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Les appels aux secours ne sont pas tous entendus

Le sujet mériterait un vrai débat national tant il risque de devenir capital dans les prochaines années mais il est occulté par de sujets subalternes colportés par les exploiteurs de la crédulité citoyenne. L’organisation des secours aux biens et aux personnes en France est à bout de souffle et conduira tôt ou tard à des défaillances bien plus dangereuses que celle des numéros d’appel. La complexité des systèmes en vigueur, les difficultés de coordination, l’aberration des financements et le dogmatisme libéral vis à vis du service public conduisent à s’interroger sur l’avenir.

Les caméras de surveillance occupent le débat alors qu’elles constituent un épiphénomène purement électoraliste par rapport à celui de la sécurité que l’on qualifie de civile. Il a suffi que les numéros 15 (Samu), 17 (police), 18 (pompiers) et 112 (numéro européen unique) aient été inaccessibles ou très difficilement joignables dans l’ensemble de la France mercredi à partir de la fin d’après-midi pour que l’on découvre le système français d’alerte dans toute sa splendeur. Des perturbations ont persisté aujourd’hui et l’affolement est général.

Qui sait que le 20 juin son vote aux élections départementales sera décisif pour sa vie quotidienne ? Les sapeurs-pompiers qu’ils soient professionnels ou volontaires dépendent en effet en grande partie de la capacité qu’à le département à subvenir aux exigences de leur fonction. Depuis plus de 20 ans je siège au conseil d’administration du service départemental d’incendie et de secours et sont évoqués inéluctablement les mêmes difficultés.

L’organisation des secours appartient au département mais les représentants de l’État (Préfet ou Maires) en ont la responsabilité lorsque leur concours est nécessaire. Les collectivités territoriales payent (il n’y a aucun concours financier de l’État sauf en cas de nécessité de renforts liées à une situation catastrophique) et sont redevables d’une obligation de moyens mis à disposition pour garantir en toute circonstance la sécurité… En Gironde, la majorité départementale en votant le budget a ouvert en 2021 un crédit de 93 millions d’€ (56 % de la somme nécessaire au SDIS). Une contribution de près de 60 € par habitant qui est l’une des plus élevées par habitant de France.

Quand on parle du système d’appel il faudrait des pages pour expliquer un fonctionnement d’une affolante complexité. D’abord les sapeurs-pompiers doivent intervenir sur tous les événements mettant en péril les biens ou la sécurité générale des population (incendies, inondations, catastrophes technologiques, situations exceptionnelles…) : c’est leur vocation de base qui ne représente en fait que 25 % de leur activité en Gironde. En appelant le 18 ils réagissent dans les plus brefs délais tant sur le territoire métropolitain que rural grâce au maillage des centres des secours. Leurs interventions gratuites sont payées avec les contributions des communes, des intercommunalités ou du…département !

Ils ne doivent ensuite se déplacer que pour le secours aux personnes en difficulté sur l’espace public (accidents de la circulation ou de la vie courante) mais ceux qui interviennent dans la sphère privée (domicile, lieux de travail, santé personnelle) relèvent de l’appel au 15 ! On en arrive ainsi que si j’appelle le 18 pour une crise cardiaque sur mon canapé ou dans mon lit le Centre du SDIS transfère au 15 mon alerte.

Les personnels du SAMU prennent l’appel et apprécient le caractère urgente du secours. Normalement ils doivent envoyer des moyens privés (ambulance, médecins) ou publics (SAMU ou SMUR) pour la prise en charge du malade ou du blessé. S’ils estiment qu’il y a une urgence absolue il re-bascule l’appel au 18 qui envoie alors sur « le principe de la carence » un véhicule de secours à blessés. Normalement c’est l’hôpital qui doit alors régler le déplacement du véhicule et des personnels qu’il a d’une certaine manière réquisitionnés !

C’est parfois pour des motifs futiles ou sans rapport avec la mission des sapeurs-pompiers mais le risque de non secours à personne en danger ne permet pas de refuser. Le maintien à domicile des personnes âgées créée des milliers de sorties supplémentaires et les réductions de personnels dans les EHPAD durant la nuit augmentent le « relevage de résident.e.s ».

En 2020 où on est arrivé à 130 000 sorties dont 50 000 sont à la demande de l’urgence sanitaire ! Le budget des hôpitaux ne leur permet pas de dédommager le SDIS pour ces secours engagés pour ler compte. La dette pour la Gironde se rapproche des 10 millions d’€ Il faudrait y ajouter l’engorgement des urgences qui conduit les ambulances à attendre parfois des heures avant que la personne transportée soit prise en charge ! Les vacations ou les salaires sont à la charge du SDIS et le risque de manquer de véhicules dans les périodes tendues devient une préoccupation quotidienne. Et partout et tout le temps il y a derrière ces difficultés le conseil départemental… et 3 000 personnels qui maintiennent votre sécurité et des millions d’€ d’investissement.

L’idée d’un numéro unique d’appel a été évoquée… mais comme les budgets sont séparés, les personnels différents et la santé reste non soumise à l’autorité des collectivités territoriales et même des représentants de l’État (l’ARS est indépendante) on n’y parviendra pas… tant que les communes et les départements payent !

Cet article a 11 commentaires

  1. Bernie

    Entre transfert d’appel et intervenants financiers, il y a le contribuable qui paye et ne sait pas ce qu’il représente au milieu de tous ces budgets et organisations départementales, communales et étatiques.

