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La déliquescence de la citoyenneté n’intéresse personne

Des milliers d’heures de radio et de télé, des pages et des pages de journaux, des palanquées de tweets ou de posts : les commentaires des résultats de l’élection présidentielle envahissent la vie au point que la Covid a totalement disparu du quotidien. Mieux que le vaccin!  Bien entendu pour certain (e)s, les médias ne tiennent pas assez compte du triomphe de leur favori et pour d’autres ils en font trop en sa faveur. Les analyses construites et aussi serrées que possible ne conviennent à personne. Désormais on entre dans la période non pas des sondages mais celle des pronostics. Les élections législatives paraissent réglées et un nouvelle victoire est en marche. Inutile d’aller voter : c’est déjà terminé !

Les pronostics pour le locataire de Matignon ressemblent à la publication d’une liste des engagés d’une course cycliste. Les intox les plus grossières circulent souvent alimentées par des prétendant(e)s qui piaffent dans les écuries du pouvoir ou qui souhaitent simplement garder leur place. On en revient toujours à Coluche qui prétendait que « si les journalistes étaient des funambules, il y aurait une forte mortalité dans la profession. ». Pas question parmi ces commentateurs qui cassent copieusement la graine grâce aux « plateaux » qu’on leur offre, de paraître moins informé(e)s que le(la) voisin(e)s. Et ce n’est que le début d’une intense bagarre divinatoire servant justement à camoufler tout le reste.

Pas un(e) seul(e) fois le mot clé pour l’avenir de notre système démocratique n’est apparu dans ce flot de considérations politiques, sociologiques, stratégiques, égocentriques ou illusoires : citoyenneté ! Depuis de longues années elle agonise et se meurt mais personne ne souhaite la revigorer car elle représente le pire des danger pour un système qui pleure des larmes de crocodiles durant quelques jours après chaque scrutin. D’ailleurs si on avait demandé aux candidat(e)s de définir en trois mots ce que doit être un (e) citoyen(ne) on aurait évité de longs faux débats inutiles tellement leur vision aurait été édifiante. Le Président élu à travers des formules toutes prêtes sur une nouvelle gouvernance a envisagé une participation accrue des corps intermédiaires et même des « gens » ordinaires. Pas question pourtant de reprendre ce mot tabou qu’est citoyenneté!

Le niveau de l’abstention a alimenté quelques minutes d’auto-flagellation ou a donné lieu à de vagues promesses. Avec plus d’un-(e) électeur(trice) sur trois qui est reté volontairement ou pire par indifférence à la maison le constat est implacable : la citoyenneté fuit entre les doigts comme le sable du désert. Après les taux calamiteux des régionales, des départementales ou des municipales il y aurait eu matière à en faire une grande cause nationale. Mais veut-on vraiment que la participation progresse quand un second tour se joue à très peu de voix ? Un doute persiste. L’acculturation politique renforce cette tendance puisqu’il n’y a plus de lieux pour se former, se construire, se préparer à jouer ce rôle irremplaçable de détenteur du pouvoir citoyen. Les cellules, les sections, les assemblées sonnent creux à cause de débats d’une pauvreté affligeante ou marqués par des querelles de personnes stériles.

Dans les écoles élémentaires la mouvement coopératif qui constituait un apprentissage concret de ces pratiques de partage des décisions d’intérêt général n’existe quasiment plus. Dans les collèges et les lycées les « foyers » autogérés végètent (vente de chocolatines…) ou n’existent plus dans les faits. Il n’existe aucun effort en leur faveur en terme de personnel, de soutiens financiers ou de participation enseignante. Les établissements les plus en difficulté ont d’autres priorités. Rien à espérer d’un conseil d’administration d’un collège par exemple techniques, abstraits, formatés où on prétend que la présence de délégués élus des élèves favoriserait une démocratie participative. En trente ans de présence dans cette instance je compte sur les doigts de la main les interventions de ces jeunes étouffés par les sujets corsetés mis en discussion. Je les ai toujours plaints. 

