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Impossible d’échapper à l’élu bashing

A la fin de chaque grande réunion de campagne électorale les candidat(e)s au trône de la monarchie républicaine française y va désormais de sa description de son parcours personnel avec quelques trémolos dans la voix. Il paraît que c’est un moyen efficace de se rapprocher d’un électorat s’éloignant chaque jour davantage du monde politique. En essayant de manière tout à fait inhabituel pour eux de contourner par l’empathie la crise de confiance qui frappe l’ancien monde politique ils essayent de faire « ordinaire ». Le fiasco est au rendez-vous ! Ces séquences renforcent en effet la défiance car elles même si elles sont sincères elles ne franchissent pas la muraille de la défiance installée durablement.

Les élus(e)s à absolument tous les niveaux se retrouvent dans la même situation et même si les enjeux ne sont pas les mêmes, la gangrène de la suspicion sur toutes les actions des représentants élus ronge la démocratie. Elle progresse chaque jour et il est certain que bon nombre d’entre eux rangeront vite leurs illusions pour se retirer de la gestion locale. Au cours du mandat précédent les démissions avaient atteint des sommets et actuellement elles se multiplient surtout dans les rangs des oppositions ou dans ceux des majorités ballottées par les crises. L’absentéisme atteint déjà des niveaux inquiétants. Il faut avouer qu’être élu(e) à n’importe quel niveau procure davantage de haine, de violence, de dangers que d’amitié et de compréhension et de plaisir.

J’avoue que même pour moi qui me suis retiré de tout mandat et de toute action politique la situation devient intenable. Mon moral chancelle parfois quand je reçois de plein fouet des messages qui reflètent encore et toujours cette idée qu’aucun élu ne peut pas avoir eu un parcours aussi sincère que possible. Ils colportent indirectement ou directement des appréciations standardisées sans aucune nuance, sans connaître la réalité des actions que vous avez pu mener. Je vis dans la hantise de me retrouver un jour au banc des accusés et de me débattre dans cette toile d’araignée qui récupère des bribes de vie publique pour constituer une illustration du « tous pourris ». Le pire c’est que ça ne sert absolument à rien de répondre car les auteurs ne sachant rien des réalités continuent sur leurs certitudes d’autant plus sévères qu’ils ne se sont jamais exposés dans l’action au service des autres.

J’ai été récemment frappé moralement par le suicide du Maire récemment élu de Rezé (44). Il s’es pendu dans l’Hôtel de ville. Ancien adjoint au Maire en charge de la citoyenneté (2014-2020), cet instituteur , ex-président de l’Amicale laïque, directeur d’école publique était devenu maire en 2020. Il avait 56 ans et était reconnu pour son investissement déterminé en faveur de la laïcité, la démocratie, la justice sociale, la fraternité et l’éducation populaire. Je me retrouve en lui.  Victime d’une campagne organisée de lettres anonymes sur sa famille et ses proches il n’a pas tenu et s’est pendu. Il est parti sans que sa disparition change quoi que ce soit à la litanie des conneries débitées sur l’engagement des élu(e)s locaux, sur leurs indemnités, sur leur manière de gérer… Un mort dont on parle moins que celui qui a été abattu à la Gare du Nord. 

Je n’en peux plus de ces « menaces », ces « attaques » sournoises, tordues qui continuent à parsemer le chemin de mes cinquante ans d’engagements alors que je me suis retiré pour justement vivre en paix. J’ai perdu des ami(e)s, j’ai mis en danger ma famille, j’ai sacrifié ma carrière professionnelle, j’ai perdu des milliers d’heures et de Francs et d’Euros pour soutenir les autres, j’ai  eu le souci de donner la priorité à ma conscience sur les consignes et le bilan est implacable : le mépris est là ! C’est insupportable. C’est épuisant. C’est démoralisant. C’est révoltant.  Surtout que ces redresseurs de torts ne cachent pas leur appétence pour les thèses que l’on peut aisément imaginer et dont on connait l’exemplarité.

Oui j’assume. J’ai été membre du Parti socialiste durant 40 ans dont une bonne trentaine dans la minorité avec des combats sur des idées et pas pour des postes. J’en suis parti il y aura sept ans quand j’ai estimé que ses dirigeants trahissaient les valeurs qui étaient celles que mes « maîtres » m’avaient inculquées. Est-ce une tare, une trahison, une fuite ? 

Oui je suis resté fidèle aux personnes qui m’avaient accordé leur confiance et j’ai été, je le pense simplement loyal avec elles jusqu’au dernier jour. Tant au niveau local, que départemental,  tant dans les mandats ou les missions nationaux qui m’ont été confiés je défie de trouver une trahison ou une défaillance. Maintenant je peux considèrer que je suis encore plus libre qu’auparavant et que je ne dois rien à personne. Je découvre que c’est une faute. 

