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Se contenter du partage de ce Noël d’un nouveau genre

Chaque journée de Noël marque d’une pierre blanche une vie. Une sorte de repère annuel de sa situation sociale. Durant la prime enfance dont on ne se souvient guère, il arrive que l’une d’entre elles ait laissé une trace mince liée à un jouet ou un cadeau particulier. Nous avons tous d’une manière ou une autre vu l’un de nos rêves comblé pour peu que la folie des grandeurs n’ait pas envahi notre esprit précoce de consommation.

Le choix reposait souvent sur un mimétisme « genré » avec la monde des adultes : automobile, tracteur, camion, train, avion, mécano, ballon pour les garçons ou poupée, poupon, dînette, cuisine, un livre pour les filles. Désormais il serait malvenu de se base sur cette répartition jugée sexiste et dépassée. Ce matin devant le sapin de Noël, la découverte quand elle a été possible, aura donc dû été intégrale et déconnectée d’un monde jugé stéréotypé. C’est oublié à mon âge! 

L’essentiel de ce rendez-vous se trouve en définitive dans le regard des enfants ou des adultes qui le partagent. Une étincelle d’étonnement sincère, une parcelle de plaisir, un moment de découverte étonnée suffisent parfois à combler l’attente de celle ou celui qui a mis un temps infini à effectuer le choix du présent.

Pour ma part sans que j’en connaisse la raison je suis toujours mal à l’aise lorsque je reçois. Je suis maladroit car mal à l’aise. Cette attitude ne convient pas à cette matinée particulière et j’en ai pleinement conscience.  Je guette le plaisir des autres pour me nourrir du sentiment que l’essentiel repose sur la chance de pouvoir encore partager avec eux. Et ce n’est pas spécifique au matin de Noël. Mes racines italiennes alimentent sans cesse cette soif de se retrouver, de se souder, d’appartenir à la même communauté mais pas nécessairement celle d’être au centre de la rencontre. 

L’éloignement géographique contraint, les « histoires » souvent dérisoires dites « de famille », les nouvelles contraintes sanitaires, les liens de l’affection ou de l’amitié distendus avec le temps, les aléas de santé empêchent de plus en plus souvent le cercle de se constituer. Il se défait, se délite et implose si il n’y a pas un catalyseur permettant la fusion ou au moins soucieux de tout tenter pour la créer. Etre ce ferment des retrouvailles doit être d’héritage paternel et je le cultive avec un plaisir dissimulé.

Le fameux lien social n’a aucune chance d’exister si ce lien familial a été rompu car c’est dans ce creuset que l’on apprend à aimer les autres, à leur donner sans nécessairement avoir envie de recevoir. Comment peut-on en effet espérer un monde meilleur quand la première cellule n’a pas d’existence ? Comment ne pas avoir peur des la différence apportée par l’autre quand il est impossible de s’accorder avec les personnes plus proches ? Comment ne pas imaginer que la frustration de ne pas parvenir à surmonter des dissensions ou des obstacles matériels génère le rejet de la fraternité ou même la simple solidarité ? Le partage n’est alors qu’un mot vide de sens.

Des dizaines de milliers de personnes testées officiellement positives à Omicron et consorts, ont découvert pour la très grande majorité d’entre elles, l’isolement. Pour ces victimes du test il n’y a pas eu de matin magique comme pour toutes celles qui sont oubliées, qui travaillent ou qui souffrent d’une manière ou d’une autre. Il n’y aura pas de « monde d’après » ou tout au moins bien présomptueux ceux qui l’imaginent et le prévoit. Les dégâts causés me paraissent irréversibles. Le grand soir des retrouvailles avec le monde d’avant n’existera pas;

Tous les paramètres d’une gigantesque crise aux multiples facettes combinées sont réunis. Ils ne sont pas que matériels mais essentiellement psychologiques. L’anxiété imprègne les rapports humains. La peur du lendemain grimpe au fil des jours. Les certitudes même les plus fragiles, ont disparu. Pire le doute sur tout et tout le temps ne permettra plus dans l’avenir de croire au Père Noël. Il va falloir apprendre à vivre au jour le jour comme les victimes d’un traumatisme durable.

La période des vœux du nouvel an va s’ouvrir. Déjà qu’en temps normal il est difficile de croire dans leurs effets sur notre destin individuel ou collectif, il va falloir une sacrée confiance pour imaginer que ce sera différent en 2022. En attendant le rendez-vous de Noël est passé avec ses bonheurs fragiles. Heureux celles et ceux qui ont réussi le voyage dans le temps car ce fut une échappée belle dans le contexte des incertitudes actuelles. J’espère que, comme moi, vous en fûtes !

Cet article a 2 commentaires

  1. J.J.

    Je ne suis vraiment pas sensible à ces sentiments, n’ayant à vrai dire jamais eu une véritable famille, et le peu que j’en ai eu ayant plutôt été source de déceptions. Bien qu’ayant toujours eu à cœur de participer, je me suis toujours trouvé étranger à ces manifestations, plus spectateur qu’acteur, engagé mais en retrait(comme dans bien d’autres activités).
    Mais quand j’en ai l’occasion, j’ ai plaisir à aider, à donner, à offrir, plus que recevoir, qui pour moi aussi est un peu source de gêne.

    Mais nous ne sommes jamais seuls à la maison, avec les livres la musique, les curiosités. Il y a toujours tellement de choses à découvrir.
    Pour moi Noël est un sujet de grande indifférence, même pas triste.

  2. christian grené

    J.J. et J.M. vous ne m’en voudrez pas de ne pas partager la morosité car, pour moi, Noël est chaque année l’occasion de souffler une bougie de plus. Hier soir, j’en ai mouché 73!

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