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Une affaire alimentaire pour politiques affamés de polémiques

Figurez vous qu’il fut un temps que les moins de quarante ans ne peuvent pas connaître où on mangeait à… la cantine avec les copains et les copines ! C’est inimaginable mais quand j’étais à l’école le restaurant scolaire n’existait pas et Madame Bourtayre fière d’être cantinière avant que Claire Bardin prenne le relais ne respectait j’en suis certain aucune des règles du Hazard Analysis Critical Control Point (en français, « Analyse des dangers – points critiques pour leur maîtrise »). La HACCP cette méthode qui définit, évalue et maîtrise les dangers menaçant la salubrité et la sécurité des aliments n’existait pas encore.

Mieux au cours complémentaire, sur les mêmes bases et avec le même type de cuisinière que fut Albanie Lacoume (1) nous fûmes donc des centaines à frôler la mort avec des bactéries au menu du quotidien ! Rien de bien mieux à l’école normale comme interne avec rétrospectivement une angoisse d’avoir échappé aux contaminations, à la malnutrition, à la famine… Plus de 14 ans de « cantine » auxquels il faudrait rajouter les 18 mois passés à l’armée… et l’impression des décennies plus tard que nous devions être vraiment des primitifs incompris et maltraités.

Ma mère secrétaire de Mairie dressait seule les menus pour le mois en accord avec les « cantinières » sans aucune autre analyse que celle de donner une nourriture saine et copieuse aux gamins qui fréquentaient dans leur totalité ce service social. Il est vrai que tout le monde venait à l’école à pied, parfois à raison de 4 ou 5 kilomètres matin et soir, ce qui rendait le retour à la maison pour déjeuner totalement impossible.

Bien entendu le menu quotidien était unique et répétitif. Les haricots couennes ou les lentilles et leur saucisse occupaient une semaine sur deux une place de plat du jour. Les pâtes avec un beefsteak venant de la boucherie qui tuait dans un abattoir séculaire ses propres bêtes ou les boudins purée de patates apportées avec la terre locale complétaient les bases de ces agapes quotidiennes ! Des sauces de « gras double », de bœuf bourguignon ou de blanquette de veau permettaient de sortir un peu de la routine. Les frites bien grasses et bien larges constituaient le mets bien évidemment le plus prisé. Des spaghettis « bolognaise » ravissaient les Ritals !

Une soupe en lien avec la saison, quelques rondelles de saucisson, une bonne tranche de pâté, des carottes grossièrement râpées ou des radis noirs ou roses entre autres ouvraient l’appétit. Et un fruit du moment ou une part de flan ou de crème au chocolat ou à la vanille, des merveilles ou des gâteaux secs suffisaient à notre bonheur de déjeuner à la cantine avec les copains et les copines.

Le pire résidait dans le menu du vendredi qui nous condamnait à la brandade de morue, aux œufs durs avec choux-fleurs ou au « merluchon » de seconde fraîcheur (il était bouilli ce qui évitait les problèmes) et ses pommes de terre en « robe de chambre », des sardines à l’huile ou des « Pilchards » à la tomate.

Je ne me souviens que je rechignais face à de la purée de « pois cassés », les « choux de Bruxelles » dont je ne raffolais pas. Mais la pression de la mère Bourtayre ou des instituteurs ne laissaient pas le loisir de se comporter en bec fin ou en gastronome dédaigneux. Tout comme à l’EN le fameux « Triumvirat », sorte de macédoine mise en entrée avec la mayonnaise ou en plat principal avec du jus sans intérêt finissait par peser sur le moral car il sortait de la boite assez facilement !

En plus à l’école élémentaire il y avait une mentalité « esclavagiste » puisque les élèves de fin d’études allaient donner un coup de main pour mettre et enlever le couvert, nettoyer les tables ; balayer la cantine et éventuellement participer à la vaisselle. Ils se bousculaient pour participer car il y avait toujours à la fin de cette contribution une récompense ! A l’école normale le système des « corvées » fonctionnait également pour les « pointus » (2)

De la matinée de formation professionnelle, réservée au Directeur en personne, j’ai conservé une remarque : «  surveillez que les enfants mangent à leur faim. Pour repérer ceux pour qui ce n’est pas le cas chez eux observez combien ils prennent de tartines de pain. Un élève qui ne mange pas suffisamment chez eux a tendance à accumuler la nourriture… » Je n’ai donc pas en mémoire des cas d’obésité, de défaillances dues à ces menus à révulser une diététicienne, métier très rare alors.

En fait au milieu des polémiques il faut rappeler que sur 730 repas (hors petit-déjeuner) un.e gamin.e très assidu.e à l’école prend au lieux 120 déjeuners (16 %) au….restaurant scolaire. Un menu sans viande même servi toute les semaines représente 3 à 4 % de la nourriture d’une année. Un vrai traumatisme sanitaire… et surtout une controverse digne de notre époque où un enfant sur cinq vit en dessous du seuil de pauvreté et ne mange pas à sa faim en France pays hautement civilisé et capable de laisser des exploiteurs de la bêtise humaine disserter des heures sur les télévisions, des radios ou dans des journaux ! Ah ! Au fait je vais sur mes 75 ans ! 

