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La campagne a dangereusement réduit la « politicodiversité »

La tendance dans le milieu politique institutionnel est plutôt à la morosité avec une forte tentation de laisser courir les événements en se repliant sur son pré carré. Les partis d’antan dont on ne sait pas encore ce qu’ils vont devenir tant ils sont mal en point au plan national financièrement et électoralement, sont annoncés en « voie de disparition ». La « politicadiversité » est là-aussi très menancé. Sur la base du résultat du premier tour de l’élection présidentielle le constat est implacable : leur survie se pose concrètement. Cette situation résulte d’une lassitude maintes fois dénoncée dans les chroniques de Roue Libre, celle d’avoir transformé la bataille idéologique essentielle en politique en chicaillas d’ego surdimensionnés et surtout disproportionnés avec la réalité de leur capacité à incarner des idées neuves. Le constat est valable pour absolument tout l’éventail partisan en France.

La première preuve de cet état de fait se trouve dans les analyses liées au fameux débat réputé décisif pour le second tour. Des tonnes et des tonnes de commentaires sur l’attitude corporelle de l’un, les absences de l’autre. Des milliers de lignes sur leur façon de s’exprimer ou de se positionner. Des heures de débats inutiles sur la forme mais une part très maigre sur le fond. « L’arrogance », « le mépris »,  « la suffisance », « la prestance », « l’insuffisance », la » différence »,  ou « l’indifférence » appartiennent aux mots qui sont les plus revenus dans les commentaires. Comme si c’étaient les critères essentiels de la gouvernance qui va peser sur notre quotidien dans les mois qui viennent.

Les militant(e)s qui jadis défendaient mordicus des positions de fond alternatives ont abandonné le terrain pour laisser la place souvent à des fans hurlant leur soutien comme les « minettes » au Golf Drouot à l’apparition d’une vedette de Salut les Copains. Cette mutation se retrouve dans les comités de soutien. Les intellectuels qui autrefois éclairaient le chemin ont fait place aux vedettes millionnaires du show-biz ou des enceintes sportives. Durant quarante-huit heures la France a été par exemple en transe car M’Bappé allait pendre position sur le scrutin en cours…. avec la précision ressassée médiatiquement de sa proximité avec un candidat (échanges téléphoniques, conseils pour qu’il reste au PSG…). En fait le footballeur préparait les valises de la famille en partance pour Doha afin de négocier quelques centaines de millions supplémentaires dans le cadre d’une opération de mise en concurrence par médias interposés. Tout le monde a sombré dans ce marécage du subjectif, de la déraison et du pathos. L’effet boomerang de ce changement de paradigmes s’avérera un jour redoutable.

La leçon essentielle de cette séquence présidentielle qui s’achève en définitive sans coup de théâtre autre que la décrépitude des partis des années antérieures, porte sur la capacité apparente qu’ont les candidat(e)s à incarner la fonction. Scrutin après scrutin l’importance de l’image donnée pour assurer le mandat que l’on sollicite s’avère décisive. L’électorat est beaucoup moins exigeant sur le décalage qu’il peut y avoir entre les idées et le comportement, entre les promesses et leur réalisation. D’ailleurs au cour du débat télévisé il n’y a eu aucune référence au bilan du président sortant sauf de vagues allusions. Comme quoi la mémoire ne compte plus. On le vérifiera très vite. 

Dans le fonctionnement actuel des institutions le troisième tour devient en effet essentiel, mais il ne bénéficiera malheureusement pas du même intérêt (déjà assez modéré lors de l’élection qui s’achève). Les prévisions (encore confidentielles) de participation aux législatives tournent autour de 50 % ce qui constituerait un nouvel échec terrible pour la vie démocratique. En effet il s’agira dans seulement quelques semaines, de constituer un contre-pouvoir indispensable pour rétablir l’équilibre des réalités des positions réelles des Français. La responsabilité des partis structurés s’amplifie. Ils n’auront pas d’autre chance avant des années de se réhabiliter à l’égard de leur électorat. Ils sombrerront dans le coma.

