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Pastilles d’été (3) : le lavoir et le trou d’eau

Se baigner ! A Sadirac, à la fin des années 50 et au début de la décennie suivante, il était totalement impossible de trouver une solution autre, pour savourer ce privilège, que la grande bassine à laver les draps chauffée au soleil ou au jet d’eau laissé lui aussi sur le sol. Nous ne nous baignions donc quasiment jamais sauf pour les rares enfants privilégiés (dont ceux de l’instituteur) qui allaient « à la mer » durant les vacances, soit avec leurs parents, soit en colo. Il fallait donc faire preuve d’imagination. Et nous n’en manquions pas.

Le seul obstacle à des abats sur tout plan d’eau résidait dans le fait que nous ne savions pas nager et donc qu’il nous fallait nous contenter de plans d’eau où nous avions pied. Or bien d’entre eux étaient piégeux avec des bords vaseux et instables. Le plus sûr était donc le lavoir collectif situé aux abords du ruisseau de La Pimpine.

En ciment lissé et nettoyé par mon père au balai brosse toutes les samedis matins, il constituait un bassin sans aucun danger autre que celui de se faire chasser et houspiller par les « lavandières » sadiracaises venant y rincer à l’eau vive leur linge de maison. Elles déployaient de grands draps rugueux, des nappes brodées, des serviettes surdimensionnées qui s’étaient dans le lavoir avant de finri sur l’herbe fraiche d’une prairie.

La roue de bois cerclée de fer de leurs brouettes constituait un excellent système d’alerte. Dès que nous entendions le couinement d’une roue ou son bruit sur le gravillon de la route, nous décampions sans demander notre reste. Celles et ceux qui ont pu se baigner dans l’eau pure du lavoir de Sadirac savent pertinemment que le handicap essentiel résidait dans sa température. Plus la canicule frappait et plus y entrer constituait un défi.

Le lavoir est devenu un réservoir à salamandres

Alimenté en permanence par une belle source situé dans le talus du chemin d’accès et qui était captée pour renouveler le lavoir, le bassin, abrité du soleil, était glacial. Quand je vois les sportifs de haut niveau se plonger dans des containers de cryothérapie je pense à ces moments sûrement aussi revivifiants volés aux blanchisseuses sadiracaises. Impossible de me souvenir que nous ayons renoncé en plein été à nous tremper jusqu’à mi-cuisse, à poil, dans ce lieu discret sans danger. Il manquait néamoins d’originalité.

Sans jamais avoir vu la moindre image cinématographique sur les exploits des aventuriers de mer, j’avais pourtant envie d’aventures aquatiques. Probablement que les lectures de « naufragé volontaire » d’Alain Bombard mais surtout « l’expédition du Kon-Tiki » de  Thor Heyerdahl m’avaient donné l’envie de voguer sur des mers que je ne connaissais pas dans des conditions précaires.

Grâce à l’ingéniosité de mon frère, durant l’été, nous avions réussi à confectionner des radeaux n’ayant rien à envier par leur instabilité à ceux des grands explorateurs. Il nous avait fallu nous procurer des vieilles chambres à air d’automobiles ou de camionnette. Une quête difficile car elles servaient à des usages multiples dont celui des lanières découpées destinées aux élastiques des frondes.

Avec des planches volées aux récupérations de mon père que nous attachions avec de la ficelle aux boudins circulaires gonflés à bloc ! Chacun avait donc son radeau pour des batailles navales avec un compagnon d’équipage très acharnées.

Le plan d’eau qui nous permettait ses « aventures » aquatiques ne ressemblait en rien aux vastes étendues maritimes. Un tour d’eau situé à quelques dizaines de mètres du pont neuf sur La Pimpine, suffisait à notre bonheur. Les assaillant portés par le maigre courant du ruisseau partait à l’abordage du « navire » stationné dans cette « mare » réduite. Le jeu consistait par tous les moyens, de désarçonner l’équipage adverse et de lui faire boire une bonne tasse de l’eau bien moins pure que celle du lavoir.

En effet, à sa source la « malheureuse » Pimpine recevait les effluents de la Douve créonnaise et jusqu’à l’affaire de la destruction de l’élevage de truites de Citon Cénac… les égouts. Sa limpidité en juillet et août en période d’étiage était pour le moins aléatoire.

L’attraction pour l’eau était omniprésent mais à Sadirac toute l’année, il y avait les douches municipales à laquelle on pouvait accéder le samedi de 15 h à 22 h. En été, après une semaine de boulot sous les soleil de nombreux artisans et d’habitants, y venaient pour s’ébrouer sous la pomme puissante et régler juste à point par mon père. Il n’y avait point de durée limitée an dehors de l’impatience de celles et ceux qui attendaient devant les quatre portes vertes fermées (enfin presque toujours) avec une fragile targette. Les discussions allaient bon train et les rumeurs aussi.

La douche du samedi constituait indiscutablement un vrai moment de bonheur collectif dans la moiteur de l’été ! Se baigner… jamais il me semble avoir rêvé pour ça d’une piscine aseptisée !

(à demain si vous voulez vousjeter à l’eau)

Cet article a 3 commentaires

  1. Puyo martine

    Que de beaux souvenirs !
    Les enfants d’aujourd’hui, pour la plupart, habitués à des distractions plus sophistiquées, nombreux ayant dans le jardin une piscine , à defaut une structure démontable, rigoleraient bien en te lisant . Ceux des villes, à part les piscines municipales, n’oseraient pas s’aventurer dans n’importe quel plan d’eau.
    Bonne journée jean.marie.
    A demain.

  2. J..J.

    La possibilité et la volonté d’entreprendre des exploits aquatiques étaient fortement freinées par la présence dans les eaux du terrible virus (déjà !) de la « polio » qui faisait de terribles ravages( paralysie définitive, parfois et même des cas mortels)jusqu’à la découverte d’un vaccin vers les années 55.
    Brigitte Monleau, la fille de notre directeur avait été victime de cette maladie et en portait les séquelles, les muscles d’une de ses jambes étaient complètement atrophiés .

  3. BORTOLETTO Françoise-Micheline (dite Michou)

    Pour ma part je n’ai jamais participé à de telles aventures car j’étais une fille et pas très courageuse il faut bien le dire…….. et puis à La Sauve le lavoir n’est pas très grand et entouré de maisons alors pour la discrétion on repassera ! il ne restait donc que Le Gestas mais ce fut toujours un ruisseau très capricieux, quasiment sec en été et quittant son lit dès qu’il tombait trois gouttes d’eau en hiver (moi qui habitait en bas du bourg, près de l’école des filles, j’ai souvent vu la route La Sauve -Espiet coupée….). Mais cela n’empêche pas de se dire qu’à ces époques là les enfants s’amusaient grâce à leur imagination (souvent débordante) vu qu’ils ne possédaient pas ce qu’ont les enfants d’aujourd’hui et pourtant ils étaient heureux, ils ne s’ennuyaient pas et ils riaient souvent aux éclats………… comme quoi l’abondance n’apporte pas toujours le bonheur…….. C’est exact aussi que l’eau impure était mise en cause dans la survenue de cette terrible maladie, la « polio », chez nous à La Sauve deux enfants furent frappés par cette maladie le même jour, la même nuit : James THIERRY et Yvon BUGARRET.

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