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Cofinavirus (20) : tuer le temps et le temps qui tue

La période de confinement comporte bien des défis. On les découvre au fil des jours et il faut nécessairement s’adapter à chaque changement dans des vies qui n’ont, sauf pour celles et ceux qui luttent directement ou indirectement contre le fléau du virus, peu d’objectifs. Notre rythme quotidien en est grandement bouleversé et, ce qui paraissait dans l’imaginaire un avantage, se transforme parfois en handicap. Si par exemple vous aviez un emploi du temps très chargé le calme imposé par le « confinavirus » vous redonne le sourire durant quelques jours avant de vous placer dans une position inconfortable.

L’absence de réveil sonnant à des heures où le soleil n’aime même pas se lever perturbe par exemple grandement. Si au début, on laisse le temps couler sous la couette, il n’est pas certain qu’à la quatrième semaine l’enthousiasme ne retombe pas. En fait le silence matinal paraît inquiétant car il génère la fameuse ‘angoisse du vide. Elle arrive entre le moment où l’on ouvre un œil et celui où l’on fait le tour de ce que l’on doit accomplir dans la journée. Que vais-je faire de cette journée virtuelle qui défile ?

Depuis le collège l’habitude de « l’emploi du temps » trotte dans les têtes. Et ne pas en avoir un, cause parfois, one le sait, de vraies dépressions des néo-retraités. En l’occurrence cette période s’assimile à une préparation à l’entrée dans la période des pensionnés. Sauf que là il n’y pas de points et d’âge pivot pour faire ses classes dans cette classe préparatoire.

Tous les psychologues le recommandent : fixez-vous des objectifs pour ne pas déprimer ! Facile à conseiller quand vous avez perdu ce qui vous donnez jusqu’à présent la trame de votre journée. Brutalement plus de motifs de stress pour un retard potentiel puisque vous avez en confiné, tout le temps devant vous et des horaires virtuels. L’autogestion devient beaucoup plus angoissante que la gestion programmée par les nécessités de son activité. Se mettre devant son ordinateur à la maison n’a pas forcément la même importance que d’arriver au travail, pointer et ouvrir le dialogue humain avant de se placer devant l’écran.

On découvre alors que les « obligations facultatives » que les inactifs envisagent en posant un pied sur le plancher de la chambre sont beaucoup plus difficiles à tenir… librement. « J’ai le temps… Je verrai demain… Je vais changer l’ordre… » : les arrangements potentiels traversent souvent la tête et bouleversent les résolutions aussi bonnes soient-elles ! On remet à un improbable moment ce qui nest pas considéré comme une obligation. On prend ses aises.

Bien d’autres comportements existent. Notamment celui qui consaustant à luttre contre le confinement en se transformant en glandeur.euse. Le principe en est simple et poétique : « qu’il est donc de ne rien faire quand tout s’agite autour de vous ! » mais très ardu à mettre en œuvre. Il faut, beaucoup plus qu’on ne le croit quand on a été actif.ve et que l’on a vécu à fond les manettes, de volonté, de pugnacité, de solidité mentale pour s’astreindre à ne plus rien faire du tout. C’est beau sur le principe mais éréientant dans la mise en oeuvre.

Regarder les autres agir de loin et se concentrer sur sa personne ou observer celles et ceux que l’on aime, sans vraiment agir, constitue une épreuve difficile à maîtriser. Buller a vite ses limites… car le temps a des dimensions différentes dans l’action et la passivité. On ne sait plus rien faire comme « Alexandre le bienheureux » film prémonitoire ssur le confinement volontaire. Glander entièrement reste un mythe dans la durée car on ne passe pas de l’action à l’inaction, de la pensée constructive au vide sidéral, de la responsabilité collective au néant individuel. Essayez donc de ne rien faire de toute une journée de confinement. Glander intégralement relève de l’exploit.

On finit par céder en appliquant des solutions mi-figue mi-raisin. Pour y parvenir les volontaires de l’inactivité modérée utilisent donc des subterfuges tenir dans l’adversité. Les ventes de livrets de sudoku ont explosé, celle des mots fléchés aussi. En revanche on ne note pas une augmentation des ventes d’opuscules de mots croisés (c’est vieille France) et encore moins de bouquins. Les premiers ouvrages cités restent de première nécessité puisque vendus en maison de la presse alors que les librairies sont fermées pour les seconds.

Tous substituts à l’action ressemblent alors à une « drogue douce » permettant de tempérer la lente couse du temps dans une journée qui n’en finit pas. Ils sont moins efficaces que tous les écrans qui fonctionnent à plein régime et servent de dérivatifs. Tout finit par lasser. Il vaut donc avoir une idée géniale chaque jour, simplement avoir une passion mesurée, de se pencher sur les autres pour vite voir le temps différemment. En tous cas à l’issue de cette longue période de disette de contraintes il sera vraiment compliqué de revenir avec le même enthousiasme dans le tourbillon des vies de notre époque. En effet le pire ennemi de cette période demeure le temps. D’ailleurs il est tellement dangereux que parfois il faut le tuer avec des armes plus ou moins élaborées.

D’autres, ces femmes et ces hommes qui, à chaque instant luttent pour prolonger des vies, pour tenter de trouver des solutions à la pandémie, qui pensent à nous soutenir, à nous aider, à nous nourrir, à nous secourir luttent eux contre le temps pendant que parfois nous, nous le perdons en ous ennuyant. Ils n’ont pas le cœur à se poser des questions sur le confinement car là où ils oeuvrent c’est le lutte pour la vie et contre le temps qui tue !

Cet article a 2 commentaires

  1. Philippe Conchou

    La journée confinée du retraité campagnard n’est guère différente en apparence de ce qu’elle était avant, jardin, généalogie, anglais en ligne, paléographie, lecture, traditionnel et toujours excellent film à 13H30 sur ARTE très souvent occulté par une sieste involontaire (heureusement il y a les redifs) etc…
    En apparence seulement, confinement oblige, le stock de livre à lire est épuisé car il n’est pas question de commander en ligne pour ne pas faire battre la campagne à des livreurs potentiellement infectés, les cours d’anglais du mardi sont supprimés, idem pour les cours de paléographie aux Archives Départementales, la randonnée à laquelle nous sommes bénévoles en juin annulée, fiesta prévue en août avec la famille repoussée etc etc…
    Et puis il y cette sensation, par moment, de ne plus avoir envie de rien faire, comme si instinctivement le cerveau décidait que toute action présente n’avait pas d’utilité pour l’avenir ; curieux non ?

  2. Bruno DE LA ROCQUE

    Une italique nous rappelant José Artur, merci Jean-Marie.
    Je souscris, ou plutôt je partage assez globalement ton propos. Mais je dois ajouter qu’il y a des moments (notamment lorsque ma pensée vagabonde durant les insomnies) où « je ne suis pas tranquille » quant à l’avenir, ou quant à une possible absence d’avenir en ce qui me concerne. On nous bassine tellement sur les personnes plus fragiles ou les plus vraisemblablement sensibles (les anglosaxons utilisent en pathologie la notion de « susceptibilité à ») à une insuffisance respiratoire prononcée en cas de contamination par ce Covid-19 ; les Restos du cœur ont sorti (pour le moment en tout cas) leurs bénévoles de 70 ans et plus (j’en ai 80 et y suis plus vaillant physiquement que bien des « plus jeunes », mais… la raison d’élimination est autre). Bref ! Je me dis qu’il faudrait tout de même que je mette mes affaires en ordre (ne serait-ce qu’en cas d’hospitalisation donc d’isolement total, notamment s’il y a sédation) et… je procrastine !!!…

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