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Ici et ailleurs (19) : Julien s’éclate dans le SNU

Les autocars arrivent les uns après les autre sur le vaste parking du lycée des Graves à Gradignan. Des dizaines d’adultes attendent qu’en descendent des jeunes plus ou moins « uniformisés » par leur participation à la session du Service National Universel (SNU) création récente destinée à socialiser une génération. Le soleil tape fort et parents, frères sœurs, copains ou copines cherchent une ombre salvatrice. Dans le ciel au loin monte le panache blanc auquel personne ne souhaite vraiment se rallier. « Tu sais me confie mon petit-fils de retour du lycée agricole corrézien de Neuvic il nous fallait interroger les personnes que nous rencontrions à l’extérieur pour savoir l’essentiel de l’actualité. J’ai appris qu’il y avait des incendies en Gironde mais rien de précis ».

« Les encadrants nous remettaient nos téléphones que durant une heure chaque jour. Ils nous les donnaient au moment du repas. Nous avions demi-heure pour manger et une autre pour téléphoner. Nous étions coupés du monde mais on s’y habitue. » Julien ne rentre pas frustré de cette séquence durant laquelle il a expérimenté la vie collective régulée.  Aurait-il accepté pareille privation durant quinze jours chez lui ? « L’encadrement variait d’une compagnie à l’autre. Les militaires réservistes n’avaient pas les mêmes attitudes. Il paraît que certains étaient très sévères. Les nôtres ne posaient aucun problème. »

Selon les récits de Julien le SNU oscille entre le camp de vacances sportives et l’esquisse d’une discipline militaire inhabituelle. « Nous avons été réveillés tous les matins au sifflet à 6 h 30 avec peu de temps pour nous laver et nous préparer pour les activités. Avec les copains nous avions pris l’habitude de ne pas attendre le sifflet pour avoir davantage de marge. J’ai l’habitude car pour me rendre au lycée à 8 heures je n’avais pas le choix. » Il n’a pas forcément découvert les contraintes horaires car elles ne différent guère de son rythme de la période scolaire mais il a vite trouvé une certaine solidarité créée par le contexte. Cette construction solidaire progressive d’une appartenance à un groupe embarqué dans la même « galère » constitue probablement le meilleur des apports de ces dix jours. La cohésion naît dans l’adeversité.

« Comme nous étions quatre à avoir un solide appétit on se mettait ensemble pour récupérer davantage de nourriture. Nous nous sommes pas mal débrouillés » explique Juju heureux d’avoir trouvé durant ce séjour en vase clos la recette du partage constructif. Un très large panel d’activités sportives confortent cette cohésion de groupe. « Foot, hand, rugby, basket, canoë, paddle, escrime : autant de disciplines que je n’avais pas toujours pratiquées. L’escrime m’a vraiment plu. » ajoute-t-il avec une pointe de regrets de ne pas en avoir pratiqué davantage ; « Nous avons rejoint un gîte dans la forêt pour un bivouac après 45 kilomètres de marche aller et retour. Heureusement que nous n’avions dans notre groupe que la nourriture à porter » La fierté d’avoir dépassé ses limites habituelles brille dans ses yeux.

« J’ai été retenu pour participer avec 24 autres stagiaires du SNU au défilé du 14 juillet à Tulle avec les détachements de l’école de Gendarmerie, des sapeurs-pompiers, de la Police. C’était super ! » raconte Julien. Les discussions avec les militaires, les sapeurs-pompiers, les policiers, la visite d’une ferme d’élevage, les échanges au sein du groupe, le module secourisme avec les gestes de premiers secours… ont également meublé ce séjour entamant de manière originale les vacances scolaires. Le lever quotidien des couleurs ou le chant collectif de la Marseillaise ont également contribué à cette cohésion autour d’un projet commun. Une tenue commune déclinée de multiples manières accentuait cette entrée dans la dimension républicaine d’égalité et de fraternité.

Les centaines de participants à la séquence de juillet du SNU n’en finissaient pas de se dire adieu après avoir récupéré leur bagage. Ceux, majoritairement girondins, du bus de Julien explosèrent dans un chant commun groupé créant un moment festif devant un lycée sonnant creux et probablement peu habitué à cette exubérance. J’ai eu la terrible impression que ces jeunes dont visiblement peu d’entre eux semblaient originaires de milieux modestes découvraient sous une forme institutionnelle ce que les patronages laïques proposaient dans des séjours de vacances. La vie collective ne leur déplait pas. Pourvu qu’ils acceptent de la vive. Julien et la très grande majorité des 160 volontaires m’ont semblé heureux de leur initiative. Et pour moi c’est peut-être là l’essentiel… Pour le reste il faudra des bilans plus objectifs. 

Cet article a 6 commentaires

  1. christian grené

    Je n’ai pas eu la chance de faire le SNU, mais je n’oublie pas mon 31e RG à Libourne en compagnie d’un ami instit’ qui sortait tout juste de l’EN. Peut-être portait-il aussi déjà les couleurs de la JSC et moi du FCL?

    1. Gilles Jeanneau

      Espèce de privilégiés, toi et Jean-Marie, comme tous les footeux à l’époque!
      Pour ma part, je jouais à la JSST (Jeunesse sportive de Sainte-Terre) et tous les joueurs faisaient leur service à la BA 106 de Mérignac!!!
      Mais j’ai refusé ce privilège et j’ai atterri (si l’on peut dire) à Laval pour les classes, puis à Toulouse pour le reste du service.
      Cela m’a permis d’assister au 1er vol d’essai du Concorde!
      Souvenirs, souvenirs…

  2. J. J.

    « …il a vite trouvé une certaine solidarité créée par le contexte. Cette construction solidaire progressive d’une appartenance à un groupe embarqué dans la même « galère » constitue probablement le meilleur des apports de ces dix jours. La cohésion naît dans l’adversité. »
    C’était -à mon humble avis-, avec aussi la chance de rencontrer des personnes d’autres milieux et d’autres contrées, le principal intérêt du service militaire.
    L’origine de la dérive individualiste de la société n’est peut être pas à chercher tellement plus loin que son abolition.

    1. christian grené

      Dis-moi JJ, j’espère que tu n’a pas été insensible à l’hommage particulier que j’ai rendu hier pour les figures du 14 juillet?

      1. J. J.

        Je l’avais oublié, c’est vrai, mais il y a des événements qui pour, on ne sait quelle raison vous frappent plus que d’autres, le 29 octobre 1981, par exemple.
        D’autres qui ont le mauvais goût de nous quitter en même temps qu’une célébrité plus populaire et qui passent un peu à la trappe : Jean d’Ormesson et Johny, Jean Cocteau et Edith Piaf !

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