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Essayons toutes et tous d’être d’urgence des colibris

Lorsque une créature maléfique échappe à celle ou celui qui l’a conçue il commence à y avoir affolement dans une société qui n’aime plus désormais que l’extraordinaire. Et lorsque la panique gagne le camp de celles et ceux qui ont feint d’ignorer le danger, les méthodes de défense ne varient guère. Elles permettent très vite de constater que deux stratégies émergent : celle consistant à ignorer le monstre et de le laisser s’essouffler en devenant ordinaire ou celle de l’invective lointaine et méprisante. C’est une constante de la vie médiatique.

Dans les deux cas le résultat est identique : elles finissent par renforcer celui ou celle que l’on vise. L’ignorance du danger ne l’a jamais effacé et le fait de hurler au loup n’a pas préservé de la catastrophe. Pourtant rien ne permet de penser que ces leçons aient été retenues par une « classe dominante » qui ne sait pas comment chasser l’épouvantail de son pré carré. Elle tergiverse, elle bafouille, elle éructe, elle se cache mais parfois elle hésite entre le ralliement direct ou indirect et l’indignation modérée ou intensive. En attendant le doute instille les esprits.

Le sujet le plus révélateur de cette tendance reste celui de l’immigration. On sent bien depuis quelques mois que le mot en lui-même constitue un boulet idéologique qu’il ne faut absolument pas utiliser. En se fiant aux sondages les leaders d’un monde n’ayant plus rien de politique pour devenir celui d’un show-biz de fête locale. Les convictions, les valeurs, les fondamentaux républicains deviennent des handicaps électoraux puisque l’essentiel consiste à aboyer moins fort que le loup ou à tenter de se transformer en pâle imitation du loup. La sentence n’en sera que plus cruelle.  Même si souvent elle était très manichéenne la référence idéologique permettait au moins des affrontements qualifiés de simplistes ou de dépassés mais qui cristallisaient des énergies.

Le consensus béatifiant a réussi à marginaliser les différences fondatrices de la la vie sociale. Et comme les laboratoires d’idées ne fonctionnent plus car considérés comme inutiles, nous sombrons dans un bougli-bougla d’où n’émergent que les saveurs, les odeurs, les couleurs les plus avariés, nauséabondes ou ternes. Cette situation empire en raison des ambitions individuelles permettant à quelques nombrils passés ou présents de penser qu’ils sauveront ce qui n’est plus leur camp. Ils ne s’aperçoivent même pas que plus grand monde ne s’intéresse plus à leur anatomie artificialisée.

Le système médiatique a inventé le terme de « banalisation » des affirmations qui auraient provoqué un tollé général il y a encore quelques mois. Pétain a trouvé une nouvelle jeunesse, Laval s’installe dans les programmes télévisés, le contrôle des envois d’euros à l’étranger devient une arme répressive, l’intérêt général n’est même plus la conjonction des intérêts particuliers mais seulement celui auquel on aspire… et tant d’autres propos ou attitudes glissent sur l’indifférence généralisée ou ne provoquent que des hauts cris de circonstances.

Il y a quelques temps l’indignation et la révolte étaient occasionnelles. Il faudrait qu’elles soient quotidiennes tellement les occasions pullulent. Un sensation de ne plus appartenir à cette républiqueà laquelle l’on a consacré une bonne part de sa vie envahit toujours plus, les vieux esprits déformés par une éducation. Que faire quand on aime les gens ordinaires et que l’on commence à détester celles et ceux qui prétendent les représenter au plus haut niveau du pouvoir ? Se taire, se terrer, se recroqueviller sur son acrimonie, prétendre comme le misanthrope de Molière que «c’est une folie à nulle autre seconde/ De vouloir se mêler de corriger le monde » ? La réponse n’est pas facile !

Dans un contexte aussi angoissant, il suffit de se rappeler de l’impact de la stratégie du colibri. Elle rend plus modeste et plus solide. Combattre l’indicible par la parole, l’indifférence par la motivation, l’ignorance par l’éducation, l’oubli par la transmission. Il n’y aura jamais de solution miracle face au rouleau compresseur médiatique national. N’empêche que renoncer serait pire qu’un désertion ce serait une trahison. Alors il faut sortir, aller vers les autres, informer, s’informer, échanger, débattre, provoquer au moins le doute puisque plus grand monde ose exister avec des valeurs considérer comme passéistes. Je n’y renoncerai tant que je le peux.

