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Les vacances libératoires de Monsieur Hassan

Hassan passe sur la route de son restaurant aux spécialités marocaines? par la terrasse du Bistrot. Un petit café matinal et quelques mots échangés suffit à son plaisir de prendre le soleil. Il ajouté aux menus traditionnels qu’il prend en commande pour le soir, des plats de restauration rapide ce qui lui permet de mieux répondre à la demande. Tout juste sorti des restrictions de la crise sanitaire, le « patron » prépare la rentrée. Il espère que sa formule du « commandé emporté » continuera à fonctionner car elle constitue l’essentiel de ses recettes.

« J’ai pris quelques jours de vacances avec la famille. Depuis deux ans, à cause du virus, nous ne retournons pas au Maroc. D’abord parce que c’est trop compliqué et ensuite parce que c’est trop loin. La maison de mes grands-parents se trouve à Casablanca. Il y a près de 2 000 kilomètres depuis Bordeaux. Je mets avec une bonne voiture aux alentours de 24 heures non-stop mais c’est épuisant pour tout le monde surtout pour ma mère. J’essaie de rouler au maximum de nuit. » Hassan a donc pris pour quelques jours de repos, le « réflexe français depuis 2020 »

« Retourner au Maroc c’était traverser l’Espagne. Il faut se rendre à Algésiras pour prendre le bac avec la voiture et donc payer toutes les autoroutes et la traversée. C’est un vrai budget. Là nous sommes allés à Hourtin dans un campng sous la tente, au bord du Lac en quelques heures et ça me revient quatre à cinq fois moins cher. » Les racines s’estompent peu à peu et même s’il reste de la famille à Casa ça semble irrémédiable. « J’irai peut-être tout seul en voiture avant la fin de l’année si la situation sanitaire le permet mais pour les vacances je ne sais pas ! « 

Hassan pense à sa mère qui a besoin de revoir les siens. « Elle s’est habituée à l’éloignement car ses enfants sont répartis un peu partout. Il y en a en Sicile, en Belgique et ailleurs en France. En fait c’est simple chacun est parti vers l’endroit où il y avait du travail. Ils se sont mariés avec des filles du pays et maintenant eux-aussi vivent la réalité de leur lieu d’habitation. Nous allons parfois chez eux ! » Cette mutation de situations et des habitudes a été accentuée par le Coronavirus. Il a pourtant retenu de ses périples familiaux des indices d’une autre vision de l’intégration. 

« Quand j’ai visité la Sicile, j’ai été frappé que dans certains monuments ils aient conservé des anciennes inscriptions en arabe sur les murs. Comme d’ailleurs dans le sud de l’Espagne. C’est la preuve que les civilisations se sont mélangées et qu’il y eu des périodes où ça ne posait pas de problème. Personne n’a effacé ces signes. Églises, synagogues, mosquées peuvent cohabiter sans aucun problème… » Hassan tente de se persuader que son insertion qui a fait son bonheur durant ses vacances à Hourtin, lui permet de garder l’espoir pour ses enfants. Il était en effet dans le camping, un parmi beaucoup d’autres de toutes nationalités et de toutes origines. Se fondre dans un tel lieu constitue un moment qui lui a plu. 

« J’ai déjà décidé de revenir là-bas l’an prochain » assure-t-il comme s’il avait franchi définitivement un cap. Dans le fond la crise sanitaire aura eu des effets positifs car Hassan aura pris conscience que les vacances lui ont ouvert d’autres horizons. Discret, souriant, affable le restaurateur avoue que le fait qu’il ait la « nationalité française lui facilite pourtant grandement le voyage au Maroc. Par exemple quand je franchis la frontière à Algésiras au retour, je n’ai aucun problème. Ce n’est pas le cas de tout le monde. »

Hassan quitte la terrasse pour aller préparer l’ouverture de son restaurant. Les bricks traditionnels constituent sa spécialités tout comme les pâtisseries. La cuisine familiale maintient en effet un lien à partager avec le plus grand nombre. Les vacances viennent d’en diluer un autre. Il en est à fois fier et heureux. Le café du matin aura un petit goût de liberté supplémentaire. Il remplacera sans problème le thé à la menthe de la maison.

Cet article a 4 commentaires

  1. J.J.

    Ce titre m’évoque évidemment les vacances d’un autre emblématique personnage, mais également une autre manifestation moins connue : les Vacances de Monsieur Haydn, à la Roche Posay, un festival de musique organisé par le violoncelliste Jérôme Pernoo, festivité elle aussi annulée pour cause de Covid.
    Constat récurrent : cette crise sanitaire aura changé bien des choses, nous avons perdu et perdons beaucoup, mais il y aura certainement aussi des effets positifs qu’il nous reste à découvrir : la preuve qu’illustre cet adage; d’un mal sort toujours un bien.

    Laure @ « Non, mais merci de les porter à ma connaissance. Sont-elles accessibles sur internet… ?
    Si le lien est passé correctement, tout se trouve en dessous du texte de Pierre Perronneau, il suffit de « descendre ».
    Si ça ne marche pas préviens moi, on trouvera une solution.

    1. Laure Garralaga Lataste

      Bien sûr qu’elles sont accessibles sur internet : Histoire pénitentiaire et justice militaire, qui étaient les tondues de Bordeaux du 29 août 1944 ?

  2. Laure Garralaga Lataste

    Ce témoignage de Hassan fait revivre en moi des souvenirs personnels : « mon retour à mes racines »… à Barcelone. Je ne me suis jamais sentie catalane et mes recherches entreprises lors de mon écriture « la déchirure » m’ont confortée dans cette certitude… Je suis de Navarra (côté Espagne) . Mon côté douloureux… renaît à chaque période de migrations… Vous pouvez imaginer combien sont difficiles ces périodes passées et présentes… Certains et certaines compatriotes ont profité de ce retour à la normale en Espagne pour « revenir au pays »… et s’y installer à nouveau. Très difficile ! Car ils ont revécu à l’envers l’absence de cette France où ils avaient grandi ! Des coupés.es en deux, des écorchés.es vifs… vives.

    1. Laure Garralaga Lataste

      la suite : … à la recherche du passé perdu qui  » ne se rattrape guère… ne se rattrape plus ! »

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