grande estime pour sa lucidité et son courage n’a cessé d’inciter à réfléchir sur les finalités de cet « écrémage » sur des épreuves regroupées sur quelques heures d’une vie scolaire parsemée d’embûches. Il a été entendu… 

Dans la mouture présentée par le Ministre on assiste en effet à une brutale valorisation de la continuité éducative et une vraie revalorisation du travail sur la durée… C’est une vraie révolution qu’aucune génération n’a connue. L’obsession d’être prêt.e le « jour J » disparaît puisque l’essentiel des notes sera obtenu par le contrôle continu et donc la vérification à chaque étape de la compréhension de ce qui est transmis.

Les professeur.e.s du quotidien prennent toute leur place dans ce processus, retrouvent une forme d’autorité et peuvent s’ils le souhaitent devenir les piliers d’une approche éducative différente. Leur rôle devient capital en matière de suivi et d’évaluation des élèves devant conclure leurs études. Et si dans le fond la méthode présentée devenait définitive ? Un rêve ! 

Elle suppose en effet que la pyramide se réorganise et sache s’adapter à un nouveau contexte dans lequel la capacité à progresser, à apprendre en continu, à évoluer en permanence seront des critères encore plus fort de l’éducation. Il resterait à harmoniser, à pondérer, à surveiller les procédures, les notations et les objectifs. Le baccalauréat quel que soit sont type deviendra alors la résultante d’un vrai parcours d’apprentissages et reflétera une motivation inédite, celle qui doit reposer sur la durée.

Dubet rappelle que « L’école qu’ (il a) connue fonctionnait de manière très simple : les enfants du peuple allaient à l’école élémentaire, les enfants de la bourgeoisie allaient au petit lycée ; jusque là on ne se mélangeait pas ; les garçons et les filles aussi étaient séparés. À la fin de l’école élémentaire, les meilleurs des enfants du peuple passaient un examen d’entrée en sixième ; quand je l’ai passé, à la fin des années cinquante, un quart des élèves l’obtenaient. Ils allaient soit au lycée, mais généralement dans des filières qui n’étaient pas les plus nobles du lycée, soit au collège, puis de là rejoignaient le lycée s’ils étaient vraiment très bons. Donc au collège et au lycée, vous trouviez des élèves qui avaient été, en terme statistique, assez brutalement sélectionnés : 6 % de bacheliers en 1950, 15 % en 1967, alors qu’aujourd’hui 12 % des élèves sont en classes préparatoires.

Ne survivaient donc dans l’enseignement secondaire que des élèves disposés à croire, à jouer le jeu, à « être motivés ». Les travaux classiques des années soixante ont montré qu’il y avait deux profils d’élèves : ceux qui « étaient tombés dedans quand ils étaient petits », les « héritiers », fils de cadres, d’enseignants, de médecins, de gens cultivés pour lesquels la motivation était une sorte de seconde nature.

Et puis il y avait ceux que l’on aimait beaucoup, les « boursiers », c’est-à-dire les enfants du peuple exceptionnellement doués, travailleurs, etc. On les aimait parce qu’ils incarnaient la grandeur de la république. Ils n’étaient pas très nombreux d’ailleurs et la plupart d’entre eux devenaient enseignants. Ils croyaient particulièrement que l’école était égalitaire puisqu’ils en étaient la preuve vivante » Un tableau parfait d’un système qui s’est toujours rafistolé, réadapté, modifié, tortillé mais  qui a refusé sa refondation sur les bases des évolutions sociales et sociétales.

Cette époque est révolue. Et ce n’était pas mieux avant. Loin s’en faut. Tant pour les professeurs que pour les élèves l’année 2020 constituera, à cause de ce foutu virus dévastateur, une année exceptionnelle : télé-enseignement, contrôle continu valorisé, année scolaire allant jusqu’à son terme réel, revalorisation du travail quotidien… construction d’une modèle inédit d’évaluation : diantre je vais finir par croire que rien ne pourra être comme avant ! Enfin une réforme qui a du sens et qui bien évidemment ne résistera pas au déconfinement. S’il arrive !

