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Le poids des mots et le choc des images

Nous vivons de plus en plus sur la base du fameux slogan publicitaire de Paris Match inventé par Jean Cau voulant que deux critères, « le poids des mots et le choc des photos » régissent une information attractive. La vraie mutation c’est que désormais toute la société est désormais gouvernée par ce principe qui envahit les pratiques et les esprits. Faute de recul suffisant l’emprise des déclarations ciblées ou soigneusement choisies provoque des dégâts dont on ne mesure l’importance toujours trop tard. La diffusion en boucle d’images non maîtrisées aggrave cette situation.

Faire appel à la raison, à l’analyse, à la méfiance n’a plus aucun effet puisque le système parvient toujours à justifier l’injustifiable par référence à des valeurs détournées de leur sens premier. La politique a pris le chemin de l’exploitation de la stratégie de Jean Cau. Elle ne repose plus sur des débats de fond mais sur la mobilisation par des ce que les médias appellent les « punchline », sorte d’exploitation de mots transformés en « armes » destinées à « blesser » ou même à « tuer ». La fameuse « dédiaobolisation » s’est appliquée en grande partie dans tous les secteurs dans une société de l’oralité triomphante.

Le nazisme avait construit son ascension sur la base d’un livre d’une rare indigence mais truffé de provocations et d’outrances qui furent ensuite reprises et démultipliées par des discours simplificateurs jugés sans grande importance par une communauté internationale sûre de sa capacité à résister. Écrasée par justement le « poids » des mots utilisés elle a cédé comme l’aurait fait un barrage surestimé dans sa capacité de résistance devant un torrent ne cessant de grossir.

Ce matin je buvais un café en solitaire dans un Bistrot inhabituel. Sur BFM, face à Bourdin « Z » déclinait ses affirmations péremptoires avec le maximum de force. Il énonçait les antiennes d’une campagne médiatique destinées à ancrer des certitudes servant sa cause personnelle dans les crânes de ses partisans assurés ou potentiels. Les arrivants ou les installés se congratulaient en remplissant leur grille du PMU. « Tu as vu ce qu’il leur as mis ! » se réjouissait l’un d’entre eux en ne retenant bien évidemment que les « mots » clés de cet entretien. «  Au moins lui il n’a pas peur et il leur rabat leur caquet ! » ajoutait son pote penché sur les partants du jour. Révélateur. Ils n’avaient rien réuni du contenu mais apprécié l’attitude agressive. 

Le combat « viril mais incorrect » a pris le pas sur la confrontation d’idées. La violence trouve sa justification grâce à des « mots » banalisés à l’extrême. Lorsque de manière aussi paisible que possible des militantes de SOS racisme dévoilent sur des tee-shirts un simple slogan  républicain essentiel consistant à refuser le racisme elles déchaînent justement une réaction démesurée, dangereuse proche du lynchage en meute. En désignant comme cible à la vindicte publique certains journalistes les responsables de tous ordres prennent le risque de générer des actes dangereux.

Que font les terroristes fascistes islamistes ? En utilisant le poids de mots présentés comme des dogmes religieux et le choc d’ images épouvantables sur les réseaux sociaux (la vidéo devient une arme) ils incitent à la haine extrémiste, à l’action violente, à la négation de l’intelligence et du droit à la différence. Les mêmes causes peuvent donc dans un avenir proche produire les mêmes causes. C’est une constante mais que personne ne souhaite voir pour ne pas discréditer son propre camp. Les autruches ne sont pas toujours innocentes.

Les semeurs de haine espèrent toujours récolter les effets de leur investissement pour leur seul objectif : la conquête du pouvoir. « Z » va monter d’un cran s’il voit que sa cause perd du terrain. Le danger c’est que faute d’arguments construits et fiables la tendance bascule vers des affrontements de plus en plus incontrôlables.

