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Les mauvaises rêveries du promeneur solitaire

Ma tête sonne parfois creux depuis des mois alors qu’elle ne savait plus ou donner de ses raisonnements ou ses pensées pendant des années. Même si parfois des idées nouvelles naissent il m’est impossible de les concrétiser en raison de ce sentiment voulant que l’on ne peut pas être et avoir été. L’âge venu, une sorte d’angoisse permanente sur l’impact que ne manquera pas d’avoir le poids des ans m’envahit parfois. Comme elle s’accompagne de la crainte d’être contraint de revenir pour je ne sais quelle raison sur mes prises de positions ou les décisions du passé, je plonge de temps à autre dans le marécage des pensées que je ne voudrais pas avoir. Elles me rongent.  Dans ces moments rien ne vaut le « silence de désintoxication » de la vie collective.

Une bonne cure me lave l’esprit. Quand en plus elle peut être vécue dans la nature, les bienfaits en sont bien meilleurs. Bizarrement cette habitude remonte à mon enfance et je la redécouvre avec une satisfaction particulière. Les longues escapades dans les sous-bois sadiracais ou des heures et les heures de lecture, m’ont toujours permis depuis longtemps de me soustraire aux aléas de la vie quotidienne. Cette tentation de l’isolement volontaire a même failli bouleverser ma vie lorsque j’eus l’audace de préférer la pêche dans un étang isolé au cœur de la forêt sadiracaise à une répétition collective de la kermesse des écoles (1).

Ce dimanche matin sur la piste Lapébie en promeneur solitaire dénué de toutes rêveries enthouisiasmantes, j’avance . Personne ou presque dans la longue descente allant de Créon vers La Sauve à part quelques oiseaux invisibles car probablement plus préoccupés par leur avenir que par une présence humaine discrète. Impossible de ne pas ressentir loin des « lucarnes » ouvertes en permanence sur la guerre, l’étrangeté de ces instants. La retenue semble de rigueur comme si justement les événements épouvantables causés par la folie humaine généraient une gêne générale parmi ces messagers de la joie de vivre du printemps. Tout l’environnement semble imprégné par cette guerre.

Comme l’entretien du ruban noir a été effectué? les bas-cotés attendent la poussée de leurs « habitantes » habituelles. Celles qui ont eu l’audace d’anticiper ont été fauchées par ces engins ne différenciant pas les pousses de l’espoir de celles de la crainte. Un nettoyage sans pitié conduisant à ce que les fleurs soient totalement absentes sur le chemin de celui qui déambule en cherchant des raisons dénicher des repères de vie positive. Le symbole s’impose au fil des pas. Comment ne pas penser à la disparition sous les missiles aveugles, les bombardements massifs, les obus terrifiants, les combats disproportionnés, de la jeunesse d’un pays supplicié ? Le printempsparait se sentir coupable d’arriver trop vite quand L’Europe entre dans l’hiver de la raison et de l’humanité. Il viendra c’est certain mais cette année ce sera sur la pointe des bourgeons et des boutons pour se mettre au diapason de l’ambiance actuelle.

Dans cette nature paisible, dans cet air aussi frais et pur que possible, sur cette piste où la joie de marcher, de courir, de pédaler en toute liberté, l’affrontement en cours dont nul ne connaît l’issue, paraît bien lointain. Dans de nombreux autres coins de la planète l’effroi, les menaces, l’exode, les destructions, les larmes, le sang rappellent que l’homme restera éternellement un loup pour l’Homme mais la distance, les certitudes, la différence ethnique et religieuse, l’absence de médiatisation en atténuent la portée. Les armements réputés modernes abolissent brutalement le sentiment de quiétude et les menaces nucléaires rendent la situation angoissante alors qu’ils existent depuis belle lurette. Pour les plus anciens rappelez-vous l’affaire des missiles de Cuba ! 

La promenade solitaire n’a pas eu hier matin les bienfaits escomptés même si elle m’a soustrait à la pression qui enfle à travers des heures et des heures de commentaires plus alarmistes les uns que les autres. Marcher, observer, s’étonner, simplement respirer offrent pourtant un bonheur momentanée particulier. Sur le talus épargné par le nettoyage, un bouquet de genêts d’un jaune chaleureux se détache sur le ciel bleu et se penche vers les utilisateurs de la piste. Il est lui-aussi solitaire et semble implorer que l’on réfléchisse sur la fragilité de son sort. Au retour il me semble qu’il ploie davantage comme si à chaque minute lui paraîssait une éternité. Combien de temps tiendra-t-il ? Dans un geste idiot, je m’arrête, je le contemple, je le photographie et je mesure la chance qui est la mienne.

(1) « Jour de rentrée » Préface de Christian Grené l’un de mes romans aujourd’hui épuisé ! 

Cet article a 10 commentaires

  1. Laure Garralaga Lataste

    Je salue ces genêts résistants dont la couleur qui se détache sur le bleu du ciel nous rappelle… « que la vie est plus forte que la mort » !

  2. christian grené

    Donc, la seule piste à suivre: la paix bi(cyclette). Je reviendrai plus tard. Bonne journée à tou(te)s.

    1. Laure Garralaga Lataste

      @ à christian…
      Pour les jeunes générations qui ne peuvent pas connaître… Tu parles de Guy ou de Roger ?

  3. Bernie

    Pensez à l’ouverture de la pêche la truite. C’est samedi en Gironde.

  4. Bernie

    A JMD, la pimpine est bien un cours d’eau à proximité de Créon ?

    1. Jean-Marie DARMIAN

      Oui Le ruisseau prend sa source à Créon et se jette dans la garonne à latresne

  5. J.J.

    Pour les plus anciens rappelez-vous l’affaire des missiles de Cuba…..et la conduite un peu plus responsable des dirigeants de cette époque.
    Ce que je déplore dans cette affaire, autant que le sort des populations civiles et des militaires qui n’en demandaient probablement pas tant, c’est le traitement manichéen de l’information.
    Les chattemites qui se fondent actuellement dans la discrétion sont aussi coupables, sinon plus.
    Si je comprends bien, ce n’est pas le rêverie du promeneur solitaire, mais la rêverie salutaire du promeneur.

  6. facon jf

    bonjour,
    « C’est une triste chose de songer que la nature parle et que le genre humain n’écoute pas. » Victor Hugo
    A Calais, les réfugiés ukrainiens saluent la solidarité dont ils bénéficient, entre hébergement, aide de la population et services consulaires britanniques. Un accueil dont les migrants non-européens rêvent de profiter ( sud ouest le 5/03/2022).
    C’est une triste chose de songer que le genre humain fasse une sélection entre les réfugiés! Dans le malheur la couleur des yeux et de la peau à donc une importance, pour les uns lacrymogènes, matraques, tentes déchirées et confiscation des effets personnels et pour les autres tapis rouge.
    Les bombes d’Alep infligeraient-elles moins de souffrance que celles qui tombent sur Marioupol ? Pourtant elles sortent des mêmes usines!
    Qui ne s’élève contre toutes les guerres ne s’élèvera jamais contre aucune. ~ Jean Rostand
    Bonne journée

    1. Bernie

      Pourquoi faut il s’élever contre les guerres, pourquoi toutes ces guerres d’abord ?. Pourquoi la guerre ?

      1. Laure Garralaga Lataste

        à Bernie avec retard…
        Parce que « l’Homme est un loup pour l’homme…! »

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