Cet article a 5 commentaires

  1. Philippe Conchou

    Totalement d’accord avec toi, il est incompréhensible que cet examen couperet propice au bachotage n’ai pas été réformé plus tôt dans le sens du contrôle continu.
    Lequel contrôle devrait, par ailleurs, porter sur les 3 années de la seconde à la terminale. Ainsi éviterait-on, peut-être, d’avoir 50% d’échec en première année d’enseignement supérieur.
    De toute façon, les familles aisées pourront toujours payer du « complément scolaire » à leurs enfants et les inégalités demeureront. Mais enfin, on n’a jamais fait d’un âne un cheval de course.
    Concernant les années 60, je me permets d’apporter une nuance ; j’ai sous les yeux ma photo de classe de 6ème en 1962, j’y vois un panel de la société avec des enfants d’agriculteurs, (comme moi) d’employés agricoles, d’employés de divers secteurs, mais aussi de commerçants, de fonctionnaires d’enseignants etc…
    Le point commun à ces 34 élèves est que nous étions tous entrés en 6ème sur dossier, (grâce à la compétence de nos instituteurs) ; on nous avait mis dans une classe « élitiste», avec Allemand et Latin, qui devait être complétée en 4ème par Grec et Anglais. Il n’y avait donc plus (du moins en apparence dans notre région) de sélection par niveau social si ce n’est que certaines familles plus aisées s’offraient l’enseignement privé, lequel, à l’époque, n’était pas de très bon niveau.
    Plus intéressant est de voir ce que sont devenus ces 34 individus (maintenant papy-boomers) dans la vie ; presque tous bacheliers ils ont en général opté pour des études courtes (bac +2 en général) les parents n’ayant pas les moyens de leur offrir des études longues. On trouve donc des enseignants, des cadres de l’administration, des artisans et des viticulteurs, un œnologue, des techniciens, mais aussi pour les plus opiniâtres des médecins, des ingénieurs, et même un énarque ambassadeur de France dans un pays asiatique… A noter que plusieurs ont largement complété leurs études par la suite tout en travaillant pour finalement arriver à de très belles situations.
    J’espère avec toi que cette excellente initiative pour le bac 2020 perdurera, mais j’ai, comme toi, bien peur que ce ne soit qu’un feu de paille.

  2. Bernadette

    En France, l’enseignement du primaire sur la compréhension de la lecture et le calcul mental n’est pas au top. L’enquête PISA révèle un positionnement plus mauvais que l’an passé. Un enfant qui rentre en 6eme ne sait pas lire et ne sait pas compter rapidement. Pourquoi ?

    1. François

      Bonjour !
      @BERNADETTE, ce blog étant le forum de quelques anciens instituteurs …pardon ! ..; professeurs des écoles (les vieilles appellations sont tenaces ! ! ), je ne doute point que nous ayons des réponses très instructives qui conditionnent l’avenir de nos jeunes, cela même sous couvert d’anonymat … que je défends dans ce lieu, n’est-ce pas @J.J. ! !

      Un petit P.S.:Aujourd’hui, jour des Rameaux : ce matin, faisons une rapide entorse au confinement pour observer le vent: Sud-Est faible. Préparons-nous à une bonne sécheresse.
      2003 : Est fort !
      « Le vent, pour les Rameaux, bénit. Toute l’année souffle et s’ensuit. » (Rustica)

      1. Bernadette

        Selon le figaro, il va falloir revoter et toutes les communes devront assurer aux électeurs la possibilité d’aller voter. C’est citoyens…..

  3. Alain.e

    Suite à mon commentaire du 3 Avril , il est utile de le completer par cette enquête de médiapart qui confirme mes propos en tout point , merci aux journalistes qui font leur boulot , n’en déplaise à certains . Sans doute des tenants de la doctrine , c’est pas moi ,c’est l’autre ……….a méditer pour certains……
    Ah , et notre président a fait le nécessaire pour rendre la deuxième partie des masques subtilisé à l’ Italie et l’Espagne , il faut dire que les Suédois menaçaient de porter plainte .
    https://youtu.be/S7rJ4C64pow

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