Tolérance, fraternité, solidarité, liberté, amitié, humanité : chaque fois qu’elles reculent se crée un vide occupé par leurs contraires. Plus que jamais je suis persuadé que le colibri reste la solution. La légende amérindienne veut qu’un jour il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés, atterrés, observaient impuissants le désastre. Seul le petit colibri s’activait, allant chercher quelques gouttes avec son bec pour les jeter sur le feu. Après un moment, le tatou, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit : « Colibri ! Tu n’es pas fou ? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ! «  Et le colibri lui répondit : « Je le sais, mais je fais ma part. »

Cet article a 14 commentaires

  1. J.J.

    « Que faire quand on aime les gens ordinaires et que l’on commence à détester « celles et ceux qui prétendent les représenter au plus haut niveau du pouvoir ? »

    Je pense à ce sujet à un parti dont les membres à l’ego démesuré, ont provisoirement caché leurs couteaux dans leur dos.
    À observer leur suffisance et leur morgue, je n’ai pas l’impression qu’ils prétendent représenter les citoyens, mais plutôt arranger entre eux leurs petites affaires (pourvu que ça rapporte !) jusqu’au prochain épisode où l’on aura peut être la satisfaction de les voir s’entredéchirer de nouveau.
    Le peuple, les citoyens ne les intéressent guère, ils ne les méprisent même pas. Même s’ils font semblant de s’en préoccuper, ils les ignorent.

  2. Laure Garralaga Lataste

    Cette histoire du colibri me fut offerte par ma prof de philo voilà déjà bien des années… Je l’ai toujours gardé dans un coin de mon cerveau mais aussi de mon cœur ! Merci Jean-Marie d’avoir rappelé ce magnifique symbole dans ce « Roue Libre » ! À méditer…

    1. Bernie

      Bonjour Laure,
      Merci à Pierre Rabbi pour avoir garder dans sa pratique le fait de nourrir le Monde.
      Très bonne journée même si la matinée a été difficile à se mettre en route.
      A bientôt

      1. facon jf

        @ Bernie, Rabbi est pour moi un escroc de grande envergure! Le journaliste Jean-Baptiste Malet a mené une longue enquête sur Pierre Rabhi, et déclare, en septembre 2018 sur France Inter, que celui-ci touche selon les mois et les années des revenus situés entre 7 000 et 10 000 € par mois, principalement grâce aux ventes de ses livres et aux droits d’auteur, qui lui ont rapporté un demi-million d’euros en dix ans : quasiment aucune de ces recettes n’est reversée à une quelconque association (seuls les droits d’un ouvrage de Rabhi sont reversés à Terre et Humanisme et Colibri). Rabhi en tant que conférencier peut facturer entre 1 000 et 2 000 € par prestation. Malet note qu’« il y a même des années où « Terre et Humanisme » a pu verser du salaire à Pierre Rabhi alors qu’il avait déjà de gros revenus ». Tout ceci est selon le journaliste en incohérence avec le discours et l’image de l’humble paysan en blouse de travail affirmant dormir sur une simple natte, tel un ascète. De plus, son fonds de dotation a bénéficié de plusieurs centaines de milliers d’euros de dons : par exemple un legs de 480 000 € à la suite d’une vente d’appartement ou un don de 50 000 € de la marque de luxe Chopard. Jean-Baptiste Malet constate que « ce fonds de dotation ne consacre que 60 000 € par an à des actions environnementales » et il se demande pourquoi Pierre Rabhi utilise par ailleurs ce fonds de dotation pour salarier le compagnon de sa fille ainsi que son assistante personnelle, alors qu’il pourrait le faire avec ses fonds propres. Le journaliste, en définitive, « pense que c’est important de se pencher dans les comptes et d’avoir un peu plus de transparence sur ce qui se passe chez Rabhi »

        1. Bernie

          Bonjour,
          J’avais entendu dire cela. Au vu de la corruption dans notre pays, je peux croire votre version des faits.
          Très bonne journée

        2. Laure Garralaga Lataste

          @ à facon jf
          Ils/elles sont nombreux/nombreuses à ne pas prétendre à semblables revenus…

        1. Laure Garralaga Lataste

          @ à facon jf
          Merci d’avoir permis cette lecture…

  3. Philippe Labansat

    « Que faire quand on aime les gens ordinaires et que l’on commence à détester « celles et ceux qui prétendent les représenter au plus haut niveau du pouvoir ? »
    Pour moi aussi, c’est la question essentielle.
    Mais j’ajouterais, que faire quand on réalise que les institutions de votre pays n’autorisent pas la démocratie, qu’elles n’ont jamais été concues pour ça ?
    Voilà 63 ans que nous nous sommes habitués à nous passer d’une société démocratique, tout ça pour donner les pleins pouvoirs à un Prince.
    Aujourd’hui, où l’outil démocratique nous serait indispensable, on ne peut plus faire appel qu’aux colibris. Même notre grand timonnier, avec tous ses pouvoirs, en est réduit, lui aussi, quasi au statut de colibri, pour éteindre tous ces incendies.
    Alors, bien sûr, il faut rester ferme sur ses principes, mais racontons l’histoire jusqu’au bout : le colibri est instantanément cramé dès qu’il s’approche du brasier.
    Il est évidemment plus élégant de conclure sur une note positive. Je n’ai rien trouvé, désolé…

