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La carabistouille du Père Noël

Lecteur assidu et amical de Roue Libre Jean-Jacques Bonnin a réagi à la chronique de hier et vous propose ce « conte » (en est-ce vraiment un?) de Noêl. Merci à lui et ne boudez pas votre plaisir en l’imitant ! 

En ce temps là, courait sous le manteau cette sorte de petite comptine qui disait : « Cette année, on ne fêtera pas  Noël ! »

Marie tricote des couvertures pour les prisonniers. Joseph est dans un stalag (on ne connaissait pas encore à l’époque le sinistre sort qui était réservé à son peuple). Les anges sont dans la RAF. Jésus est à Londres, le bœuf à Rome et l’âne à Berlin. Je trouve cette dernière affirmation particulièrement injurieuse pour les ânes : « il est l’âne si doux, marchant parmi les houx… »

Pendant l’occupation, la veille de Noël, la traditionnelle messe dite de minuit était célébrée l’après midi…. En conséquence, le Père Noël se devait de passer, de telle sorte que les enfants trouvent leurs présents (bien maigres parfois) au retour de l’office. Il était hors de question que le vénérable personnage circule la nuit, il ne possédait sans doute pas de laisser passer, et était probablement tenu lui aussi de respecter le couvre feu.

Et d’ailleurs c’eut été imprudent de circuler la nuit : au cours de ses déplacements aériens il aurait pu être pris à partie par la DCA…imaginez le drame si les artilleurs de la Flak avaient confondu son traîneau et ses rennes avec un Spitfire, un Lancaster ou un B24 !

Il m’est arrivé à cette époque une aventure bien étrange. C’était probablement l’hiver 1942 s’il me souvient.

Avant de partir pour la  » messe de minuit « (sic), j’ai voulu passer, pour je ne sais quelle raison, dans la pièce où j’avais déposé mes pantoufles devant la cheminée. J’entrouvris la porte, et la refermais doucement, et restais bouche bée, saisi de terreur, le cri que je voulais pousser retenu dans ma gorge nouée (voir le célèbre tableau d’Edvard Munch : Le Cri).

Me voyant blême, tremblant, suffoquant, mes proches me demandèrent ce qui m’arrivait et je répondis dans un souffle : « Je viens de voir le Père Noel, il est dans ma chambre ! ».

Réponse embarrassée : « Mais non, voyons, arrête de dire des bêtises ! »

Mais je persistais malgré tous les arguments développés pour me persuader du contraire (sauf évidemment à reconnaître que le Père Noël étant un mythe, je ne risquais pas de pouvoir le rencontrer !). J’avais bien vu le père Noël, à genou devant la cheminée, avec une sorte de capuche marron sur la tête, il ne fut pas possible de m’en faire démordre, et aujourd’hui encore, je revois et revis cette scène : autosuggestion et hallucination.

Je découvris plus tard que cette histoire de Père Noël n’était qu’une « carabistouille »*, que les grandes personnes se plaisent à propager pour s’amuser de la naïveté des enfants J’ai perdu malheureusement à cette occasion, et à quelques autres, beaucoup de ma confiance dans les adultes.

 Le Père Noël est une fiction savamment entretenue auprès des jeunes enfants ; sous l’influence et l’autorité des adultes ; ils ne sont pas encore capables de former un, jugement critique. Mais qui prouve que les miracles, apparitions, voies célestes ouïes par les uns ou les autres, venant de personnages virtuels, sauf, bien sûr pour les « bienheureux visités », ne sont pas le résultat d’hallucinations, comme celle que j’avais vécue ?

Ma foi, déjà pas toujours bien profonde, fut par la suite fortement ébranlée. Cette opinion fut plus tard confirmée à la lecture d’ouvrages (1) de spécialistes en psychiatrie ou psychologie, analysant les phénomènes d’apparitions et autres manifestations divines

(1) La Vérité sur Lourdes L’hystérie de Bernadette de Lourdes, docteur Hippolyte Rouby 1905-1906 consultable ou téléchargeable sur Gallica .

* Le mot carabistouille n’est pas récent dans mon vocabulaire, je l’ai trouvé en lisant les aventures d’Astérix en Belgique, et l’ayant trouvé joli, je l’ai adopté.

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