  2. Philippe Labansat

    Là, comme pour tout le reste, la solution est simple : chasser les migrants, fermer les frontières, durcir la loi et rendre les peines automatiques.
    (j’ai sauvegardé, la phrase puisqu’elle va resservir à pour tous les sujets ; vous vous doutez que je me moque légèrement d’une tendance politique décérébrée, mais que l’on entend que trop…)

    1. Laure Garralaga Lataste

      @ Philippe Il faut toujours prendre garde aux solutions simples !
      Une question : la vie est-elle simple ? Chaque réponse personnelle met en évidence sa complexité !

  3. facon jf

    Bjr,
    février 2019 ma voisine 90 printemps fait une chute dans l’escalier son époux PMR est dans l’incapacité de faire quoique ce soit. Avec un autre voisin secouriste comme moi nous intervenons auprès de la blessée dans un état préoccupant. j’appelle le 18 qui me mets en relation avec une personne chargée de l’orientation des secours après quelques longues minutes d’attente. Tableau clinique, décision d’envoyer les pompiers, petit problème l’opérateur est incapable de localiser l’adresse précise bien que ce soit un axe routier important dans une commune de 7000 habitants ! logiciel vraisemblablement pas à jour… De nombreuses minutes défilent puis enfin appel des pompiers de la commune. Encore de l’attente pour voir arriver le VSAB avec seulement 2 équipiers, compte tenu qu’il faut sécuriser la victime dans le matelas coquille pour le transfert, 3 intervenants minimum sont requis. Le chef de bord appelle alors le département pour avoir des renforts qui doivent les faire venir de la ville voisine à 10km !! Mon voisin et moi même nous sommes formés et qualifiés pour pratiquer les secours en milieu professionnel mais pas sur la voie publique donc contraints à rester spectateurs … L’urgence de la situation conduit les pompiers à trouver localement une aide habilitée pour procéder à l’intervention. Résultat 40 mn entre l’appel et le départ de la victime, je précise que la caserne est distante de moins de 200 m du lieux du drame qui coûtera la vie à la victime.
    Et voila comment fonctionnent réellement les services de secours, réformés par des technocrates blindés de diplômes, validés par des politiques absents du terrain, optimisés par des comptables galonnés l’objectif étant de décrédibiliser totalement les services de secours départementaux. Les SDIS fonctionnent en grande partie par l’engagement bénévole de milliers de personnes portant haut les valeurs humaines. TOUT est fait pour les dégoutter ! Organiser la carence des services pour démontrer la suprématie des services privés. Sortir de la logique du secours en apparence gratuit pour RESPONSABILISER ( alibi pratique pour masquer les profits colossaux ) le public en le faisant payer.
    Pour revenir à votre sujet lisez cet article https://www.francetvinfo.fr/internet/telephonie/panne-des-numeros-d-urgence-cet-incident-etait-previsible-l-etat-n-a-pas-pris-ses-responsabilites-affirme-le-porte-parole-de-lassociation-des-medecins-urgentistes-de-france_4648877.html
    Nous assistons depuis maintenant au moins 20 ans au démantèlement en règle de notre pays et de ce qui en faisait son architecture et sa colonne vertébrale. Un pays ce n’est pas qu’une administration et une population. Un pays, c’est bien plus que cela et sans même rentrer dans ce qui fait l’âme des nations idée que je préfère nettement à l’identité nationale, un pays, c’est aussi une structure, une organisation, des moyens, des techniques et au bout de la chaîne des gens, hommes et femmes qui le font tourner.
    Tout cela est périmé, obsolète,démodé vive l’Europe monstre froid technocratique et vénal.
    bonne journée

  4. Bernie

    Il serait bien que les Ephad améliorent leur accueil par une anticipation en vue d’apporter un plus dans l’acheminement des résidents. Ex : questionnement sur le lieu d’hospitalisation et fichier à l’appui

  5. J.J.

    J’ai assisté il y a maintenant bien longtemps à une scène, ubuesque, courtelinesque ou kafkaïenne ?
    Incendie de forêt dans les Landes. Les unités locales de volontaires sur place montent au feu à tour de rôle. En réserve, une unité des pompiers de la base aérienne de Mérignac avec un camion citerne, sous les ordres d’un aspirant.
    L’officier commandant les opérations demande à l’aspirant d’envoyer son unité au feu.
    — Je ne peux pas, je n’ai pas encore reçu l’ordre de Mérignac.
    — On n’a plus d’eau, alors donnez nous celle de votre camion.
    — Je ne peux pas, si je reçois enfin l’ordre de pouvoir monter au feu, nous n’aurons plus d’eau.
    Le commandant des opérations, excédé :
    — Alors foutez le camp !

    C’était déjà pas simple, mais ça ne s’est pas vraiment arrangé.

  6. Bernie

    L’Ars a pour mission la régularisation et l’aide des hôpitaux et des ephads Il peut prendre contact avec un ephad. Ce sont des inspecteurs du sanitaire. Cependant la personne de confiance doit bien expliciter la position sociale du sujet âgé pour faire valoir son acheminement vers une structure hospitalière publique

  7. LAVIGNE Maria

    Il y a tant à dire sur le sujet. Epouse et mère de pompiers, j’ai pu voir les changements et pas toujours en bien. Sauver ou périr, telle est leur devise mais un témoignage plus haut illustre la bêtise de certains de nos dirigeants hors sol responsables des changements intervenus. Mon époux ne reconnait plus l’administration qu’il a servie, mon fils qui suivait son père enfant et qui a gravi de nombreux échelons confirme. Il parait que c’est mieux !!! Je persiste à dire que les plus anciens encore en activité ont du mal…moi aussi.
    Beaucoup de reconnaissance pour ceux qui, avec humanité, sauvent des vies, de la reconnaissance aussi pour les élus qui doivent joindre les deux bouts malgré les grands débats, tout le blabla rabâché avec la complicité des médias aux ordres.

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