La charge de leurs mots écrase bien des consciences et la vue de certaines images finit par aveugler les jugements. Les peurs prennent alors le relais et provoquent des réactions de masse épouvantables. L’insécurité sociale sous toutes ses formes s’étend en France, en Europe et dans le monde. Il suffit parfois d’une étincelle involontaire ou d’un boute-feu criminel pour que la « soute des certitudes » explose. C’est une menace permanente.

Nous avons dépassé l’étape du complotisme rampant pour entrer dans celle des conflits ouverts. La bien-pensance a tué la lutte des classes pour instaurer la lutte des castes. Plus personne ne la maîtrise plus et tente de s’adapter soit en pratiquant la surenchère verbale soit se réfugiant dans l’indifférence.

Cet article a 7 commentaires

  1. Christian+Baqué

    Je partage en grande partie ton analyse. Mais elle ne serait pas complète si nous ne disions pas que le pouvoir macroniste en place n’a cessé d’utiliser, d’exploiter ces peurs pour mettre en place une politique liberticide et entretenir un climat, qui inclut la stigmatisation des étrangers, des musulmans, des « migrants », un climat de guerre civile, ou, en tout cas, de préparation à la guerre civile. La droite classique fait de même, Z n’en est que la caricature à peine plus haineuse. Les vieux partis « de gauche » sont hors circuit après s’être coulés avec complaisance dans les institutions de la Vème République.
    Et je ne pense pas que cela éteigne la lutte des classes, heureusement. C’est par là que les choses se redresseront, quand les salariés, les chômeurs, les retraités, unissent leurs forces contre des mesures sociales iniques. Macron a poursuivi sa politique de liquidation des services publics, de la Santé, de l’Ecole, et n’a rien abandonné de ses projets, par exemple pour liquider nos systèmes de retraites.

  2. Philippe Labansat

    C’est désespérant : aucun échange, aucun raisonnement ne peut plus fonctionner avec une grande partie de nos concitoyens. Ceux-ci sont enfermés à double tour, cadenassés dans des certitudes construites à base d’intox lancinantes.
    On en arrive à baisser les bras, ne plus écouter, ne plus dire ou contredire. À quoi bon ?
    On compte les personnes avec lesquelles on peut encore discuter, voire s’opposer intelligemment, avec écoute, avec respect.
    Pour les autres, il semble que plus rien ne peut plus les retenir, dans leur glissade vers une sorte d’abîme intellectuel…

  3. J.J.

    Tout ça nous ramène quelques 90 ans en arrière, et après un retour à une situation (presque) normale où l’on entendait bêler des « plus jamais ça ! », on en est revenu à « encore ça ».
    « Le ventre est encore fécond, d’où a surgi la bête immonde.» citation prémonitoire de Berthold Brecht, toujours hélas d’actualité

  4. facon jf

    Bonjour,
    et voila
    https://twitter.com/i/status/1467942025932976129
    la vidéo de Quotidien au début du fil Twitter et la suite des commentaires ne relèvent pas le niveau. Notre  » démocratie » à du plomb dans l’aile, après les coups d’escopettes venant de tous cotés, de Valls sous Mollande à Darmanin sous le méprisant, c’est maintenant à l’arme lourde que l’on tire.
    Bientôt de retour dans vos kiosques les affiches du secrétariat de la défense passive.
    bonne journée

  5. christian grené

    Qu’est-ce que ça fait du bien de lire, un matin crasseux, des choses aussi claires et… sombres à la fois. Moi aussi, Jean-Marie, je zappe de chaine en chaine d’ infos( ?) à l’heure de prendre le café. Si ça me désole, en te lisant je me console.

  6. BAICRY

    Information, désinformation, manipulation des populations sont le jeu de certains groupes politiques. Malheureusement, le résultat est une baisse du nombre de personnes aux différents votes démocratique et donc in fine un affaiblissement de notre démocratie.

  7. Laure garralaga lataste

    Avec mes excuses pour ce retard à me brancher… Hier matin, ma « jeunesse » m’a trahie !
    Merci à Jean-Marie pour cette juste analyse de la montée du nazisme… Á méditer !
    Dois-je préparer mon retour à mon pays d’origine ?!…………

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