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Ici et ailleurs (20) : le vrai baptême du feu de Nolan

Nolan sort de son sommeil. Je le réveille. Il émerge car il lui faut se préparer à repartir au feu. Le sapeur-pompier volontaire va entamer sa sixième nuit consécutive sur le front de l’incendie qui ravage les landes girondines. « Comme je suis disponible et formé à la lutte contre les feux de forêts, je suis mobilisable en permanence. Notre centre fournit une quinzaine de personnes pour  deux camions 3 000 litres, une ambulance et un véhicule de soutien. La première équipe reste en journée avec un horaire variable selon les disponibilités des uns ou des autres. La relève dont je suis, part entre 18 h et 18 h 30 jusqu’en tout début de matinée ». Le rythme est soutenu mais Nolan avoue que les renforts venus des autres départements n’ont pas la chance comme lui  de pouvoir  rentrer chez lui à la fin de sa séquence épuisante en première ligne.

Selon l’avancée du feu et les décisions prises par l’état-major le rôle du détachement auquel il appartient, diffère d’un soir à l’autre. « J’ai effectué cinq nuits face au feu très différentes et une où j’ai servi l’ambulance car il faut partager les rôles selon les présents. Nous avons mardi et mercredi fait face à des situations difficiles face à la progression des flammes. Jeudi nous avons été positionnés pour la défense d’un point sensible pas loin d’un village. Par contre vendredi soir on avait reçu des ordres clairs. Positionnés sur la gauche de l’avancée des flammes il nous fallait à tout prix éviter qu’il passe». Le volontaire a apprécié ce type de mission. « Le matin on avait tenu et j’avoue que j’en étais fier avec la sensation d’avoir été utile » explique-t-il.

Samedi avec le Véhicule de secours il a trouvé le temps long malgré deux évacuations vers l’hôpital de Langon. Il en a effectué une avec une voiture du service médical car la personne touchée n’avait rien de grave. La seconde victime, membre de la sécurité civile avait été touchée par un tendeur à la bouche. Il avait perdu une dent et une autre était secouée. Faute de dentiste de service aux urgences de l’hôpital Saint-André lui-aussi a été transféré sur Langon. « C’est normal que je passe au VSAB (1) mais je préfère être sur le terrain face au feu. la gars était épuisé car il sortait de 48 heures ininterrompues de service».

Pour son baptême du feu de forêt Nolan a beaucoup appris et apprend encore. « Il faut à la fois être combatif et prudent. Les chauffeurs des camion ont un rôle essentiel ajoute-t-il. Quand nous sommes en première ligne il doit avoir par exemple prévoir face aux sautes du feu ou aux évolutions liées au changements du sens du vent. Le conducteur doit tout surveiller et prévoir un chemin de repli. L’autre soir un pneu a été crevé. Comme la cuve était en fin d’utilisation nous étions en danger de chavirement du véhicule. On a fini par nous en sortir ! » Cet équilibre entre l’envie d’agir et la nécessité d’être prêt à faire face à toutes les situations reste la clé de l’engagement des sapeurs-pompiers sur le terrain.

En fait les flammes ne sont pas le seul ennemi dangereux dans la lutte contre le feu. « Lors d’un passage à l’arrière pour manger et remplir les réservoirs, le service de santé du SDIS 33 m’a demandé de faire un test pour l’absorption des fumées.  Le test comporte plusieurs niveaux. Entre 0 et 5 on est considéré comme un fumeur léger, entre 5 et 10 on est dans la catégorie des fumeurs intensifs. Au-delà de 10 il y a un risque d’intoxication. Moi, j’étais à 12 ou 13 ce qui commence à poser un problème » avoue Nolan. « J’ai été placé sous oxygène pendant quelques minutes car je n’éprouvais aucun symptôme (maux de tête ou gêne respiratoire). Ça m’a fait du bien et je suis reparti. » Les évacuations des habitants sont d’ailleurs essentiellement dues aux fumées qui envahissent tout le secteur incendié.

« Franchement l’accueil des gens est superbe. Les rencontres quand on vient au repos ou au ravitaillement sont toutes réconfortantes. Ils sont inquiets mais raisonnables. Ils savent eux ce qu’est un feu de forêt et ne demande pas l’impossible. Ce n’est vraiment pas pareil moralement sur l’incendie d’une maison. » Le sapeur-pompier volontaire découvre que le dispositif collectif impressionnant mis en place ne permet pas de mesurer exactement le rôle de cette myriade d’acteurs dispersés sur le territoire en train de brûler. Nolan ne sera plus le même après cette expérience. Il est encore plus convaincu de son rôle dans notre société. 

