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La mort au travail est toujours injuste

Quelles que soient les circonstances la mort intervenant dans le cadre professionnel constitue un véritable drame. Les retombées médiatiques de ces « accidents » demeurent pourtant bien différentes. Dans un manifeste, la Confédération européenne des syndicats (CES) pointe par exemple les mauvais résultats de la France en matière d’accidents du travail. Selon ce document, elle devrait enregistrer près de 8 000 décès supplémentaires dus au travail d’ici à 2030, contre 563 pour la Pologne ou 3 143 pour l’Allemagne. Les chiffres avancés dans ce document, permet d’affirmer que le nombre d’accidents mortels au travail a globalement diminué ces dix dernières années en Europe, mais il a augmenté en France : passant de 537 en 2010 à 803 en 2019.

Le pays enregistre également le taux d’incidence le plus élevé d’Europe, avec 3,53 accidents mortels en moyenne pour 100 000 travailleurs. En janvier dernier, un ouvrier a par exemple trouvé la mort sur le chantier de la gare Saint-Denis Pleyel, après une chute de matériel. C’était le deuxième accident mortel sur le chantier du futur métro automatique autour de Paris destiné aux JO. Un autre a été grièvement blessé il y a quelques jours. Ils travaillaient pour que les spectateurs aient accès aux compétitions olympiques. En France depuis le début de l’année il y aurait une perte de vie par jour dans le cadre d’une activité professionnelle.

Le vrai problème c’est que médiatiquement ces disparitions ne sont absolument pas traitées de la même manière comme s’il en existaient des « normales » et des « exceptionnelles ». En s’engageant dans une activité professionnelle certain(e)s savent (ou alors c’est de l’inconscience) pourtant que dans l’exercice de leur métier ils peuvent être victimes de circonstances défavorables. Bien entendu il s’agit pour eux de tout faire pour éviter que l’issue soit fatale mais elle appartient bel et bien aux clauses du contrat. La prise de risques conditionne souvent une issue fatale mais la notion « d’accident » reste pourtant très présente.

Le jeune journaliste de BFM tué par un éclat d’obus sur une route d’Ukraine n’appartenait pas à la catégorie des risque-tout. Il était dans un engin blindé et accompagnait un convoi de réfugiés. Depuis le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie au moins huit journalistes sont morts sur le terrain dans l’exercice de leur profession. On a, par ailleurs, dénombré plus de cinquante attaques qualifiables de crimes de guerre, dont plus de 120 journalistes ont été victimes. Tous exerçaient leur métier dans un contexte par essence dangereux pour que le monde connaisse les réalités de ce conflit. Cette mission mérite-t-elle que l’on paie de sa vie son exercice ? Sûrement pas. Doit-elle être abandonnée pour autant ? Sûrement pas !

Une enquête pour crime de guerre ou terroriste va être diligentée. Elle permettra de savoir que les Russes ont délibérément bombardé un convoi de gens fuyant les horreurs d’un conflit qui devient au fil des jours depuis en plus violent. La conscience mondiale va s’émouvoir durant quelques heures surtout dans le cercle médiatique mais ira-t-elle jusqu’à s’intéresser enfin aux milliers de morts sur les chantiers des grands événements sportifs des prochaines années ? Selon les sources le nombre des ouvriers (tous immigrés) qui ont payé de leur vie la construction des stades du Qatar atteindrait 6 500 (1) .

Ils ont eu un hommage particulier du Président de l’UEFA qui actuellement brille par son souci de l’humain : «  L’Amérique est un pays d’immigration. Mes parents ont également émigré d’Italie vers la Suisse. Pas si loin, mais quand même. Lorsque vous donnez du travail à quelqu’un, même dans des conditions difficiles, vous lui donnez dignité et fierté (…) ce n’est pas de la charité. Vous ne faites pas de charité. Vous ne donnez pas quelque chose à quelqu’un en lui disant : Restez où vous êtes​. Je te donne quelque chose et je me sens bien. » Comme quoi la vie n’a pas le même « prix » partout et en toutes circonstances. C’est révélateur du mépris dont font preuve les « arrivés » vis à vis du milieu qu’ils ont quitté. 

Militaires, policiers, gendarmes bénéficient souvent de l’hommage de la Nation lorsque selon la formule consacrée ils ont exercé leur métier au « péril de leur vie ».  Les maçons, les ouvriers, les chauffeurs routiers, les marins pêcheurs, les pilotes d’avion, les agriculteurs et tant d’autres professions n’ont souvent que les larmes de leurs familles, de leurs proches et de leurs amis. Le malheureux Frédéric Leclerc-Imhoff, bien trop jeune pour se trouver sur une liste des morts pour l’information mériterait bien les honneurs dont bénéficient ceux qui luttent pour la liberté avec comme seules armes leur intelligence, leur proximité avec le malheur et leur quête de la satisfaction de ce que l’on apporte aux autres pour enrichir leur conscience. Je le pleure comme un fils. 

