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Il y a un temps pour tout…

Peut-on avoir de vrais ami.e.s quand on traverse durant trop longtemps la vie publique ? La question reste une énigme au moment où la mise en retrait intervient. Le seul constat qui s’impose c’est que beaucoup d’entre eux s’estompent dans le paysage avant de disparaître totalement comme s’il leur fallait s’éloigner pour enfin devenir eux-mêmes. Du moins le croient-ils puisque tôt ou tard ils découvriront  que les élu.e.s n’existent que par les autres et qu’à leur tout, à un moment ou à un autre, ils seront abandonnés.

La situation est d’autant plus dure à supporter quand la personne n’a pas anticipé que tout mandat n’est qu’un Contrat à Durée Déterminée. Plus il.elle se consacre à ces années et plus la rupture s’avérera compliquée car le rythme de travail fait que la nature politique ayant horreur du vide il.elle se retrouveront démuni.e quand la « claque » électorale sera venue. Une passion, une occupation, une obligation constituent des dérivatifs indispensables au moment de la rupture car tout est alors à reconstruire. Les ami.e.s du monde d’avant ne sont plus celles et ceux du monde d’après.

Le temps n’a plus la même importance mais il reste toujours l’ennemi. Rien de pire que quand les journées ne sont pas assez longues pour accomplir ce que votre engagement vous contraint moralement à réaliser. Courir durant des décennies après les rendez-vous, les réunions, les rencontres reste la plus terrible des addictions. On se grise, on s’étourdit, on s’enivre en pensant que l’on est essentiel dans un système où tout reste superficiel.

Par contre dans la période actuelle on « dessaoule » vite car les contraintes du confinement raréfient les « sorties » et surtout les moments de partage avec le plus grand nombre. Le silence s’installe et plus grand monde ne consent à le briser. Le partage agréable n’est plus de circonstance et même celui qui paraissait utile n’existe plus. Tous les appels qui troublent la quiétude installée ne sont que des sollicitations à réaliser des miracles que les autres ne veulent pas tenter. Le temps ne manque plus et c’est le trop-plein qui pèse.

Dans absolument toutes les « retraites » le sentiment est identique : le cercle des compagnon.ne.s de route, de fortune ne s’élargit jamais quand elle arrive. S’il y a une lente dérive des « incontinents amicaux » il existe aussi la fuite brutale des « contrarié.e.s d’un petit matin ». Bref en se retournant il faut se résoudre à constater que, par absence de renforts, on se retrouve un peu seul en arrivant au port de sa vie. Dans le fond, contrairement à ce que l’on pense la situation offre des avantages mais encore faut-il que l’on en ait conscience.

Pour de multiples raisons la fraternité des valeurs essentielles qui avait rassemblé, animé, soudé, solidarisé s’est usée avec les ans. Elle a reçu les coups de canif des aléas de divergences futiles ou inutiles ou a été profondément blessée par les trahisons. La seule certitude que l’on découvre quand il est trop tard c’est que l’indifférence au sort des autres permet souvent de garder ses illusions. Elle assure un confort rassurant qui évite les risques et les retours de bâtons. Malgré la dureté de cette formule on finit par découvrir que « l’enfer c’est les autres ! » et que le chacun pour soi offre tout de même de grands avantages.

La vraie force c’est d’être capable de lâcher prise, de se persuader que la vérité de la vie est ailleurs mais que parfois on la retrouve comme un amour de jeunesse : trop tard. Les joies que l’on pensait impérissables sont souvent effacées par des déceptions profondes mais surtout il ne faut pas le dire à celles et ceux qui partent la rose au fusil pour des lendemains qui chantent. « Et pourtant si c’était à refaire je le referai ! » expliquent toutes celles et tous ceux qui ont traversé de tels moments. Ils ne regrettent rien.

Dans la vie publique il y a beaucoup d’Icare qui en voulant s’enfuir de la prison des convenances se brûlent les ailes en s’approchant de trop près du « soleil » qu’ils veulent imiter. Le retour sur la dureté du sol n’en est que plus froid lorsque l’on a ressenti la douce chaleur de l’amitié. En claudiquant ou à petits pas avec une canne devenue inévitable, il est toujours possible de finir honorablement.