Si pour lui « ce n’est pas la guerre » ça y ressemble tout de même face à un ennemi retors et insatiable. Là-bas sur le camion citerne ou lance en mains Nolan n’a pas peur mais reste méfiant car il mesure que le combat est parfois très inégal. A la caserne tout le monde est sur le pont car les secours au quotidien ne faiblissent pas en cette période où les sollicitations augmentent et les effectifs sont diminués par les départs en vacances (2). Encore une fois, sans l’investissement citoyen de  ces milliers de volontaires le système de sécurité n’aurait pas les moyens de faire face à ces situations de crise. Il a été au bord de la rupture et n’a tenu que grâce à une forte solidarité avec les professionnels. Sachons le reconnaître. 

(1) Véhicule pour le secours aux blessés

(2) 400 sorties le dimanche 17 juin 

Cet article a 7 commentaires

  1. christian grené

    Eh, M’sieur! Vous écrivez dès potron-minet, mais ya pas l’feu et on est en vacances. Euh!.. J’vous fais excuse et, pour ma peine, je vais relire « Le guerre du Feu » de J.-H. Rosny, paru en 1911 et porté sur l’écran par J.J. (pas le notre) Annaud, 70 ans plus tard. A noter que Georges Denola l’avait déjà fait, en 1915, mais il était muet.
    S’cusez M’sieur, mais j’voudrais en grille une. Vous auriez pas du feu? Euh!!!!!!!!!!!!

    1. laure Garralaga Lataste

      @ à mon ami Christian
      Ce matin, tu t’es levé plus tôt que moi…!
      Prends soin de toi, car à nos âges, la canicule peut être fatale…!

      1. christian grené

        Buenos dias, Laurita mia. Como lo canta Marie… Laforêt, « Que calor la vida! ».
        Con abrazos antes de entrar mañana à la casa « Los Adelfas » à… Lormont.

  2. Laure Garralaga Lataste

    Une immense reconnaissance à ces héros anonymes qui, par leur courage et l’abnégation de leur dévouement, nous invitent à retrouver le sens profond du mot Solidarité.
    Honte à cette main anonyme responsable du feu à Landiras…

    1. Gilles Jeanneau

      J’adhère tout à fait à tes propos, Laure
      Et prenez bien soin de vous tous en ayant aussi une pensée pour toute la population des environs de Landiras, St-Symphorien, communes que je traverse régulièrement quand je me rends dans ma famille en Gironde…

  3. J. J.

    Je me suis trouvé parfois face à des feux, et même s’ils n’ont jamais été aussi graves que ces énormes brasiers, c’est impressionnant quand soudain un arbre tout proche s’enflamme jusqu’à la cime en quelques secondes. On a l’impression de n’être pas grand chose.
    Il y a quelques décennies, les bidasses inexpérimentés, et avec de dérisoires battes à feu étaient envoyés en première ligne. C’est ainsi qu’à Cestas, en 1949, parmi les 82 victimes de ce terrible incendie, vingt trois artilleurs de Poitiers y ont perdu la vie.

    Ce souvenir était toujours présent quand nous prenions notre tour de « peloton ORSEC »*. Dès l’alerte sonnée, il fallait, de nuit comme de jour, qu’en moins de 15 minutes, où que l’on se trouve, on soit arrivés au pied des camions, moteur tournant , casquées et sac au dos. Mission : filer à Souge pour embarquer le peloton du 57 ème et monter au feu. Heureusement ça n’est jamais arrivé.
    ORSEC : Organisation de la Réponse Sécurité Civile, tout le monde passait sous commandement du préfet de région.

  4. Philippe Conchou

    Je suis extrêmement surpris du défaut d’entretien des bords de route particulièrement en zones boisées.
    Dans ma petite commune de 700Ha, il y a environ 200Ha de forêt ni mieux ni plus mal entretenus qu’ailleurs en Gironde.
    Autant les chemin vicinaux sont fauchés régulièrement avec bas-côtés et talus propres, autant les bords de route des départementales sont laissés à l’abandon.
    Le risque d’incendie en zone boisée est actuellement énorme car toute la végétation non fauchée est desséchée.
    Si il est concevable qu’entretenir 6400km de routes départementales n’est pas chose aisée, ne pourrait-on pas donner la priorité aux routes en zones boisées et, si cela est encore trop difficile, en déléguer l’entretien aux communes.

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