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La paix va retrouver sa justice

Il fut une époque que les moins de soixante-dix ans ne peuvent pas connaître où, chaque mercredi matin, l’attraction du marché se situait au premier étage de la mairie de Créon. Après ou avant aller faire ses courses il fallait faire un petit tour dans la grande salle devenue celle du conseil municipal après rénovation dans les années soixante-dix pour assister aux délibérations du Juge de Paix.

Sur une estrade démolie en 2006 siégeait chaque semaine un magistrat aidé par deux assesseurs et un greffier pour se prononcer sur les délits mineurs ou les arbitrages que l’on qualifierait de nos jours d’incivilités dans des délais très courts.

C’est la Constituante qui avait instauré en France les justices de paix par la loi des 16 et 24 août 1790. L’objectif de cette création est de mettre au service des citoyens une justice plus proche et efficace, en parallèle à la justice classique : c’est la volonté d’une justice de proximité simple, rapide, gratuite et équitable.

La Bastide créonnaise avait toujours obtenu le privilège de justice. Celui dit juge de Paix (quel beau nom) était un citoyen de plus de 30 ans accomplis. Il était à l’origine jusqu’en 1919 élu par les citoyens actifs du canton, réuni en assemblée primaire.

La personne morale du juge lui permettait de se prononcer sur toutes les affaires soumises à l’audience en présence des gendarmes. Vols divers dont les fameux « chapardages de poules », de fruits, de récoltes, de bois, les querelles de limites parcellaires, de bagarres d’ivrognes, de cocus plus ou moins magnifiques, de dégradations de biens public ou privés, des fossés mal curés et des faits et gestes discourtois… Des moments inoubliables qui attiraient une foule de citoyen.ne.s friands de ces histoires « clochemerlesques » qui actuellement encombrent les prétoires.

Les justices de paix offraient aux justiciables une justice plus rapide et plus économique. entre 1919 et 1953, pour autoriser la réunion de deux et même plusieurs justices de paix sous l’autorité d’un seul magistrat. Les attributions du juge de paix, d’abord limitées, s’étaient considérablement étendues.

Malgré sa qualification de juge d’exception, il devenait de plus en plus un juge de droit commun. Mais la répartition des affaires était très variable, certaines justices de paix se trouvant submergées alors que d’autres ne jugeaient pas cent affaires par an. 

L’ordonnance no 58-1273 du 22 décembre 1958 (j’entrais en sixième au cours complémentaire) a remplacé les justices de paix par les tribunaux d’instance, juridiction d’exception dont le ressort, plus vaste, est fixé par décret. À la place des quelque deux mille justices de paix on trouve désormais 437 tribunaux d’instance.

Cette extension de la taille des ressorts, associée à la professionnalisation du juge et à l’accroissement des compétences dévolues par le législateur, a fait perdre à cette juridiction le caractère de proximité qui avait assuré le succès du bon vieux « juge cantonal ».

La justice de Paix a été supprimée car soit-disant manquant de professionnalisme et la salle qui l’abritait est devenue silencieuse. On dut aller à Bordeaux pour régler des différends dont l’importance ne nécessitait pas un déploiement de personnes aussi importantes que des professionnels. Finies des séances désopilantes que l’on commentait ensuite au comptoir ou que l’on décrivait avec force gestes sous les arcades.

Or le Garde des Sceaux vient de relancer l’idée géniale de revenir plus de 60 ans en arrière. Il vient de demander aux procureurs « de promouvoir une justice de proximité, déclinée dans une acceptation géographique, temporelle et institutionnelle », pour répondre à la petite délinquance qui « altère la tranquillité publique, dégrade les conditions de vie et donne l’impression d’une impunité de [ses] auteurs » dans « nombre de territoires ». Une vraie profession de foi en faveur des juges de Paix.

La Chancellerie a identifié pas moins de 350 infractions, dites « de faible ou moyenne intensité », pouvant faire l’objet d’une réponse judiciaire rapide. Des infractions qui font le quotidien des élus locaux et des policiers municipaux : tapages et nuisances sonores, dégradations, injures, menaces, rodéos motorisés, squats de halls d’immeubles, contraventions dans les transports publics ou liées à la possession de chiens dangereux, voire même certaines formes de violence (dont ils sont parfois les premières victimes…).

Pour répondre à cette nouvelle donne le Garde des Sceaux compte en grande partie sur des « alternatives »… aux magistrats professionnel avec les « délégués du procureur » (retraités « de la magistrature, de la gendarmerie, de la police, de l’enseignement, de la PJJ, mais aussi travailleurs sociaux, infirmières [sic], étudiants en fin de cycle, ingénieurs-experts, exploitants agricoles… », précise le site du ministère), devant lesquels les auteurs des faits poursuivis pourront être déférés ou convoqués.

Leurs effectifs devraient doubler pour atteindre 2.000 et leurs missions affermies, via un décret « renforçant l’efficacité des procédures pénales et des droits des victimes » à paraître ces prochains jours. Afin de rapprocher « l’institution judiciaire et les territoires », ces délégués pourront tenir des permanences dans plus de 2 000 lieux dans toute la France… allez je suis certain que la salle citoyenne de la Mairie de Créon va rajeunir… et la paix revenir !

Cet article a 7 commentaires

  1. J.J.

    J’ai entendu annoncer cette initiative qui serait une bonne décision.
    Il serait judicieux que le choix de la sentence, pour éviter contestations et accusations de subjectivité, soit confiée non à un seul juge, mais à un jury d’au moins trois personnes.

  2. GRENE CHRISTIAN

    Merci Jean-Marie d’éclairer ma… Lanterne. Repose-toi-bien, Jupiter!
    A ce jour, le seul juge de paix porté à ma connaissance était le « rail ditch and fence » de l’hippodrome d’Auteuil. Comme moi, 1,60 m. de hauteur. Et tu sais quoi? J’ai appris que le cheval en bronze qui accueille là les turfistes, et même les fumistes, était un pur-sang qui a gagné le Grand Prix sept années de suite de 1993 jusqu’à l’orée du XXIe siècle. Il s’appelait Al Capone II.
    Je tiens ça d’un certain Robert Ducoum, chroniqueur épique que ses collègues avaient surnommé « Ducrottin »… Tu l’a très bien connu!

    1. Angel Martinez

      Excellente nouvelle….

  3. Alain

    bonjour Jean Marie
    voila une grande nouvelle
    si ce n est pas encore un effet d’annonce
    une « justice » locale sera surement plus efficace

  4. Puyo Martine

    Bonjour Jean Marie,
    je me souviens qu’effectivement dans un immeuble de la place du marché des Chartrons à Bordeaux, il y avait effectivement le Juge de Paix.
    ce serait bien de remettre une justice de proximité pour régler les petits litiges.

  5. Philippe Conchou

    Je souhaite bien du plaisir aux volontaires qui seront désignés pour rendre cette justice de proximité.
    En effet entre les excès de vitesse, le code de la route non respecté, les nuisances sonores ( motos,tracteurs, rave parties, rodéos divers etc…) les violences familiales, les dégradations diverses, les querelles de voisinage, le travail au noir, les locations non déclarées , le trafic de drogue, la fraude fiscale ou autre à tous niveaux et j’en passe, ils vont devoir siéger jour et nuit.
    Tout cela existe dans mon village de 200 âmes alors en ville…

  6. sir que je reviendrai

    Juge de Paix !
    Gardien de la Paix !
    Je suis pour le retour aux racines qui gardent un sens… La Paix !

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