Cet article a 11 commentaires

  1. Attimont Violaine

    Une réflexion vraiment intéressante. Ce que j’aime particulièrement c’est votre absence de langue de bois.
    Vous créez beaucoup de liens autour de vous Jean Marie Darmian et cela c’est en vous, je ne vois pas comment cela pourrait changer..
    violaine

  2. Laure Garralaga Lataste

    Cher Jean-Marie,

    Tu sais que je suis passée par là… Sache que les vrai.e.s ami.e.s se comptent sur les doigts d’une main. Mais une chose est sûre, quand on a trouvé un.e vrai.e ami.e, on le.la garde précieusement et on fait tout pour ne pas le.la perdre. Amis nous sommes, amis nous resterons.

  3. François

    Bonjour !
    C’est par une chanson que je commenterai ton magnifique billet sur l’Amitié.
    Elle s’adresse à Toi mais aussi à tous les commentateurs et lecteurs de ce blog qui sont devenus, à leur insu, des mais aussi tes …AMIS 
    https://youtu.be/mzU-J-PgbqM?t=1
    Amicalement …bien sûr !

  4. Maria LAVIGNE

    Tout est dit dans ce billet. Si les premiers mois après avoir retrouvé la « liberté » je cherchais à organiser un emploi du temps sans contraintes, j’ai trouvé dans le jardinage et la lecture de quoi tourner quelques pages de ma vie. La terre, il n’y a que çà de vrai…

  5. Tusitala

    Instituteur un jour …instituteur toujours …
    Tu m’expliqueras ce que l’écriture inclusive apporte à notre société..?

    1. François

      ! ! ! ! ! !!!!!!!!!!!

    2. François

      Bonjour @TUSITALA !
      Comme aurait un speaker célèbre : » Tout à fait, @TUSITALA, tout à fait ! ! ! ».
      Cordialement

  6. CHRISTIAN GRENE

    OK Tusitala. OK François. Je n’aime pas, moi non plus, l’écriture inclusive. Fidèle à Montaigne, je reste classique, Et c’est aussi par fidélité que je garde pour Jean-Marie une amitié indéfectible. Après « Les neuf vies d’Ezio », je ne ne saurais trop vous conseiller la lecture d’un… essai de Bernard Morlino, paru en 2015, intitulé « Parce que c’était » lui. Il m’a rassuré relativement à la médiocrité de mon cursus scolaire et universitaire, peut-être parce que je n’ai pas eu J.-M. comme instit’ ou prof de fac. Il écrit ceci: « Mes amitiés sont mes seuls diplômes ».
    Amitiés à tou(tes).

  7. J.J.

    Mes amitiés de jeunesse, sans doute les seules authentiques et qui m’ont donné beaucoup de satisfaction, il y a longtemps qu’elles se sont envolées, n’ayant pas résisté à l’éloignement, au temps qui passe, aux départs déchirants.

    Celles que j’ai nouées dans la vie professionnelle ou associative n’ont jamais eu cette qualité, et sitôt les activités terminées, les liens superficiels se sont rompus.
    Il est vrai que, même si j’ai toujours accompli de mon mieux les tâches qui m’étaient dévolues, je ne me suis vraiment jamais engagé, j’ai gardé un œil de spectateur plutôt que d’acteur.
    Je garde quelque liens à distance, comme avec le petit monde de la Roue Libre, mais je suis trop vieux maintenant pour tenter de tisser de nouveaux liens.
    En fait , si j’avais été croyant, j’aurais peut être pu devenir ermite.

    Pour ceux qui le désirent, je tiens à leur disposition un pamphlet contre l’écriture inclusive, cette innovation jésuitiquement sexiste.

    1. François

      Il y a …au moins trois preneurs ! ! ! !!!!!!!

  8. alain

    bonsoir
    c’est vrai dans toutes les professions pas que dans l administration
    on fait partie d un monde actif
    et lors de la retraite on est exclu de cette vie
    il faut se faire une autre vie et d’autres relations
    heureusement les vrais amis sont toujours la

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