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Entretien avec livraison de mes vrais mots

Je vous propose aujourd’hui un entretien que j’ai accordé au blog « Livraisonsdemots.com » autour du roman Les 9 vies d’Ezio. C’est un privilège de pouvoir s’exprimer aussi longuement autour d’un livre. A vous de me dire

Bonjour Jean-Marie Darmian. Je ressors de la lecture de votre roman « Les 9 vies d’Ezio » (1). Une histoire qui parle de la famille, de solidarité, de racisme aussi, à travers la vie d’Ezio, le fils d’un couple italien. Pourriez-vous nous faire un court pitch pour ceux qui ne l’ont pas encore lu ?

« Les 9 vies d’Ezio », vie romancée d’un immigré italien piémontais, retrace la confrontation entre la vie d’un enfant puis d’un adolescent et d’un homme avec la grande Histoire des Hommes. En découvrant les 9 épisodes successifs de cette existence malmenée par les soubresauts de la période d’entre les deux grandes guerres mondiales, la lectrice ou le lecteur partagera la réalité du parcours d’une famille bercée par l’espoir. Se construire par le travail, la volonté, l’initiative, la solidarité, la résilience, un avenir meilleur que celui que l’on peut espérer chez soi constitue le fil conducteur du livre. Balloté par des événements heureux ou tragiques Ezio saura démontrer que tout immigré, quelles que soient ses origines, est partagé entre ses racines et sa volonté d’intégration mais que c’est une chance pour lui et jamais un handicap. Comme tous les enfants de l’extraordinaire village de Postua il saura, d’une manière différente de son père cimentier et de ses compatriotes, prouver que la réussite ne dépend que de sa capacité à résister aux épreuves de l’existence.

Le récit commence quand Giovanni est convoqué pour se rendre à la guerre. Pour sa femme, c’est le drame…

Oui mais Ezio n’en prend pas conscience. Pourtant ce départ dans la vie, aux côtés de sa mère, femme exceptionnelle dans ces circonstances douloureuses, va l’imprégner des principes essentiels : ne jamais renoncer et toujours avancer ! Gesuina aura une influence décisive sur son parcours et c’est probablement durant ces trois longues années qu’elle a forgé par l’exemple le caractère de son fils. L’absence du père a également joué un rôle car il a permis au gamin de l’idéaliser rendant sa disparition encore plus douloureuse…

Comment avez-vous imaginé cette histoire ? Qu’est-ce qui vous a donné envie de l’écrire ?

Ezio a réellement existé et tous les personnages du roman ont existé. Les « 9 vies » raconte donc les grandes lignes réelles d’une vie d’un homme qui m’en a confié les clés. J’y ai mêlé des personnages ou des événements puisés dans mon histoire personnelle de petit-fils et de fils d’immigré italien. Écrire ce roman constituait pour moi une manière de rendre hommage à ces « Ritals » ou ses « Macaronis » venus apporter leur savoir-faire et leur courage à la reconstruction de la France. J’avais besoin de transmettre la continuité perpétuelle des immigrés portés par l’espoir qui seul leur permet de résister aux vicissitudes des lieux, des personnes, des faits qu’ils rencontrent. J’ai essayé d’écrire un roman de passeur de mémoire.

Dans ce roman, on s’aperçoit que les parents d’Ezio veulent un bel avenir pour leur petit garçon…

Tous les parents immigrés cherchent que leurs enfants réussissent pour démontrer que leur choix de quitter leur pays, leur village, leur culture n’a pas été inutile. S’ils ne parviennent pas à y arriver pour eux ils mettent toutes leurs espérances dans la réussite de leurs fils ou de leurs filles.

Comment avez-vous créé le personnage d’Ezio ? Comment s’est-il imposé à vous ?

Ezio a été créé en synthétisant de multiples personnages réels, immigrés italiens, que j’ai pu fréquenter. Son milieu de vie, son parcours scolaire, ses révoltes, ses douleurs ont été avec des intensités différentes et dans des contextes différents, celles de multiples enfants ou hommes de sa génération. Même plus jeune que lui je les ai ressenties et assumées. Ezio m’est apparu comme une synthèse de ces existences marquées par une époque où rien n’était facile pour réussir. D’ailleurs bien des lectrices ou lecteurs, par exemple d’origine espagnole, se reconnaissent dans certains passages du roman et réagissent en apportant des témoignages émouvants.

Vous dédicacez d’ailleurs votre roman à votre petit-fils, qui porte le même prénom…

Oui c’est volontaire car mon petit-fils est né au Canada alors que ses parents y avaient immigré…Après son arrière-grand-père il est devenu à son tour un immigré. J’ai souhaité lui dédier le roman pour qu’il sache un jour qu’aucune immigration n’est facile et qu’il retrouve à travers ce roman les fondements de l’histoire de ses aïeux.

Au lycée, Ezio comprend que les jugements sociaux appartiennent à la logique éducative. Qu’aviez-vous envie de montrer à travers ça ? Vous trouvez personnellement que c’est vraiment le cas ?