(1) enquête du journal anglais Le Gauradian

Cet article a 10 commentaires

  1. Laure Garralaga Lataste

    Mon père était plombier-zingueur et trop souvent, il lui fallait travailler sur les toits. Je garde de ces périodes le souvenir des angoisses de ma mère…

    1. Bernie

      Bjr Laure,
      Quel que soit le métier exercé, la mort est tjs au bout du chemin. Il devient nécessaire de le dire comme ici avec ce jeune journaliste tué en mission pour le droit à l’information.
      Sincères condoléances à la famille de Frédéric, sincères condoléances à ses collègues de BFMTV.

  2. benoit cornet

    Merci Jean Marie sa fait longtemps que je pense la même choses .mais les tv et le gouvernement profite pour inventer de nouvelle lois sécuritaires qui ne pourras pas etres appliquer.

    1. Bernie

      Bjr, j’ai retrouvé des coupures de journaux d’un accident du travail de mon oncle qui a eu la tête écrasée par une poutre en bois sur un camion.
      Il aura laissé ses enfants orphelins et une veuve. Triste sort. C’était en 1959.
      Ça fait 63 ans.

  3. J.J.

    Une enquête « pour crime de guerre » ou terroriste va être diligentée
    Quel beau pléonasme, c’est la guerre qui est un crime, criminels ceux qui la font, mais encore plus hypocrites et plus criminels si c’est possible, ceux qui la provoquent tout en restant benoitement à l’abri.
    Et tout dépend de ce que l’on appelle crime, de guerre ou crime tout court.
    Lorsque les étasuniens ont décidé d’exécuter Ben Laden, certes Ben Laden était un criminel, mais la façon dont il a été exécuté relève davantage du règlement de comptes entre mafieux que d’une décision de justice équitable.
    De surcroît, il se trouvait dans un pays étranger aux USA, il y a donc eu violation de territoire, le tout se passant le plus naturellement du monde.
    Les USA (qui protègent si bien leur population) ne manquent pas d’audace en attirant l’attention sur la paille de l’œil du voisin, en occultant la poutre qui embarrasse le leur.
    Il y aurait beaucoup à dire aussi sur la disparition de Mouammar Kadhafi.

    La disparation de ce journaliste est dramatique, dans une zone de combat, les projectiles sont aveugles, mais vouloir à tout prix chercher une intention relève de la propagande de caniveau.
    Les ukrainiens cherchent surtout probablement publier des crimes de guerre russes pour protéger les miliciens du régiment Azov (qui n’arborent plus leurs glorieux insignes nazis) qui depuis 2014 ont commis d’innombrables de crimes ( de guerre ou de paix ?).

    1. Bernie

      @ J.J
      Et oui, la cause est la guerre et puis la Russie est le pays le plus vaste du monde en superficie. Et puis c’est l’ancienne union des républiques socialistes soviétiques avec le grand Staline.
      La CIA et le KGB ont bien existé.
      Franchement je n’y suis pour rien

  4. Hautin

    C’est vrai que Darmanin se précipite en Falcon à l’autre bout de la France au chevet d’un policier blessé au petit doigt dans une manif, mais que madame Borne, ministre du travail, ne s’est jamais déplacée pour un ouvrier tué sur un chantier.

  5. J.J.

    Caque fois qu’un militaire reçoit « des honneurs posthumes » j’enrage (non pas qu’il ne les mérite) en pensant aux malheureux travailleurs morts au service des citoyens, en accomplissant leur ouvrage, et qui disparaissent dans la plus grande indifférence des « officiels ». Chacun participe à part égale à la bonne marche de la société, mais il y en a toujours qui sont plus égaux que d’autres.

  6. Bernie

    @ J.J
    Et oui, la cause est la guerre et puis la Russie est le pays le plus vaste du monde en superficie. Et puis c’est l’ancienne union des républiques socialistes soviétiques avec le grand Staline.
    La CIA et le KGB ont bien existé.
    Franchement je n’y suis pour rien

  7. J.J.

    « La CIA et le KGB ont bien existé. »
    Malheureusement la CIA existe toujours, pour le plus grand malheur de l’Humanité.
    On en devine des preuves tous les jours.

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