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Pas d’ajustements circonstanciels à la laïcité

Le 19 juin 2010, Créon rassemblait autour de la plantation d’un arbre (1) qui symbolisait l’attachement d’un certain nombre de personnalités à cette laïcité essentielle au vivre ensemble au sein d’une République prônant la liberté, l’égalité et la fraternité. Fidèle à ces valeurs nous souhaitions illustrer dans le paysage de la ville bastide, par ce geste symbolique, la nécessité de protéger l’une des idées fondatrices de la démocratie que certains qualifient «à la française ! ».

Le conseil municipal avait lancé un appel pour la création d’une journée nationale (2) consacrée à ce principe menacé par les extrémismes exacerbé, les interprétations erronées, les attaques volontairement mensongères. L’initiative avait permis de relancer un débat sérieux (3) autour de ce fondement de la paix sociale en présence de Guy Georges, ancien secrétaire général de feu le Syndicat national des instituteurs (SNI).

Durant la décennie décennie écoulée la question de la laïcité à la française, sensible, oppose régulièrement deux camps. D’un côté, les partisans du respect de la liberté religieuse tant qu’elle ne trouble pas l’ordre public. De l’autre, les tenants d’une limitation plus poussée de la liberté religieuse, notamment du port de signes religieux comme le voile qui altère selon eux le principe dont le périmètre s’élargit au gré des événements.

Comme le milieu politique national n’exploite que certains faits pour renforcer la clientèle ayant un avis sur l’une ou l’autre des positions, la laïcité dont la vertu essentielle est d’unifier ou de rassembler devient un sujet de discorde. L’affrontement volontairement renforcé par l’empilage de textes plus polémiques qu’utiles conduit à des comportements toujours plus dangereux. Dans un tel contexte il serait tellement plus simple de revenir aux fondamentaux mais des rentes de situation en pâtiraient.

Il existe en effet tous les outils légaux pour lutter contre l’interférence du religieux dans la vie collective publique. Inutile d’en inventer d’autres si ce n’est pour contenter les partisans de la mise à mal de cette valeur issue de la loi de séparation de l’église et de l’État. Durant plus d’un siècle, malgré des débuts très difficiles les problèmes ne sont venus que des manquements des religieux au respect des lois.

Durant les 3 heures de « morale professionnelle » que dispensaient à ses troupes en devenir, le directeur de l’École Normale d’Instituteurs il s’évertuait à donner des repères à ceux qui ne manqueraient pas d’être accusés de « bouffeurs de curés ». Pour lui rien n’était plus simple :  la laïcité résultait du « principe de séparation dans l’État de la société civile et de la société religieuse » et « d’impartialité ou de neutralité de l’État à l’égard des confessions religieuses ». Elle reposait pour lui sur le respect et la tolérance et aucunement sur une rivalité ou une défiance.

Jamais je ne me suis départi de cette vision. La laïcité repose en France en effet depuis 1905 sur trois principes simples : la liberté de conscience et celle de manifester ses convictions dans les limites du respect de l’ordre public, la séparation des institutions publiques et des organisations religieuses, l’égalité de tous devant la loi quelles que soient leurs croyances ou leurs convictions. Tout manquement à ces contenus de la loi est passible d’une condamnation hors on s’évertue à expliquer qu’il faut légiférer !

Elle garantit aux croyants et aux non-croyants le même droit à la liberté d’expression de leurs convictions et assure aussi bien le droit d’avoir ou ne de pas avoir de religion, d’en changer ou de ne plus en avoir. Elle garantit le libre exercice des cultes et la liberté de religion, mais aussi la liberté vis-à-vis de la religion : personne ne peut être contraint par le droit au respect de dogmes ou prescriptions religieuses.