Oui comme l’a gentiment souligné un lecteur je serai devenu « un repenti de la politique » qui distillerait maintenant des constats tardifs effectués sur la vie politique à laquelle j’ai participé… à un modeste niveau et sans aucune resposnabilité autre que celle des mandats que l’on m’avait confiés. Une manière de dire que j’ai été complice des « affaires » et que comme tous les élus de ce pays je n’ai jamais fait ce que je disais.. Je serai en quelque sorte pour lui un repenti de la « mafia » ! 

J’écris chaque jour (sauf le samedi) depuis maintenant 17 ans sans interruption. C’est certain que rares sont celles et ceux qui peuvent prétendre suivre tout ce que j’ai produit et juger que je n’ai guère varié. Alors de grâce si ce que j’écris  déplaît, choque dans le camp que j’ai toujours combattu dispensez-vous de me lire. Le repentir, concept religieux s’il en est ne fait pas partie de mes habitudes. J’assume même si souvent je doute ! Je pense au maire de Rezé ce soir qui sera vite oublié ! 

Cet article a 14 commentaires

  1. Gilbert SOULET

    Bravo Jean-Marie
    Je vais poursuivre tes lectures.
    Mon amitié,
    Gilbert de Pertuis

  2. Christian Baqué

    Bonjour. Je pense que les maires subissent la désaffection vis-à-vis des partis politiques. La Vème République « anti partis » depuis de Gaulle a fait son travail. Et surtout les gens sont déçus des « sommets » qui leur ont régulièrement fait des promesses, et des mesures qui se sont sans cesse abattues sur eux, particulièrement dans les dernières décennies. C’est flagrant à gauche, puisque la gauche n’a jamais cessé de gérer le capitalisme. Comme disait Alex Métayer « oui, mais eux ils en souffrent ». C’est bien toi qui écris, à juste titre, à propos du PS : « j’ai estimé que ses dirigeants trahissaient les valeurs qui étaient celles que mes « maîtres » m’avaient inculquées ». Donc les effets sont bien pires à la base. Même chose au PCF. Les militants désertent. Reste un réseau d’élus qui se démènent souvent, en bas, mais, plus on remonte, plus c’est la chasse aux postes. Un de tes anciens amis m’a dit, quand Jospin n’est pas arrivé au second tour que c’était à cause de gens comme moi, qui critiquent trop. Toujours la faute aux autres ! Il aurait mieux fait de se regarder dans la glace pour connaître la réponse ! Et quand un ancien ministre veut changer et chercher un chemin de rupture, il a droit à la haine de tous les côtés, à tel point qu’il rame pour avoir ses 500 signatures. Mon cher Jean Marie, nous n’avons pas toujours été d’accord, mais il va nous falloir contribuer à mettre beaucoup de choses à plat. Ce sera du travail pour la prochaine génération, dans un climat social de plus en plus tendu. Cordialement.

  3. christian grené

    Ma mère était instit’, je vous l’ai déjà dit. Mais son vrai nom, c’était Louise Michel. Avant sa mort, elle m’a envoyé en Espagne où j’ai été recueilli par Buenaventura Durruti. A mon retour en France, j’ai rencontré un fils d’immigrés italiens dont je suis l’inséparable ami. Un exemple pour moi même si le seul mot que j’ai retenu de la langue de Garibaldi, c’est « farniente ». JM, lui, il a toujours bossé. Le plus souvent au service des autres. Sans jamais se soucier du « qu’en dira-t-on? », avec cette devise que je lui attribue: Honnêteté, Sincérité, Longévité. Pas un macaroni, non! mais un drôle de zigoto. Parce qu’il est grand et moi tout petit, on nous aurait appelés Zig et Puce.

    1. Laure Garralaga Lataste

      @ a mi hermano Christian
      Frère et sœur puisque nous avons grandi sous la bienveillante attention de Louise Michel et de Buenaventura Durruti… !

  4. J.J.

    « Le pire c’est que ça ne sert absolument à rien de répondre car les auteurs ne sachant rien des réalités continuent sur leurs certitudes d’autant plus sévères qu’ils ne se sont jamais exposés dans l’action au service des autres. »

    En terme clair, ça signifie en réalité que ce sont les experts autoproclamés qui ne connaissant en rien les situations dont ils débattent, s’adjugent le droite de donner un avis péremptoire. Cela est valable dans bien d’autres domaines.
    Les chiens aboient, la caravane passent (ou comme aimerait dire Christian Grené : le Titien, aboie, le Caravage passe).

    Mais parfois ça fait d’irréparables dégâts et on ne peut guère se satisfaire modestement que d’être en paix avec sa conscience.

    1. Laure Garralaga Lataste

      à mon ami J.J.

      J’adore ce que tu fais dire à Christian ! Et le connaissant un peu, il doit en être très fier… !

