You are currently viewing Les soubresauts du Bistrot privé de ses Copains

Les soubresauts du Bistrot privé de ses Copains

Les mailles serrées de la grille bouclent une entrée morte sur laquelle le ciel désespéré laisse couler des larmes de rage. Une barrique solitaire noie son chagrin dans la froidure humide. Elle paraît ridicule sur le parvis, ignorée de tous ces passant.e.s masqués qui se hâtent à s’imposer un couvre-feu volontaire. Le Bistrot de « mes » Copains ne parvient plus à s’ouvrir sur le monde. Il la ferme et à une mauvaise gueule de bois. 

La façade du silence s’entrouvrepourtant les mercredis et les samedi matins pour lâcher des gobelets qui font un carton vers celles et ceux qui sont en marachés. Les doses aussi distribuées ailleurs sur la Place, tentent d’être des vaccins contre la morosité. Il faut les ingurgiter debout le plus rapidement possible.

La première » injection » brûle un peu et provoque des effets secondaires imprévus. Certain.e.s prétendent qu’à force de broyer du noir le patron aurait réussi à s’en débarrasser pour voir la vie en rosé… mais rien n’est moins certain. La seconde seringuée n’a pas le vraiment le goût habituel. 

Il est malvenu de solliciter une mise en bière alors que plus personne ne peut accéder à une « momie » et qu’une « Mort subite » relève du rêve. Les Copains devenus des « Sans Demi Frais » (SDF) lorgnent avec envie, par la grille entrouverte, vers le comptoir où personne n’a le droit de s’accouder. ils aimeraient bien s’y mettre au chaud même si la Maréchaussée veille ! 

Rouge d’impatience, propret sur lui et nu comme un verre solitaire le comptoir pointe au Pôle du non Emploi. Difficile de ne pas trouver une astuce pour aller lui donner une caresse en riant jaune. La pause prostate autorise au plus âgés une furtive halte devant le lieu du culte où l’on vient d’habitude échanger en tête à tête avec son café sacré.

La pression d’un bar ne descend plus. Nul ne s’y pousse du col. Le Sans Demi Frais (SDF) inspire la pitié de ses potes car il tente de se réchauffer en battant le pavé sous une pluie fine. La garde baissée, le masque sous le menton, les habitué.e.s font le pied de grue en attendant que l’on vienne les ravitailler… en leur tendant un calice biodégradable n’ayant absolument pas le charme des contenants habituels.

La télé devant laquelle les supporteurs se chamaillent d’habitude, un verre ballon européen à la main, a décidé elle-aussi de faire teindre son écran en noir. Les prouesses ressassées des vedettes du spectacle footballistique ne se partagent plus et on pourra collationner les blessures de Neymar avant que ne reviennent les agapes d’antan. 

Le confinement des exploits a tué le partage de la table des matières cuisinées avec soin pour le Master Chef du lieu, toujours convaincu, le pauvre, qu’il lui faut donner du Paris. Le régent du lieu adore depuis toujours la purée « Saint-Germain » mais refuse de reconnaître la pâtée qui s’annonce.

Là il rumine son désespoir d’avoir à fermer le camp des loges où les habitué.e.s avaient pris leurs aises et leurs habitudes. Le Bistrot jouera Ligue des Clampions à huis clos alors qu’au-dessus de « l’autel » tout le monde n’aurait eu d’yeux mercredi soir que pour les apparitions du Messi dont on murmure qu’il ne sait plus faire de miracles. On se contentera de pleurer ou de hurler dans les chaumières auprès du couvre-feu en sirotant une camomille millésimée.

Même le temps se met au diapason ! Il ne cesse de nous faire regretter les heures passées au soleil sur a terrasse à refaire ce que personne n’appelait encore le monde d’après »… puisqu’il n’y avait pas eu celui de maintenant dont nous savons combien il traîne en longueur. Dans le fond nous serions simplement heureux de retrouver une chaise haute devant la « barrique » qui se morfond avec à portée de main une Afligem ruisselante de sueur glacée. Pas plus !  Comme un signe que nous aurions fini par « démasquer » ce virus ayant rongé le lien social. Il faudra attendre encore des mois.