Dans la très grande majorité des communes aucune information directe réelle. Les élu(e)s ont un argument massue pur éviter les réunions publiques ou citoyennes : ça sert à rien personne ne vient. Aucune instance structurée de dialogue mise en place et surtout aucune véritable stratégie de démocratie implicative. Une forme de technocratie froide et lointaine basée sur le principe que « moins je débats mieux je me porte ». Les élu(e)s locaux sont aussi éloignés de leurs mandants que bien d’autres. Depuis le début du mandat communal ou intercommunal je suis allé former et partager quelques repères avec cinq équipes municipales… qui au moins ne savaient pas tout et voulaient agir. Beaucoup parlent de lien social sans même savoir ce qu’il représente et surtout comment le maintenir et le faire vivre.

En écrivant mon livre sur «Le partage du pouvoir local » (1) je souhaitais relater une expérience de trente années de gestion municipale pouvant servir de base à la construction de relations différentes entre les élus et les habitants. En fondant Gironde Citoyenne j’espérais relancer le goût du débat, de la différence et surtout d’une forme d’éducation aussi populaire que possible. En créant en 2008 le premier conseil consultatif cantonal citoyen je croyais dans l’échange et le partage des informations. En allant partout où on me le demande débattre, réveiller, réconforter, expliquer, essayer de convaincre (2) j’apportais ma pierre à un édifice qui s’écroule. Je resterai disponible pour agir plutôt que de me lamenter.

  1. Le Partage du pouvoir local Editions le Bord de l’Eau disponible sur les plateformes de vente en ligne ou en me contactant (envoi gratuit)

  2. Prochain rendez-vous le jeudi 5 mai (18 h 30) dans le cadre du festival Cogitations à la médiathèque de Le Haillan et les 14 et 15 mai à Saint Geniès de Malgoyrès (30)

Cet article a 5 commentaires

  1. J.J.

    Je le dis, le redit, le reredit, le rabâche et le radote, tout est fait en réalité pour revenir à un scrutin censitaire, en se gardant bien de le dire, ce qui réveillerait peut être les consciences citoyennes. Beau procédé pour faire élire un candidat légalement, même s’il n’a aucune légitimité, ce n’est pas ce qui compte !

    L’affaire avance à bas bruit, piano, piano, comme la calomnie de don Basile.
    Un jour peut être pour légaliser le procédé, on déclarera que les citoyens qui n’ont pas participé à trois scrutins successifs, seront privés du droit de vote, une façon de diminuer le corps électoral et de rendre moins flagrant le nombre des abstentionnistes.
    Dans certains pays, pas comme en France qui est une vraie démocratie, ont dirait que c ‘est un pouvoir totalitaire.

  2. François

    Bonsoir J-M !
    Voici un titre qui transpire la déception avec une pointe de colère et un zeste de constat amer sur une vie de transmission loupée.
    Oui ! Je sais bien que tu vas me trouver (encore) dur dans mes commentaires mais il faut toujours appeler un chat… un chat et ne pas le déguiser en BD pour enfant sage ! !
    Sincérité et citoyenneté, pour moi, iront TOUJOURS de pair.
    Tu t’inquiètes du décès de cette vénérable grand-mère et je ne peux que m’incliner devant sa dépouille … sauf que ce décès n’est que le résultat d’une longue…longue maladie que, comme beaucoup de tes collègues de toutes couleurs, vous avez laissé progresser voire cautionné
    Les premiers signes d’incivilités électorales étaient bénins (beau ou mauvais temps, pêche) : « sans importance, le copain (socialiste ou autre) est élu ! » Puis, ce furent les promesses de campagne non tenues voire foulées aux pieds : « Regardez ces populistes, ils croient que l’on va les sortir du caniveau. À nous la tirelire ! »
    Les espoirs de 1981 douchés en moins de deux ans ont continué à délabrer la croyance de changements … avec le constat amer que Droite ou Gauche = même cuisine. Normal, ils sont issus du même moule ! (voir mon précédent commentaire)
    Rappelle-toi le coup fourré du référendum sur l’Europe : les électeurs encore dévoués se sont sentis blessés au niveau de leur anus.
    Les idiots, n’étant pas dans le camp supposé, l’esprit citoyen a continué à s’évaporer devant le peu de crédibilité dont on le gratifiait.
    Enfin, le grand mal ( et il a sévi dernièrement sur ce blog), c’est cette peur viscérale du lendemain avec une rancune incompréhensible de la part de gens qui s’affichent défenseurs des Droits de l’Homme : oû est la deuxième chance que l’on doit accorder au repenti ?
    Je vais te paraître ignoble mais j’ai constaté des retournements de votes avoués, signes précis de cas de personnes pleutres ou veules, de « sans dents », même si l’absence d’appareil génital devrait être évoquée plus précisément.
    Comment, dans ce pays que nous a redressé un Grand Général, nous redonnant ainsi la fierté de nous appeler Français, comment, alors que l’on prétend être porteur de grandes idées humaines, peut-on avoir des comportements aussi inconscients voire immoraux ?
    Tu le devines ….et j’en suis fier, comme il y a cinq ans, j’ai revoté MLP, non point parce que j’acquiesce à 100 % à son programme, mais parce que je ne supporte pas que l’on confie (ou reconfie [chat échaudé…] à un traeder, un joueur de Monopoly, sans suivi de gestion appliquée, les rênes du pays. Les cinq dernières années dont deux années de destruction attentive de nos libertés fondamentales sans vrais résultats sanitaires me confortent dans mes idées. Il ne faut JAMAIS confier la gestion de la santé aux politiques. Seuls, les vrais professionnels ont vocation à cette mission.
    Et cerise sur le gâteau, nous lui confions aussi notre sécurité qui va vaciller avec les suites de l’Ukraine.(bien se souvenir des interview russes de ces trois jours).