À cette époque la logique sociale l’emportait sur tout le reste. Je l’ai ressenti et vécu, comme Ezio, dès l’école primaire. Moi j’ai eu la chance que le directeur du cours complémentaire où j’avais été admis me dirige vers l’École Normale d’Instituteurs creuset où se rassemblaient les enfants du peuple écartés des études longues… Ce fut une décision essentiel pour l’homme que je suis devenu. Est-ce le cas à notre époque ? J’en doute ! La mixité scolaire pour favoriser le réussite a quasiment disparu et le fameux ascenseur social par l’éducation ne prend pas tout le monde et ne s’arrête plus à tous les étages ! Loin de là. Ezio prouve que seule la volonté permet de mettre à terre les préjugés sociaux. En réussissant il fait réussir toute la diaspora italienne et c’est une constante dans l’immigration.

C’est un roman qui montre la perte de repères. Ezio a l’impression d’être nulle part géographiquement parlant…

Ezio navigue entre deux cultures, entre deux villages, entre deux modes de vie mais il finira par faire entrer son pays d’accueil dans son cœur. Il a voulu connaître les racines de sa famille ce qui ne l’a jamais conduit à rejeter pour autant les modes de vie de son village d’accueil. Tous les immigrés éprouvent ce besoin de retrouver ou de s’imprégner de leurs origines. On ne peut savoir vraiment où l’on va que si l’on ne sait pas d’où l’on vient. A Postua la « Randuna », retrouvailles organisées entre immigrés sert encore au maintien de ces liens entre générations séparées par des choix de vie.

Pourrions-nous dire que c’est un roman qui donne envie de toujours voir la lumière même dans les zones les plus sombres ?

La lumière n’existe que si on sait la percevoir. Elle brille dans les yeux de toutes celles et tous ceux qui empruntent le chemin de l’espoir pour entrer dans un monde qu’ils supposent meilleur. C’est à partir du moment où on ne la voit plus que l’on s’égare dans l’obscurité d’un destin que les autres construisent contre vous. Ezio ne se perd jamais, il marche à tâtons parfois mais il finit toujours par trouver une lueur qu’il cherche à faire grandir afin d’éclairer ses vies. Je m’occupe actuellement des mineurs non accompagnés arrivés sur notre sol après des épisodes bien plus exigeants que ceux qu’a rencontrés Ezio. ces ados ont connu le départ, la déchirure, les longues marches, les traversées épouvantables, les sévices, l’exploitation, la haine, la peur, les camps et la mort des leurs compagnons mais jamais ils ne perdent l’envie d’entrer dans un monde meilleur. J’ai voulu que ce roman soit pour eux celui de l’espoir. Toutes les personnes qui ont connu ou à qui on a raconté les parcours sur les sentiers conduisant vers les sommets les 9 vies d’Ezio serviront d’aiguillon pour leur mémoire. »

(1) En vente sur www.jeanmarie-darmian.fr sur les sites Amazone, Fnac, Cultura ou à commander en librairie indépendante. Les 9 vies d’Ezio Editions Desauteurs-des livres 15 € 

 

Cet article a 6 commentaires

  1. Christian Goga

    Très bon dialogue sur l’adaptation entre chaque personne que l’on est et son lieu de choix de vie. L’histoire des familles est faites de déplacements liés à la vie économique, politique au sens conflits de guerre, éducation par les rencontres et liens créés par les études. Comme quoi l’immigration au sens large n’est pas qu’internationale mais peux être aussi régionale.
    CHG
    (né d’une famille, Fontainebleau, Deux sèvres, Touraine, Coloniale, lié à une famille Reims, Berry, Touraine.) ‍‍

  2. GRENE CHRISTIAN

    Si Mussolini a cru pouvoir mettre le monde à sa botte, il n’a pas eu Vesace et la Loren. L’Italie, c’est Fellini et Rosselini. C’est Ezio et Gian-Maria, mon ami, dont la volonté est un exemple pour tous. Instituteur puis journaliste, maire puis conseiller général, et maintenant écrivain. Alphabétiquement à côté de Dante et d’Annunzio. Ecolo, les portes de l’An Vert sont toutes vertes. Et pour mille ans… jusqu’à San Remo, par la piste cyclo-touristique au bout duquel le Rex projette Cinéma Paradiso. Ciao amico!

  3. GRENE CHRISTIAN

    Bien sûr, je voulais parler de Versace. « Ferrare humanum est ». Ma copine, Emilie Romagne, ne m’en voudra pas.

  4. Dany Cazeaux

    Tout a été dit.
    Par ma grand mère paternelle, mon histoire est espagnole, mais quelqu’un l’a déjà évoqué.
    De tous tes livres, celui-ci m’a le plus ému.
    Cet entretien permet de mieux appréhender l’histoire et tes raisons de l’ecriture de ce livre.
    Avec toujours cette magnifique plume, je retrouve le côté « éducatif « , le passage de flambeau,présents dans tous tes écrits. Et par expérience, je sais que tu ne te trompes jamais .
    Maintenant que tu ne vas plus avoir de mandat électoral, j’attends avec impatience, le prochain livre.
    Amitiés.
    DANY.

  5. Laure Garralaga Lataste

    Tout exil est source de douleur. Tiraillée entre pays d’origine où sont vos racines et pays d’accueil… Mais vous êtes riche de deux langues, de deux cultures, de feux civilisations…

    1. Laure Garralaga Lataste

      de deux civilisations…

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