Alors le moment est venu de refermer la « caverne » qui se replonge alors dans l’obscurité de la pandémie. Les grilles grincent de désespoir ou hurlent de douleur comme si elles ne voulaient pas revenir en arrière. Elles n’ont pas l’habitude de recevoir des « huiles » mais simplement des « Copains d’abord », plus ou moins grincheux. La poubelle regorge de gobelets comme autant de stigmates de ces brèves de comptoirs sans grand intérêt.

Vivement que nous puissions décliner en verres les vertus de ces lieux de vraie mixité sociale. La situation manque en effet singulièrement de poésie et d’amitié. « Mon amie la barrique » me l’a confié hier soir.

Cet article a 6 commentaires

  1. Christian Coulais

    Excellent, Jean-Marie.
    Les tristes heures du caboulot.
    Les sombres moments de l’estaminet,
    Térassés au pied du bistroquet,
    non, non, non, nous n’allons plus au cafeton !

    1. Tusitala

      Les tristes heures du fascisme de gauche …une année d’enfermement…qui l’eut cru…?
      Une gauche qui nous a fait voter pour un banquier de chez Rothschild…il fallait le faire …
      A quand le réveil pour sortir de ce cauchemard décidé par Mitterand …(euro europe de la finance )
      Faut-il encore se croire de gauche quand celle-ci a abandonné le peuple ?

  2. Puyo Martine

    Comme c’est triste de voir tous les lieux où on pouvait trouver un peu de chaleur, se reposer en prenant un café ou en lisant le journal, tout est fermé. Nous n’avons plus accès à rien. Nous n’avons que nos logements pour nous accueillir et nous empêcher d’en sortir après 18 h. Dis quand reviendras-tu ? le temps d’avant.
    Bonne journée Jean-Marie.

  3. GRENE

    Ah! Enfin un sujet auquel je peux apporter mon grain de sel, moi qui n’entends rien à l’écolo-géo-socio-politique. Un bar fermé, c’est une prison qu’on ouvre . Même si l’une des plus connues s’appelle la Santé, rien à voir avec là avec « à votre santé! » du bar des poteaux. Ce lieu magique où le jaune « confine » aux senteurs anisées du Midi que la rosée, passant au masculin, fera disparaitre au petit matin en compagnie du petit noir. Oyez! Oyez! gens de Provins ou de Champagne, cette histoire qui me fut narrée bien des années avant la naissance de Covid XIX. Un jour où l’étape du Tour de France passait à travers champs, Jacques Goddet, directeur de l’épreuve et du journal L’Equipe, retrouva mon copain Antoine Blondin parmi les blés à l’heure de la sieste. L’écrivain s’y était… assoupi tandis qu’on attendait son billet quotidien à la rédaction. « Eh bien, Antoine! le questionna-t-il? Vous étiez encore épris de moisson? ». Au lendemain de la victoire d’un coureur local nommé Fouché, le père Antoine titra son édito: « Fouché dans le coin ». Je raffole aujourd’hui encore de cette contrepèterie.
    Au fait, connaissez-vous celle de Rabelais? « Femme folle à la messe ». Allez, buvons un coup mes frères puisqu’on sert toujours du vin dans les… églises.

  4. J.J.

    Chantée avec virtuosité et talent la complainte du bistrot fermé.
    Quand est ce que l’on pourra chanter « La guinguette a rouvert ses volets ».

    Et pour les amateurs de contrepèteries rabelaisiennes, un souvenir de la même farine un peu dru, de cette petite cité de la Sarthe : à Beaumont le Vicomte.

  5. Laure Garralaga Lataste

    À ceux et celles qui rêvent de ré-ouverture des bistrots et guinguettes, je propose de ne pas trop y penser… À l’allure où la vaccination se fait… !
    Quand tu as eu la chance d’avoir ENFIN un rendez-vous (après 50 voire 100 appels) et que tu te présentes le bon jour et à l’heure… On t’annonce… « Plus de vaccins ! » Drôle de blague vécue par une mamie de 93 ans accompagnée en voiture par un de ses enfants… Résultat ? Elle a fait 30 km pour rien.
    À ce rythme… on peut chanter : »Dis, bon temps des bistrots et guinguettes, quand reviendras-tu ? »

Laisser un commentaire