You are currently viewing Ici et ailleurs (11) : le toubib, la santé et le vélo

Ici et ailleurs (11) : le toubib, la santé et le vélo

Leur pause, sans être institutionnelle n’en est pas moins habituelle. Chaque fois qu’ils passent par Créon ils appuient leurs fiers « destriers » vélocipédiques devant le Bistrot des Copains pour y déguster un café. Tout dépend évidemment du circuit que ces véritables cyclo sportifs ont programmé. « Nous allons un peu au hasard explique Vincent, médecin hospitalier en retraite. Ce matin nous sommes passés par Yvrac, Saint Loubés en longeant la Dordogne vers Izon et nous sommes arrivés via Vayres et une grande boucle passant par Génissac, Nérigean et Saint Quentin de Baron. C’est un circuit agréable surtout par une journée ensoleillée car il est varié et souvent ombragé. » L’Entre-Deux-Mers reste leur terrain de jeu du dérailleur favori.

« Maintenant nous sommes rodés explique-t-il. Nous partons sans crainte. » Ardent défenseur de la pratique du vélo le toubib devient vite volubile sur le système médical qu’il a quitté il y a deux ans. « Revenir vers les diagnostics et le traitement il n’en est pas question mais je pense que je pourrais encore jouer un rôle en télémédecine. Nous avions à l’hôpital décidé de prendre le temps de répondre au téléphone aux généralistes confrontés à une situation particulière créant un doute. Ca évitait bien des consultations et des erreurs. Le maillon le plus important reste en effet pour moi le médecin généraliste. Tout part de lui. Or il est souvent oublié. Il est facile de se rappeler de son rôle quand il manque sur le terrain. J’aimerai reprendre du service dans un pool de soutien et de conseil à distance qui reste à créer. » Vincent n’hésite pas à alimenter le débat. En tenue de cycliste il se lâche. En blouse blanche ce serait probablement différent. 

« Le nouveau ministre de la santé va surtout se préoccuper des services des urgences alors qu’il faudrait tout réformer et bâtir une médecine différente. Tout est à revoir. Par exemple il n’est pas normal que les services de garde de nuit et de week-end ne soient pas obligatoires sur les territoires. Je suis certain qu’une nouvelle organisation est possible et vous verrez par exemple que l’on ne reviendra pas en arrière sur la mise en place du filtrage vers les urgences. Si j’étais provocateur je soutiendrais que les urgences ne sont pas nécessaires dans une autre manière de concevoir l’hôpital et le réseau médical. La preuve en sera donné avec le tri préalable des admissions.» Le cycliste aguerri change de braquet. Il prône une révolution de la culture médicale en avouant cependant qu’elle n’est pas pour demain.

Vincent aime bien le débat. Dans le bistrot bondé du mercredi ses propos étonnent. « Je suis de ceux qui pensent que l’autre réforme urgente c’est celle de l’éducation nationale. Tout part de là. Le système éducatif est bien plus en danger que celui de la santé. Ses dysfonctionnements ont des conséquences sur notre quotidien. Le niveau des médecins généralistes en France est excellent. Ils sont bien formés et presque tous ont été internes dans les hôpitaux. Le vrai problème c’est que la patientèle leur demande parfois tout et n’importe quoi avec le sentiment qu’ils ont une obligation de résultats face à toutes les situations même les plus graves. » Le toubib pédaleur ne mâche pas ses mots.

Pour celui qui a été spécialiste dans la chirurgie viscérale les vraies difficultés viennent de l’augmentation de la demande conjuguée avec une baisse du nombre de praticiens et de leur mauvaise répartition territoriale. « Ceux qui ont pondu les réformes ont cru qu’en baissant le nombre des médecins ils diminueraient le nombre d’actes. C’est une absurdité totale. Bien des praticiens sont surchargés et n’arrivent plus à faire face à la demande. Le résultat de cette politique sont visibles en ce moment et ce n’est pas prêt de s’estomper ! »

Le café n’a pas eu le temps de refroidir. Il l’a avalé d’une traite. La discussion pourrait durer mais il lui faut prendre le chemin du retour à la maison. Nous échangeons nos numéros de téléphone et nous promettons de nous revoir. Une nouvelle rencontre de terrasse qui comptera. Le duo traverse le marché sur quelques mètres avec les vélos à la main. Les cyclistes ont la démarche de pingouins sur la terre ferme à cause de leurs chaussures. Tout va mieux dès qu’ils remontent sur leur « monture ». Ils sont passés par ici et ils repasseront par là. Pour eux aucun doute : le vélo c’est la santé !

Cet article a 4 commentaires

  1. ainsi

     » Le maillon le plus important reste en effet pour moi le médecin généraliste. »
    Et il en est de même pour moi… Quand on a la chance d’en avoir trouver un bon… on n’en change pas et on le recommande aux vrais amis. Moi, le mien, je ne peux plus agir ainsi puisque, surchargé, il refuse du monde…
    Quant à nos échanges sur l’éducation nationale, ils ne font que commencer… Mais restons patient et jugeons le ministre aux actes.

    1. Laure Garralaga Lataste

      Message de Laure Garralaga Lataste

  2. christian grené

    J’aime le vélo. Comme dans pas mal d’histoires d’amour, il ne me le rend pas beaucoup.
    Ce n’est pas de moi, mais de René Fallet que j’ai eu la chance de rencontrer dans un bar de Sète. Qui s’appelait… « Les Copains d’abord ».
    A Bordeaux, au n° 27 rue Camille Sauvageau, existe aussi un bar ainsi baptisé. Dans le quartier Saint-Pierre, déclaré commune libre par l’illustre Bigoudy qui faisait alors de l’ombre à Chaban. Il avait la même paire de moustaches que l’auteur de « Paris au mois d’août » et que le guidon du biclou dont JMD fait aujourd’hui l’éloge.

  3. Dabe

    Bonsoir Jean Marie. Oui le vélo est toujours un art : que ce soit contemplatif, sportif, cyclotouristique , il en reste toujours quelque chose. Bientot mes 75 ans et je trouve que c’est le seul remède à mes maux: fatigue, anxieux, énervé, bref, dès le premiers km fait j ai tout le corps qui se met en route et ma tête va à l’unisson. Je ne vais plus trop vers ta belle bourgade car aller poser ma voiture au bas de Cenon ou Floirac me fait faire 100km… Je roule toujours dans le Medoc au départ de Castelnau ma cité. Les coteaux de st Estephe reconnaissent ma tenue jaune et rouge de mon club ( ‘Eysines) . Pour parler médecine, mon dernier test d’effort a étonné la cardiologue et la « morpionne » a forcé la cadence de pédalage. Morale; les jeunes filles n’ont pas pitié des « vieux »! Adishazt.Amicalement. Alain DABE.

Laisser un commentaire