La notion de « rassemblement » n’a jamais eu autant d’importance car autrement les élections ne seront qu’un gigantesque « qui perd-gagne » plongeant le pays dans le chaos potentiel puisque une majorité présidentielle hégémonique ne refléterait absolument pas l’opinion publique. « Un monde politique éclaté, avec trois camps s’envoyant du soir au matin des invectives et excluant toute forme d’alliance entre eux ; une droite majoritaire sociologiquement, mais incapable de se mettre en situation de prétendre au pouvoir ; des partis traditionnels à bout de souffle, à la fois discrédités et incapables de se faire entendre… » C’était la situation décrite dans Le Monde, en Italie début 2010. Nous y sommes en France au sortir du premier tour de l’élection présidentielle éveille un certain nombre d’analogies chez les observateurs du jeu politique italien qui a débouché sur la déroute des partis traditionnels en 2018 et l’avènement du mouvement « 5 étoiles » avec les traces qu’il a laissées. La semaine prochaine sera décisive et pour une fois que les « nombrils nationaux » laissent parler la base, les réalités locales, la volonté des personnes modestes mais sincères et convaincues de se rassembler.

Cet article a 15 commentaires

  1. Philippe Conchou

    Depuis la mise en place du quinquennat, manœuvre subtile ourdie par Chirac (avez la dissolution de 77) pour assurer sa réélection en 2002, il n’y a plus de risque de cohabitation et les opposants rongent leur frein pendant 5 ans.
    D’où une forte impatience et le sentiment pour le peuple de ne plus avoir aucun pouvoir. Il se réfugie dans la contestation de rue et les extrêmes.
    D’où l’abstentio-melencho-lepenisation, qui échappe totalement aux partis traditionnels trop occupés à se regarder le nombril.

  2. facon jf

    Bonjour,
    enterrement de première classe pour la politique politicienne, résultat de 5 années de verticalité voulue et assumée par le Président élu par effraction en 2017. Remarquez combien il aime utiliser ce qu’on appelle des déterminants possessifs : « nos » élus, « nos » maires, « nos » associations, « nos » forces de sécurité, etc. Voyez son utilisation du « Nous » de l’unité, pour montrer que la nation forme un tout derrière le premier de cordée.
    Ce que le président préfère c’est la posture de la personnalisation du pouvoir, la concentration de la décision, la personnification de l’autorité… Bref, tous les attributs de la constitution actuelle et surtout son usage au fil du temps. Il ne répugne pas non plus à l’aura du chef de guerre, costume endossé pendant la crise sanitaire, et son apothéose dans son discours télévisé: « J’ai décidé qu’il fallait retrouver à partir de vendredi le confinement qui a stoppé le virus. » Décision personnelle, martiale, donc, annoncée après deux « Conseils de défense », cet instance informelle devenue le cœur des décisions. La consultation, l’écoute ou la prise en compte des partis politiques n’existent plus, tout se décide désormais au 55 rue du Faubourg Saint-Honoré à Paris, l’adresse de l’Élysée. Tout se décide entre M. et Mme président et Alexis Kohler, Premier ministre et gouvernement ne sont que les exécuteurs des basses œuvres, les député et les sénateurs des courroies de transmission du pouvoir de ce triumvirat. Les partis politiques amis sont confinés aux fonctions de sicaires face à une opposition réduite à portion congrue. Opposition pilotée par des ténors se rêvant un destin national par le truchement d’alliés de circonstance au moyen de trahison ou autres félonies.
    Le spectacle navrant de cette comédie a découragé les militants de base transformant les partis en armée Mexicaine ne comptant plus dans ses rangs que des généraux. Plus personne sur le terrain pour contrer la verticalité des pouvoirs, plus d’actions locales, plus d’animation citoyenne, tout descend du sommet. L’horizontalité des pouvoirs locaux ( collectivités territoriales) est soigneusement détricotée en attaquant par l’angle financier taxe d’habitation pour les communes et dans le futur suppression de la CVAE et de la CFE pour les communautés de communes. Désarmer les collectivités locales en supprimant leurs ressources ou en les asphyxiant sous la charge financière du social pour les départements.
    Je vous laisse deviner ce qui va suivre au niveau de l’audiovisuel public (qui est « la honte de la République » selon Macron ( 5/12/2017)) avec la suppression de la taxe télé.
    Tuer tous les contre-pouvoirs la mission des exécuteurs de la macronie, objectif en bonne voie de réalisation complète. L’étape suivante est d’obtenir une majorité des 3/5 du congrès ( députés +sénateurs) pour obtenir le retour au septennat renouvelable ouvert au candidat Macron .
    Ce serait alors le retour du coup d’État du 2 décembre 1851.
    Le « Nous sommes la France », qu’avait lancé Emmanuel Macron le 31 décembre 2017. Sans qu’on sache si ce « nous » est le « nous de majesté », ou le « nous du collectif » ; Lapsus Freudien ou… ?
    Bon repos de fin de semaine