    1. Laure Garralaga Lataste

      @ à Philippe Labansat
      Une proposition de réponse à cette première question : c’est l’abstention qui progresse… !

  4. facon jf

    Bonjour,
    les légendes sont souvent tronquées par des gens qui en tirent argument en coupant les contre-arguments. Cette légende n’échappe pas à la règle.
    « Un jour, dit la légende, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés, atterrés, observaient impuissants le désastre. Seul le petit colibri s’activait, allant chercher quelques gouttes avec son bec pour les jeter sur le feu.
    Après un moment, le tatou, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit : « Colibri ! Tu n’es pas fou ? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ! » Et le colibri lui répondit : « Je le sais, mais je fais ma part. »
    L’histoire ainsi racontée est pourtant incomplète, et sa fin mérite d’être enfin dévoilée…
    Le tatou poursuivit : « Colibri ! Sais-tu que plusieurs centaines d’hommes armés de lance-flammes sont en train d’allumer des feux partout à travers ce qu’il reste de forêt ? Ils ont aussi empoisonné l’eau que tu tiens dans ton bec. »
    Mais le Colibri, qui volait vers les flammes, était déjà loin et n’entendait plus.
    Soudain, un sanglier entreprit de charger les hommes. De ses défenses, il perçait les réservoirs d’essence et les jambes des pyromanes.
    Le tatou découvrant la scène, effrayé, dit aussitôt au sanglier : « Tu es fou ! Tu discrédites les efforts du Colibri. À mettre les humains en colère, tu risques ta vie, et celle de tous les animaux de la forêt ! Et le sanglier lui répondit : « Réveille-toi tatou, je fais ce qui est nécessaire. »
    Le colibri et sa légende ne sont, pour moi, qu’une manière illusoire de se donner bonne conscience en décrétant  » j’ai fait ma part! » . Ce qui sous-entendrait MOI j’en ai fait assez, c’est votre tour!
    Le colibri fait sa part, ou ce qu’il pense être sa part, c’est à dire de l’affichage, et s’en prévaut moralement, tandis que le sanglier regarde le problème, réfléchit, trouve une solution et l’applique pour le résoudre. Il ne fait pas « sa part », il ne fonce pas tête baissée sans réfléchir; il imagine ce qu’il peut faire de concret avec ce qu’il a sous la main et qui aura un vrai impact. Il le fait en prenant un risque. Et il ne fait la morale à personne.
    Je ris de voir et d’entendre les gens autour de moi se gargariser de cette petite partie de la fable si précieuse aux géants du greenwashing . Rivés à leurs téléphones « intelligents » ils passent leur temps à saturer les serveurs ogres insatiables d’énergie. Des smartphones de quelques centaines de grammes qui ont nécessité des centaines de kilos de matières premières irremplaçables perdues à jamais pour échouer oubliés dans un tiroir.
    Réveillez-vous ! Ne soyez plus des colibris qui recyclent les bouchons des bouteilles d’eau. Soyez des sangliers ! Revenons à la question de fond: que puis-je faire à mon niveau, avec ce que j’ai sous la main et qui ait un vrai impact?
    Ne nous contentons pas de faire l’illusoire  » je fais ma part » du colibri faisons  » ce qui est nécessaire » avec la détermination du sanglier.
    Bonne journée

    1. Laure Garralaga Lataste

      @ à Facon jf
      Le colibri a pris la mesure de sa taille et a agi en conséquence… Que chacun fasse de même, à son niveau… Halte au gaspillage de l’eau et de l’alimentation (combien de kilos d’aliments vont dans les poubelles par jour), halte à la pollution de l’air, de la terre et des mers… N’utilisons notre smartphone que pour alimenter une consommation raisonnée et raisonnable (15 mn par jour)… Que chacun d’entre nous fasse un petit effort et la planète nous le rendra bien !

    2. Bernie

      Aidons la destruction des sangliers. Les forêts sont détruites par ces hordes qui labourent et font des trous, à la recherche de vermisseaux ou autres.

  5. Bernie

    Julie propose de faire la recette de civet de sanglier de Laure.

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