  1. L’école élémentaire de Créon porte son nom tellement elle fut emblématique pour des générations d’élèves.

  2. Élève de seconde. Première année

 

Cet article a 9 commentaires

  1. J.J.

    Et oui, les cantines scolaire !
    Comment ont-ils survécu ces malheureux enfants ? Parfois il y avait même de la daube améliorée avec une bonne ration de vin rouge. HORRERUR !
    Chaque famille (souvent nombreuse) à la campagne était tenue de fournir soit une volaille, soit un sac de patates ou autres légumes pour améliorer le menu ou faire baisser le prix de revient des repas.
    Parfois j’ai été chargé, avec la cantinière d’établir les menus et de gérer la cantine(achats, déclarations URSSAF, etc.) . Il m’est même arrivé, étant tombé « en panne » de cantinière de préparer les repas avec les élèves, à leur grande satisfaction, ils avaient apprécié mes qualités (?) de cuistot.
    Basse flatterie ou satisfaction réelle ? : C’est drôlement bon ce qu’on a préparé avec le maître !
    Heureusement , ma « remplaçante », élue par le conseil municipal et les parents d’élève se montra à la hauteur de sa tâche.

  2. Dany Cazeaux

    Tu parles d’un temps, que les…………
    Le monde de bien avant….

  3. CHRISTIAN GRENE

    Hors-sujet: dis-donc J.J., tu dégaines plus vite que Lucky Luke? Hier, je guettais l’arrivée du blog de JMD pour t’abattre -euh! je voulais dire te battre – et êtres le premier de la classe. J’avais préparé un texte aux petits oignons, et au moment d’envoyer… tout est parti dans la poubelle. Avec les restes de mon petit déjeuner, seule chose dont on ne bénéficiait pas à l’école. Sauf quand, entré en 6e par la porte étroite, je me suis retrouvé à l’internat. Idem quelques années plus tard sous les drapeaux avec un certain JMD. Et franchement, c’est bien là que j’ai appris à bouffer de la m… Je ne connais pas le maire de Lyon et je me fous bien de l’écologie mais que, dans la capitale des Gaules et pays de M. Paul (Bocuse), on prive les enfants de la délicieuse rosette, de tripous et surtout du boeuf charolais, j’en vomis… Marre de l’idéologie, ramenez-nous la fée au logis.

    1. J.J.

      La bouffe à l’armée, ça dépendait, en mission parfois c’ était super ( de passage au radar de Cenon, un jour de  » repas de corps », j’ avais mangé dans les cuisines avec deux serveurs à mon service et les excuses du gérant du mess qui n’avait pas pu me trouver une place dans la salle à manger, mon passage n’étant pas prévu… Avec le chauffeur, on a fait la sieste derierre un buisson pour digérer avant de rentrer au camp.
      Par contre, au GT, à Blanquefort, c’était assez sordide. Un jour, j’ai tordu ma fourchette sur un morceau de bouilli et attrappé huit jours d’ arrêts pour avoir déclaré que c’était un scandale que dans la première armée du monde on puisse avoir du matèriel d »auusi mauvaise qualité. Le « lieut » n’avait pas apprécié.

  4. Bruno DE LA ROCQUE

    Je n’ai pas votre expérience à J.J. et à toi Jean-Marie. Du CP (la 11ème dans le privé confessionnel) jusqu’à la Terminale (3ème année d’École Régionale d’Agriculture d’État) mes souvenirs sont ceux d’un interne. Sauf l’année de mon CM2 (1949-50) effectuée à l’école publique, mais instit militaire, car en Allemagne occupée.
    En revanche, ma belle-mère (premier mariage, années 60) était la cuisinière de l’école maternelle d’un gros bourg haut-normand. J’ai souvent suivi les conversations entre elle et la directrice, toutes deux se répartissant les tâches d’économe de l’école… Non seulement sur les approvisionnements, mais sur les menus, sur les gosses difficiles, etc.

    Je subodore que ce qui sous-tend le billet de Jean-Marie est « l’affaire lyonnaise ». Je dois, d’emblée, dire que -par principe- j’ai de la sympathie pour le maire de Lyon, Grégory Doucet, car issu de notre siège d’Handicap International…
    Ma première réaction a évidemment été négative : obliger les enfants, les priver de protéines animales, pour certains le seul endroit où ils en reçoivent régulièrement. Et puis, J’ai trouvé un peu plus d’information que du « Bfmtv » : il y du poisson et des œufs donc des protéines animales ; ce n’est que transitoire, d’ailleurs la maire précédent (Gérard Collomb) avait en mars 2020 pris la même décision… Bref : il n’y avait probablement pas lieu à polémique, et probablement pas de nature idéologique. Des circuits courts à organiser, de la viande à rechercher autre que du « minerai » de l’industrie alimentaire… Laissons donc quelque temps à la mairie de Lyon pour organiser ses approvisionnements.