    1. Bernie

      @ facon jf,
      C’est la réciprocité. En temps que chef d’Etat ça ne me choque pas.
      Ce qui me choque c’est l’horizontalité de Marine.
      Très bonne après midi.
      Ici c’est la pluie……

    1. Bernie

      Emmanuel Todd dit que l’Europe c’est la guerre. Oui je le pense mais demain c’est l’élection présidentielle et il va falloir choisir entre Macron et sa verticalité et Marine Le Pen son horizontalité.
      Non nous ne sommes pas en guerre. Il faut arrêter de dire que l’Europe c’est la guerre.
      Demain j’irai voter. Dire que Macron a été imbuvable lors du débat, c’est incorrect.

  3. J.J.

    « Il ne répugne pas non plus à l’aura du chef de guerre, « ….lui qui, pour mémoire, s’est fait dispenser du service militaire….
    C’est pas ce qu’on appelle un tire au flanc ?

  4. Bernie

    Emmanuel Todd et les femmes c’est toute une histoire.
    Demain c’est un homme qui a 10 ans de moins que Marine.
    C’est le jeunisme contre une femme mûre.

  5. Bernie

    Il est vrai que nous sommes dans une société patriarcale. Ça déplaît fortement à Emmanuel Todd.

  6. Bernie

    La famille Le Pen, raz le choux

  7. Gilbert Soulet

    Bonjour à tous et Merci Jean-Marie de tes réflexions utiles comme d’hab.
    J’irai voter Emmanuel MACRON sans complexe !
    Amicalement, Gilbert de Pertuis

  8. Laure Garralaga Lataste

    J’ai toujours eu conscience de jouer « la Pythie vouée aux gémonies… » Est-ce parce que je suis née le 07 février 1939, après l’arrivée de ma mère à Bordeaux à l’issue d’une très longue marche à pieds (15/12/38-05/02/39…) sous les bombes et la mitraille allemandes ? Cette résurgence ukrainienne a ravivé en moi ce douloureux passé jamais éteint ! Et je ne puis que constater hélas, les mêmes réflexes… de voyeurisme et de nombrilisme ! Voilà des années que je regarde passer cette caravane qui certes court à sa perte… nous entraînant, trois fois hélas,  » à notre propre perte » ! La faute à qui ? À la Pythie ! Peuple de France ! Réveilles-toi !

  9. Bernie

    Gilbert,
    Il est invenant de dire pour qui vous allez voter. Voter est une liberté acquise par nos aînés.
    Je me prépare et j’y vais
    Bien à vous. Gilbert et utilisez l’isoloir

    1. Bernie

      Il faut lire inconvenant à la place de
      « Invenant »

  10. Bernie

    Ne laissons pas d’extrême droite arriver au pouvoir (communiqué de la confédération paysanne)

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