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Les aventures de Choupinet (19) : la visioconférence

La journée à Fort Guingasson n’a pas été de la même veine que les précédentes et c’est normal. La catastrophe de Beyrouth a évidemment pesé sur l’ambiance qui se voulait très décontracté. Choupinet avait été dialoguer avec une octogénaire bien sympa. Elle lui avait fait part de ses difficultés dans le cadre des aides à domicile, sujet éminemment brûlant dans cette période où les dangers planent sur le sort des aînés. La canicule se profile alors que la menace de la COVD-19 n’est pas terminée, loin s’en faut. Alors il faut s’adaptére

La terrible explosion libanaise a logiquement tout occulté dans le monde. L’insouciance a disparu et d’ailleurs Il a fallu se rendre à l’évidence : il faudrait donc bouleverser le programme de la pause estivale. Finies provisoirement les escapades dans les cafés, les restaurants ou les pizzerias car il faudrait reprendre un rythme compatible avec la légitime émotion provoquée par le drame du Moyen-Orient. Grâce au télé-travail, les visioconférences ont occupées une bonne partie de la journée.

Choupinet n’aime pas trop cette nouvelle manière de communiquer avec ses troupes cantonnées au siège social. La distance et la virtualité des échanges ne conviennent pas trop aux rapports d’autorité. Il préfère ces belles réunions parfaitement ordonnancées où il est possible d’affirmer son autorité. Position autour de la table, ordre protocolaire, ordre du jour strict : tous les repères sont bousculés lors de ces discussions à distance quel qu’en soient le sujet.

Enfin tout n’est pas perdu pour les vacances car si en cas de présence physique la tenue ne saurait être négligée, il n’y a aucun critère face à la caméra d’internet. Choupinet s’est donc offert un moment délicieux. Il s’est assis à son bureau et a disposé l’œil transmetteur bien face à lui en cadrant son visage parfaitement rasé après s’être longuement regardé dans la glace. L’image était parfaite et en conformité avec les circonstances. Cravate sobre et chemise blanche avaient été sorties des valises.

La tentation de ne pas totalement quitter les vacances avait été cependant la plus forte. Un pied de nez aux exigences de sa fonction donnait à Choupinet une intense parfum de liberté. La visioconférence le permettait. Les tongs et le bermuda à fleurs n’apparaissaient pas à l’écran et ce fut ainsi la première fois qu’un conseil restreint se déroula avec un « chef » en semi-tenue de piscine. Là-bas, ils étaient toutes et tous en tenue de ville parfaite et dans l’ignorance absolue de cette initiative.

Là encore le dialogue distancié avait ses avantages. D’abord il respectait les gestes barrières de manière absolue, ensuite il dispensait du port du masque et enfin il permettait de temps à autre de disparaître en coupant la caméra. Un privilège que celui de devenir l’homme invisible tout en ayant une oreille dans la réunion en cours. Accro au café, le vacancier de Guingasson profitait de ces suspensions de séance artificielle pour se faire servir un expresso supplémentaire hors de la vue de la Gouvernante.

Il profita de ces moments dissimulés pour effectuer sa musculation sous le bureau grâce aux chaussures haltères qu’on lui avait préparés et il put jeter un œil sur les photos que la presse quotidienne régionale des bains de foule prises, lors de ses différentes sorties. La lecture des SMS sur son mobile crypté s’en trouvait facilité alors que dans les rencontres institutionnelles qu’il présidait c’était formellement interdit.

Une bonne demi-douzaine de tasses dans la journée lui permettait ainsi dans le quotidien de son boulot de tenir une bonne partie de la nuit au bureau. Là il n’en n’était pas question mais après les moments difficiles des soirées antérieures il avait bien besoin de remontant. Les croissants, le jus d’orange, les fruits frais… tout était bio et de la région. Jamais il n’avait pu conjuguer le plaisir du farniente et celui du respect de sa fonction.

Choupinet, pendant que son équipe présentait les mesures prises pour soutenir un Liban martyrisé, se mit à prendre conscience de l’importance du télé-travail dans la vie courante. Il avait beaucoup lu de notes sur le sujet et les cadres du pouvoir en place l’avait évoqué comme la solution de demain pour le monde d’après… la pandémie.

En y goûtant personnellement, il ne pouvait qu’éprouver les bienfaits de la distanciation physique avec les collègues de boulot. C’est incontestablement relaxant et agréable. Dès que la visioconférence fut terminée, la cravate fut déposée sur le bureau, la chemise fut abandonnée et en quelques secondes Choupinnet piqua une tête dans la piscine… Il ne répondrait pas aux autres appels pendant quelques minutes.

(A demain si vous n’avez rien de plus important à faire)

Cet article a 3 commentaires

  1. J.J.

    Ce matin, on n’a pas vraiment envie de rire
    Quelle horreur cette catastrophe.
    Evidemment, on pense immédiatement à AZF qui est encore très près de nous.
    Mais ça m’a aussi rappelé un douloureux souvenir qui a marqué mon enfance : Brest en 1947, qui vécut, après les bombardements de la guerre une semblable catastrophe.

    Souviens toi, Barbara, il pleuvait sur Brest….

    1. Bruno DE LA ROCQUE

      Du coup je suis allé googler chez Ouest-France et Le Télégramme. Je n’avais que 7 ans à l’époque ; mon père en a probablement parlé, lui qui avait fait toutes ses études à N-D. de Bonsecours à Brest… L’ammonitrate (c’est le nom de l’engrais) est un comburant. Il fut une époque où, en agriculture et dans nos jardins nous avions de quoi faire des feux de Bengale et des engins explosifs car, mieux encore que le nitrate d’ammonium comme comburant, nous avions le chlorate de soude (et l’essence de la tondeuse ☺)…

      1. J.J.

        Le chlorate, c’était idéal pour les feux d’artifice improvisés. Une année, avec mes élèves, nous avions organisé sur la place du village un feu de la saint Jean « du feu de dieu ». Évidemment, j’étais le seul à manipuler le chlorate, et je n’avais pas communiqué mes recettes.
        Maintenant il est interdit à la vente, comme tous les comburants, trop polluant et surtout trop facile à transformer en bombes.

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