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La ruralité entre en campagne

Parmi les mutations sociétales provoquées par la pandémie il en est une qui va bouleverser les références en matière d’habitat et de logement. Si pendant des années le monde rural a souffert du complexe de son manque d’attractivité, il vient en quelques semaines de retrouver un intérêt croissant. La période du confinement et les modes de vie urbains (transports, concentration humaine, absence réelle de solidarité de proximité, insécurité, coût du foncier et des loyers..) ont largement bouleversé la perception de ce que l’on appelle le bien vivre.

Même si certains contestent encore un mouvement pendulaire inversé allant de la ville vers la campagne, il s’affirme de jour en jour. Après le constat que l’on est « vulnérable » partout en ville et que l’individu n’a jamais vraiment sa place dans le partage de l’espace on va inexorablement vers une défiance croissante .

Dans son livre intitule « L’exode urbain : Manifeste pour une ruralité positive » (Éditions Terres Vivantes) une conseillère en communication politique néo-bretonne Claire Desmares-Poirier affirme que « la ville aujourd’hui, ce n’est pas de l’emploi mais de la concurrence et du chômage. Il y a aussi le prix du foncier. On ne peut pas y construire une famille, avoir un espace de travail si l’on est en indépendant ou en libéral. Pour réaliser ce qui leur tient vraiment à cœur, personnellement et collectivement, et envisager l’avenir sans trop d’angoisse, les gens se décident donc à partir. »

Ce constat bien évidemment ne va pas toucher les classes les plus paupérisées ou les plus âgées pour lesquels les revenus, la situation sociale et plus encore la nécessité de demeurer près des gisements d’emplois potentiels. Par contre, depuis la rentrée les demandes d’achat de terrains à bâtir ou de maisons déjà construites augmente dans les mêmes proportions que les exigences financières des vendeurs.

Les documents d’urbanisme dans les territoires périurbains ayant été verrouillés au nom de la lutte contre l’étalement urbain, l’imperméabilisation de sols, la protection légitime des espaces agricoles ou l’insuffisance en matière d’alimentation en eau potable le prix du m² constructible a explosé. Afin de prendre conscience de cette spéculation, sur les conseils de mon prédécesseur, j’avais sollicité et obtenu un droit de préemption potentiel sur toutes les zones constructibles de Créon.

Petite commune par sa superficie (800 ha) et historiquement très dense, elle a vu le le m² destiné à la construction passer de 2 euros en 1996 à 130 à l’heure actuelle. Et au vu des équipements commerciaux, de santé, administratifs, culturels, sportifs de proximité pour une zone de 30 000 habitants cette hausse risque bien de se poursuivre. L’attractivité dépasse en effet les strictes limites communales surtout avec la liaison rapide par bus avec la métropole et la perspective du lycée…

Alors que l’on a vu durant les précédentes décennies, les critères du choix de la ruralité étaient purement matériels (surface et prix du terrain, environnement, isolement social volontaire) on va vers une appréciation différente du milieu rural ;

Claire Desmares-Poirier parle d’une ruralité « positive » qu’elle définit ainsi : « la différence avec la ville, c’est qu’on aura à la campagne des relations sociales beaucoup moins électives. On ne fréquentera pas forcément des personnes qui ont le même cadre de vie et les mêmes opinions politiques. Les relations sont également plus intergénérationnelles. Mais c’est justement ça qui fait toute la richesse. La campagne est un espace d’ouverture et de dialogue comme il n’en existe plus en ville. Ici, on sait qu’on dépend tous les uns des autres pour faire vivre le territoire. On préfère donc miser sur ce qui nous rapproche plutôt que ce qui nous divise. »

Le mouvement sera lent mais probablement irrémédiable. L’arrivée de la fibre au porte à porte, l’amélioration des transports collectifs, les nouveaux emplois de proximité vont constituer des facteurs décisifs dans cette nouvelle donne territoriale. Rien ne sera facile puisque les services publics à vocation collective sont souvent partis (et ne reviendront pas), les infrastructures manquent, les modes d’urbanisation ne sont pas forcément générateurs du lien social espéré, les moyens financiers des communes manquent.