    Alors, la Citoyenneté dans tout cela ? Même si son stade mortifère est indéniable, il faut garder l’espoir que quelques repousses redonnent de la vigueur à la plante. Toutefois, les fortifiants doivent être administrés avec discrétion… à point nommé ! Sinon, tu le comprends, la déception des convalescents sera terrible !
    Comme les pèlerins de St Jacques parviennent à atteindre leur objectif, je te souhaite de rendre utile ton temps libre retrouvé : ta longue et hypothétique démarche sera certainement une pierre d’angle du nouvel édifice CITOYENNETÉ …à condition de ne point réitérer les erreurs ci-dessus citées !
    Pour terminer de manière optimiste, je te dirai que la France, ce pays qui a accueilli tes Anciens, a toujours su relever la tête même au prix de lourds sacrifices, mais en restant un pays exemplaire.
    Saurons-nous en rester de dignes dépositaires ?
    Bien amicalement.

  3. christian grené

    Aux larmes, citoyens!

  4. J.J.

    À propos de la santé : « Seuls, les vrais professionnels ont vocation à cette mission. »
    Encore faut-il que ces professionnels, tout habiles qu’ils soient, n’envisagent pas de soigner leur portefeuille avant leurs patients (voir les scélérats dépassements d’honoraires).

    1. François

      Bonjour @ J.J. !
      Vous êtes pourtant assez féru en français pour comprendre le vrai sens des mots: quand j’évoque « les vrais professionnels », il s’agit de personnages parfois reconnus mondialement, qui ont pu se créer un pactole …par leur travail assidu, le pognon n’étant, dans notre monde, que la récompense de leur assiduité à leur vocation.
      Par opposition, les charlatans qui ont encombré les écrans télé durant de longs mois, prêchant un jour avec un masque, le lendemain sans, annonçant l’apocalypse puis la défaite de la maladie avant de voir arriver une monstrueuse vague ….le tout en prenant grand soin de leur look comme lors d’un casting hollywoodien ! ! À la longue, on pouvait se demander si ces pantins connaissaient un objet nommé tube à essai ou éprouvette !

      Quant aux dépassements d’honoraires, ce sont … les patients qui les entretiennent !
      Pour imager mon propos, je prendrai deux voitures célèbres : la 2CV et la Ferrari ! Elles ont toutes les deux la même destination : vous mener d’un point A à un point B …et retour ! Mais est-il nécessaire de prendre la Ferrari pour aller chercher son journal et sa baguette ou visiter un site pittoresque ? Par contre, la 2CV sur autoroute, c’est peut-être économique mais surtout risquée et dangereux !

      À votre studieuse réflexion …

      Cordialement

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