    Cela étant, pour revenir à des souvenirs de cantine : mes trois années d’école d’agriculture m’ont permis de consommer les « produits de la ferme » : nos légumes (y compris les endives issues de notre forçage et n’entrant pas dans les calibres de ce que nous livrions à l’extérieur), nos œufs, nos laitages (notre propre beurre, baratté à la sueur de nos fronts et à l’huile de nos biscotos), nos fruits, notre cidre fermier, etc.

  5. Bruno DE LA ROCQUE

    Christian Grene évoque l’ordinaire troupe… J’avoue avoir un peu tassé les souvenirs de la bouffe durant 27 mois et quelques, sauf, après l’Algérie les 14 mois passés au Sahara où d’un commun accord « à la base » nous avions accepté de ne pas toucher la « prime territoires du sud » de façon à améliorer l’ordinaire. Si bien que nous mangions mieux au Sahara qu’en Algérie. Officiers et sous-off en ayant fait autant pour les mess, j’ai eu droit ( moyennant une faible redevance) comme cabot-chef à quelques semaines de mess sous-off : non seulement bonne bouffe, avec quelque choix, mais plus de queue plateau et quart à la main…

  6. François

    Bonjour J-M !
    «  La cantine ! ! » : A la grande surprise de mon épouse, c’est avec ce cri de joie (!) que j’ai commencé la lecture matinale de mon bréviaire. Que de souvenirs dans ces timbales en alu (nous avions aussi les assiettes et les pichets en alu … jusqu’en 1961 au moins!) ! Quant au pichet du bandeau, je te signale que sa côte auprès des chineurs devient alléchante !
    A l’époque, les contrôles sanitaires étaient quasiment inexistants si ce n’est le vétérinaire qui, une fois par an, après la visite des troupeaux locaux, finissait son passage par les cantines scolaires !
    Oui, comment avons-nous pu résisté ? … A moins qu’une vaccination « à l’insu de notre plein gré » nous est protégée …sans bourse déliée !
    Chez nous, les menus répétitifs étaient établis par une ancienne institutrice du village (une hussarde au tempérament sec!). Ils étaient approvisionnés par des producteurs ou commerçants locaux, ce qui démontre que la grande découverte 2020 des circuits courts, n’est qu’un remake …de notre jeunesse ! Quant à notre cantinière, Madame Tauzin, malgré son tablier de devant ou cuisinier parfois douteux, elle nous confectionnait de très bons plats dont un hachis parmentier du lundi qui faisait mon régal pour débuter la semaine.
    Mon épouse me glisse à l’oreille que Madame Lacoume connaissait la semoule, non point pour le couscous, mais pour d’excellentes crèmes ou laitages qu’elle a gardées en mémoire …tant elle mangeait les rations de ses voisines dédaigneuses ! ! !
    La cantine était une salle, longue avec, en extrémité, la cuisinière à bois et son plan de travail, une salle où cent petits convives se rassasiaient sur trois rangées de tables rustiques, assis sur des bancs en bois. Les plats circulaient à bout de bras, portés par notre aïeule qui connaissait les rations à la louche de ses gourmands…ou pas ! Je n’ai pas souvenir d’un moindre accident dans ce lieu où le respect de la personne adulte était une règle admise … sans forceps !
    Oui ! C’était « la cantine » et non « le restaurant scolaire » standardisé et aseptisé sans cesse remis aux Normes Administratives …non gastronomiques et surtout déshumanisées !
    C’était il y a plus de soixante ans donc plus de risques de retombée, n’est-ce pas, La Classe ?
    Amicalement.

  7. Laure Garralaga Lataste

    Un constat : le passé fait florès…
    Autre constat : nous avons construit une société où « les Lucky Luke » tirent plus vite que leur ombre…
    Ne vous sentez pas visés chers amis Jean-Marie, J.J, Bruno, François et ami.e Dany (fille ? Garçon ?).
    Je ne suis pas étonnée des sympathies de mon ami Bruno pour le nouveau maire de Lyon, car nos engagements dans les année 70/80 nous conduisaient déjà à réfléchir et à partager sur l’avenir de la planète… Et oui ! Ecolos avant l’heure… Nous avons eu le tord d’avoir raison trop tôt ! Et nous l’avons cher payé !

    1. J.J.

      Je suis moi aussi de la « vieille garde », Cassandre qui a essuyé les quolibets de gens « en place », quand on ne parlait pas encore d’écologie, mais que l’on essayait de mettre en garde contre un dérive et des dégâts prévisibles dans l’avenir.
      J’avais été choqué moi aussi par cette annonce à propos des cantines de Lyon, avant le démenti de son interprétation malhonnête, inventée et détournée par des politiques à la moralité douteuse.

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