« On ne vient pas à la campagne pour gagner des millions mais pour un équilibre et une qualité de vie, des moments de joie et de bonheur au quotidien. » souligne dans son ouvrage Claire Desmares-Poirier. C’est donc une authentique mutation qui se prépare.

Cet article a 4 commentaires

  1. BORTOLETTO Francoise-Micheline (dite Michou) née CHAVANSOT

    Il est exact que cette mutation Ville/Campagne est enclenchée depuis déjà longtemps…….. On venait chercher à la campagne un mode de vie, une qualité de vie, on se glissait dans la peau des campagnards, on épousait leur mode de vie, on respectait leurs us et coutumes,…….Très souvent aujourd’hui on vient à la campagne parce que la Ville n’apporte plus ce qu’elle apportait autrefois, parce que l’explosion du montant des loyers n’a plus de limite, parce qu’on n’y trouve plus l’emploi que l’on y trouvait avant (du moins dans les métiers basiques), parce qu’il y a trop de pollution mais voilà les « nouveaux » campagnards ne cherchent plus à s’intégrer à la campagne qui les accueille, ils veulent y trouver tout ce qu’ils trouvaient à la Ville, ils veulent imposer leur façon de vivre alors éclatent de nombreux conflits qui viennent encombrer un peu plus les tribunaux…… et puis il y a aussi les « campagnards » qui ont vu dans cette quête de terrains une opportunité à faire rentrer de l’argent, ils n’hésitent plus à morceler leurs propres terrains pour y laisser pousser une maison ou un groupe de maisons perdant ainsi une partie de leur tranquillité (situation qui va souvent engendrer des conflits entre voisins), il y a aussi les maisons déjà construites prises d’assaut à des prix que l’on n’aurait jamais imaginé autrefois……
    Personnellement je suis très triste de voir « ma campagne » ainsi transformée…….

  2. Christian Goga

    Je partage avec vous d’être de la génération d’après les guerres ( 3 en 50ans) qui ont motivés d’énormes déplacement logistiques familiaux. (émigration, iimmigration, organisation économique,) Nos grands parents étaient souvent ruraux et l’instruction à créé nos parents ou nous mêmes le tissu logistique des décentralisation économique et service public qui l’accompagnait.
    Le phénomène de santé et ses conséquences qui font subir des contraintes lourdes dans les immeubles va effectivement conduire à des désirs de vie privé à la campagne. Pour avoir fait mes étude de TP ou on nous a déplacé de Paris à Bordeaux pour nous montré Meriadek en exemple, puis avoir participé aux travaux de Cergy Pontoise, Mantes la jolie, Versailles Plaisir Le Chesnay j’adhère à votre soucis de réflexion vers l’aide à la ruralité.

  3. Philippe Conchou

    Dans mon village de 220 habitants il y a environ une cinquantaine de « nouveaux habitants », j’en connais moins de 10…
    Pas d’intégration, la plupart ne sont que de passage.
    Heureusement, le PLUI limite les constructions à 1 par an, et interdit le recyclage des terres en zone AOC, pourvu que ça dure.

  4. J.J.

    Idéalement ce « retour à la terre » semble encourageant pour l’avenir. mais déjà, les commentateurs précédents ont signalé quelques inconvénients.
    Certes, beaucoup, je l’espère de ces nouveaux ruraux sauront s’intégrer et se satisfaire de leur nouvelle vie.
    C’est une évolution positive qui devrait être organisée et facilitée.

    Mais je crains qu’il n’y ait des déçus : certains ont pris leur décision de se « ruraliser dans l’enthousiasme de la sortie de confinement, où ils avaient souffert de leur quasi emprisonnement.
    Il faut beau temps (trop, et surtout trop sec, mais ce n’est pas à priori un inconvénient pour qui vient résider à la campagne).

    Mais ça ne durera pas, et quand le mauvais temps reviendra, ils se lasseront vite de la pluie, de la boue, du paysage borné par les averses ou le brouillard, pour peu qu’un peu de neige par exemple vienne cet hiver perturber la circulation, leur bel enthousiasme risque d’être sérieusement compromis.

    Et on a vu que certains « Gilets Jaunes », qui ont émigré en campagne pour des raisons économiques montraient une certaine déception.

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