L’État n’a donc pas à intervenir dans le fonctionnement des religions tant que ce dernier ne porte pas préjudice à l’ordre public. L’ordre politique est en effet fondé sur la seule souveraineté du peuple des citoyens, et l’État ne doit absolument pas s’ingérer dans le fonctionnement interne des organisations religieuses. De cette séparation claire se déduit la neutralité républicaine, des collectivités et des services publics, et astreint ses usagers à ne pas la troubler. La République laïque assure l’égalité des citoyens face au service public, quelles que soient leurs convictions ou croyances.

La laïcité n’a jamais été une opinion parmi d’autres mais elle garantit à tout citoyen la possibilité d’avoir la liberté d’en avoir une. Elle n’est pas une conviction mais le principe qui les autorise toutes, sous réserve du respect de l’ordre public. Rien d’autre et mettre en place une table ronde ne vise qu’à tenter de remettre en cause ce qui est établi et solidement ancré dans notre République.

(1)https://fr.wikipedia.org/wiki/Arbre_de_la_la%C3%AFcit%C3%A9

(2)https://jeanmariedarmian.fr/2013/09/09/creon-relance-un-appel-pour-une-journee-nationale-de-la-laicite/

(3) Les arbres de la laïcité en Gironde sont coordonnés par Marie-Christine Gautron-Darmian joignable sur mariedarmian@yahoo.fr

Cet article a 10 commentaires

  1. Laure Garralaga Lataste

    …  » séparation de l’église et de l’État.  » Cet intitulé ne vise-t-il pas qu’une seule religion ?
    Ne conviendrait-il pas de réactualiser en ces termes : « séparation religions État » ?

  2. Laure Garralaga Lataste

    Loi du 9 décembre 1905 sur la Laïcité dont s’inspirera la 2e République espagnole qui choisira cette date du 9 décembre 1931 pour promulguer sa constitution.

    1. Laure Garralaga Lataste

      Puis vint la loi debré du 31 décembre 1959 sur l’enseignement catholique.

      1. Laure Garralaga Lataste

        Rappelons-nous Peppone et don Camillo …

  3. J.J.

    « Pour lui rien n’était plus simple : la laïcité résultait du « principe de séparation dans l’État de la société civile et de la société religieuse » et « d’impartialité ou de neutralité de l’État à l’égard des confessions religieuses ». Elle reposait pour lui sur le respect et la tolérance et aucunement sur une rivalité ou une défiance. »

    Et le même d’ajouter : « Quand vous serez en discussion amicale avec le curé du village ….

    J’avoue que je me suis toujours bien entendu avec les représentants du clergé(sauf un qui cherchait systématiquement noise et n’hésitait pas à monter des coups tordus) qui étaient des personnes intelligentes, dans les communes où j’ai sévi.
    Il nous est même arrivé de participer à des actions communes (associations de donneur de sang, par exemple, avec un pasteur en plus ).
    Et ni les uns ni les autres n’avons jamais transigé sur nos convictions.
    Heureux temps !

  4. Bernie

    Jean-Marie, il ne faut pas confondre l’arbre de la paix et l’arbre généalogique. Le rituel a été inventé par les générations anciennes pour enterrer les morts. Oui 1905 est bien la séparation du clergé et de la noblesse qui a mis beaucoup de temps à s’affirmer comme état souverain. Seul le maire est reconnu par l’Église catholique pour statuer dans sa commune de résidence.

  5. GRENE CHRISTIAN

    Jean-Marie, je ne serai jamais ton double mais une pâle copie. Et ça me va puisque tu écris ce que je pense, et que je n’ai donc même pas besoin d’écrire. Ou alors, à mon front rouge de honte bue, ces trois mots: liberté, égalité, laïcité. Bossuet a écrit: « Dieu a établi la fraternité des hommes… ». Bon dieu, occupes-toi de tes ouailles!

    1. J.J.

      Notre père qui êtes aux cieux, restez y…
      Jacques Prévert

  6. Bernie

    Concernant l’enseignement, il serait bien de revoir le contenu de l’enquête PISA pour laquelle j’ai participé à une interrogation.

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