    2. christian grené

      Merci beaucoup J.J. Pour la peine, tant que Macron est à la campagne du côté de la Russie, viens nous rejoindre à l’Elysée, Elise et moi.
      Ho! Qui a dit El y Zemmour? C’est pas ma Laurita.

      1. Laure Garralaga Lataste

        @ à mon ami christian

        Impossible ! Même pour faire un jeu de mots, il y a des noms qui me donnent des boutons… et pas de rose ! Je n’ai rien d’une journaliste mais j’écoute les news… donc je peux t’assurer que Macron a quitté la Russie et vue la table qui les séparait, zéro risque d’attraper le Covid !

  5. Laure Garralaga Lataste

    Lorsque certains et certaines arrivent sur les rives de ce moment qu’est « La fin de vie sociale « , ils/elles prennent le temps de réfléchir sur cette expérience personnelle où se partage le pire comme le meilleur… Est-ce cela qu’on appelle « L’entrée dans le monde des Sages »…? Sois fier de ce que tu as fait de bien, et n’oublie jamais que « la perfection n’est pas de ce monde »…! Et sur « Roue Libre, » continuons à faire vivre amitié et solidarité dans le respect des expériences vécues par chacun et chacune d’entre nous.

  6. Gilles JEANNEAU

    J’adhère complètement aux propos précédents et ne peux qu’ajouter : quand même, « c’est dur de vivre avec des cons » oui je pense à ceux qui t’attaquent quand tu sais que tu es innocent des crimes dont on t’accuse,,,
    Mais c’est la dérive de ce monde devenu fou, et de plus en plus fou,,,alors qu’il n’y a jamais eu autant de psy. Quel paradoxe !
    Illustration de cette folie au Pays Basque : le peuple ne peut plus se loger car le prix de l’immobilier atteint des sommets alors les politiques locaux construisent quelques HLM… au grand dam d’une autre partie de la population qui manifeste pour la conservation du foncier agricole !!!
    Il faudrait savoir…
    Garde le cap Jean-Marie, contre vent et marée…et prend tout cela avec dérision, si possible.

    1. Laure Garralaga Lataste

      @ à mon ami Gilles
      Il vaut mieux en rire… Et si c’étaient les psys qui nous rendaient fous pour faire plus de fric… !

  7. facon jf

    Bonjour,
    je ne peux m’empêcher de penser à Roger Salengro « S’ils n’ont pas réussi à me déshonorer, du moins porteront-ils la responsabilité de ma mort. Je ne suis ni un déserteur, ni un traître. Mon parti aura été toute ma vie et toute ma joie. »

    Beaumarchais dans Le Barbier de Séville l’avait si bien analysé ce phénomène terrible de la calomnie.
    Acte II, scène 8
    « La calomnie, Monsieur? Vous ne savez guère ce que vous dédaignez ; j’ai vu les plus honnêtes gens près d’en être accablés. Croyez qu’il n’y a pas de plate méchanceté, pas d’horreurs, pas de conte absurde, qu’on ne fasse adopter aux oisifs d’une grande Ville, en s’y prenant bien ; et nous avons ici des gens d’une adresse!… D’abord un bruit léger, rasant le sol comme hirondelle avant l’orage, pianissimo murmure et file, et sème en courant le trait empoisonné. Telle bouche le recueille, et piano, piano vous le glisse en l’oreille adroitement. Le mal est fait, il germe, il rampe, il chemine, et rinforzando de bouche en bouche il va le diable ; puis tout à coup, ne sais comment, vous voyez Calomnie se dresser, siffler, s’enfler, grandir à vue d’œil ; elle s’élance, étend son vol, tourbillonne, enveloppe, arrache, entraîne, éclate et tonne, et devient, grâce au Ciel, un cri général, un crescendo public, un chorus universel de haine et de proscription. »

    Et Rossini de conclure (Il barbiere di Siviglia)  » Et le pauvre calomnié, avili et ruiné, frappé à mort par le mépris des gens n’a plus qu’à mourir sous la honte. »

    Pauvre Roger Salengro tu es donc mort pour rien !

    Bonne journée

  8. FERNANDEZ José

    Bonjour Jean-Marie.
    Beaucoup de celles et ceux qui admirons ton travail et ton parcours, avons le tort de ne pas le proclamer suffisamment haut et fort.
    J’ai la conviction que nous sommes très largement majoritaires et avons même été témoins du respect que te portent également bon nombre de maires conservateurs.
    Il faut poursuivre, « quoi qu’il en coûte » la bataille des idées, tout particulièrement en cette période pleine d’incertitudes.

  9. Christiane+Labansat

    Bonjour Jean- Marie,
    Je m’inquiète ; ce matin,mercredi 16 Février, pas de lettre à lire au réveil.
    J’espère que vous n’avez pas flanché.
    Christiane Labansat.
    Une de vos nombreuses lectrices.

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