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Ici et ailleurs (8) : Vanille, le parfum du retour

Elle est revenue… Elle n’était pas partie très loin mais elle avait abandonné le bar PMU du cœur de la bastide pour s’installer dans cette ancienne ferme isolée devenue une vraie « retraite » aux confins de Sadirac et de Créon. Celle que personne n’appellerait autrement que « Vanille » a en effet retrouvé sa place derrière le comptoir du Bar créonnais niché dans l’angle nord de la Place de la Prévôté. Elle a immédiatement ajusté ses habitudes et ses principes de gestion d’un lieu comme si elle n’avait jamais pris ses distances avec un métier exigeant. « Patronne de bar c’est un équilibre permanent entre la fermeté et le sourire. Il ne faut pas se faire déborder mais il faut aussi conserver le sens de l’accueil. En arrivant le matin je dois oublier tout pour me consacrer aux clientes et aux clients. C’est ainsi et ce n’est pas toujours facile » avoue-t-elle. Vanille c’est en fait une main de fer dans un gant de velours.

L’ancienne employée de banque a basculé dans le commerce il y a déjà quelques décennies. Rien ne lui est plus précieux que le lien social qu’elle a toujours retrouvé dans les activités successives qu’elle a développées. Fondatrice, sur proposition d’Alban Brocahrd figure emblématique de Sadirac, d’une épicerie de proximité dans le Bourg de la commune où elle résidait elle a découvert qu’elle était faite pour cette vie avec les autres. « Je n’étais pas bien dans un bureau. Une belle aventure de dix ans explique-t-elle et une réussite à tous points de vue. Je l’ai quitté avec regret car c’était un lieu de partage. J’aimais les personnes âgées qui venaient échanger et quand l’une d’entre elles disparaissait j’avais la sensation de perdre un proche. » Cette empathie naturelle lui vient de son enfance et elle perdure.

« Après ma grand-mère qui m’a élevée et à laquelle je dois tout, la seconde personne que je vénère c’est mon instituteur à Saint-Magne de Castillon. Il était comme moi à la fois sévère et très avenant. Il donnait un surnom à tous ses élèves. Comme j’étais blonde, bouclée avec les yeux sombres il m’avait baptisé Vanille et ça m’est restée durant toute ma vie. Ma copine brune aux yeux bleus ce fut Myosotis ! » Les souvenirs reviennent immédiatement et elles n’en conservent que les plus chouettes.

« Ma grand-mère gagnait quelques francs en allant travailler dans les propriétés viticoles. Comme elle n’était pas déclarée elle a fini avec une retraite de misère. Tout comptait chez nous. Nous avions un cochon qu’elle nourrissait avec des petites patates qu’elle faisait bouillir avec betteraves. Quand nous rentrions de l’école nous mangions les patates dans la marmite et nous laissions les betteraves. Quand le tueur venait elle le dédommageait en allant l’aider.  » avoue-telle en riant. Sa grand-mère tenait table ouverte et pouvait tuer deux poulets pour nourrir les chasseurs parmi lesquels se trouvaient ses oncles, le dimanche à midi. Sa grand-mère lui appris la générosité méritée, celle que l’on accorde à celles et ceux qui le méritent par la réalité de leur situation.

« Ici je peux aisément offrir un café ou à manger à un client que je sais en difficulté mais je suis impitoyable avec celui qui laisse une note impayée alors qu’il flambe avec une belle bagnole ou qui revient en oubliant ce qu’il doit ! » Vanille ne transige pas. Pour elle un bar c’est un mélange de rigueur et de convivialité. « C’est beaucoup plus agréable et plus facile à tenir qu’un restaurant car on s’adapte simplement à la  demande de la clientèle. Dans un restaurant tu prépares vingt repas un jour et il t’arrive soixante clients sans que tu saches pourquoi. Le lendemain tu en prépares soixante et tu n’en vois que dix. J’ai donné puisque j’en ai géré deux dont une pizzeria ce qui est plus facile qu’un établissement traditionnel. »

Vanille a une parfaite connaissance de sa clientèle. Elle retrouve celle qu’elle avait quittée mais elle découvre aussi les groupes de cyclistes de plus en plus nombreux qui défilent dans Créon tous les jours en provenance de la piste. Les demandes évoluent mais elle s’adapte très vite en ouvrant par exemple sept jours sur sept et en profitant de l’abri que lui offrent les couverts à proximité. L’anglais lui manque un peu mais il est assez aisé d’interpréter les demandes. Il lui reste aussi à régler quelques problèmes techniques pour que les turfistes soient parfaitement à leur aise dans le fond du bar où l’automate du PMU retrouve ses habitudes. Lentement Vanille se réinstalle dans le cœur (dans tous les sens du terme) de la bastide.

Bobby Lapointe aurait pu adapter sa chanson « glace au citron et vanille »… pour vanter les mérites de la patronne : «  Au pays de Créon il y avait une jeune fille qui vendait des bières citron et… vanille (…) » Je vous laisse déguster la suite avec le sourire et le bonheur que l’on peut trouver ou retrouver au Bar créonnais.

Cet article a 4 commentaires

  1. christian grené

    De ses souvenirs de Guadeloupe, où elle exerçait son métier de prof d’EPS, mon ex-femme et mère de mes deux enfants, a gardé « Vanille » comme nom pour baptiser sa maison sise au pied du château de La Rivière dont le maire (PS) est toujours Dominique Beyly.
    Par ailleurs, pour revenir sur le sujet d’hier, je connais bien la maison Klose. J’y suis allé, avec Gernot Rohr comme traducteur, pour faire un reportage sur Miroslav, meilleur buteur en phase finale de l’histoire de la coupe du monde de football (2002-2014). 16 buts et… 16 ans de carrière entre Kaiserslautern et Rome. Au Bayern Munich surtout!!!

  2. J. J.

    « Au pays de Créon il y avait une jeune fille qui vendait des bières citron et… vanille (…) » Et oui !
    De même qu'(a)vani(ll)e et framboise sont les mamelles du destin.
    et qu' »Avanie et mamelles
    Sont les framboises du destin » dans la logique foisonnante de Boby Lapointe.

  3. Laure Garralaga Lataste

    Merci à nos 3 poètes … Jean-Marie, Christian et J.J. !
    Mes souvenirs sont moins poétiques… car pour moi, ce sera l’espadre ou la noiraude

    1. christian grené

      Toi l’espadre, moi le drille… et ça marche!

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