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Ici et ailleurs (32) : la terre et le gosier

En été le sport favori reste bel et bien l’arrosage ! Il faut à la fois l’endurance, la technique et l’efficacité pour espérer atteindre le but : améliorer ses performances d’une année sur l’autre. Le premier choix dans cette discipline reste le « moment » et le lieu où on la pratique. Il existe deux écoles : celle du soir tard et celle du matin de bonne heure ! Et durant la période estivale il est aussi mal aisé de se fixer sur un créneau horaire plutôt que l’autre. Les objectifs sont cependant bien différents dans un cas ou dans l’autre : il y a bel et bien « arrosage du matin » et « arrosage du soir » ! Celui de la terre et celui du gosier ! 

Nous nous pencherons sur le premier qui consiste alors que le soleil n’a pas encore fait ses ravages sur le jardin, à donner à boire aux plantes ou aux fleurs de votre propriété ou, cas plus grave, à celles que l’on vous a confiées. Le second a un but humanitaire affirmée puisqu’il se propose de rincer la dalle à quelques amis en une circonstance particulière. Si le procédé est le même (user du liquide) on n’arrive pas nécessairement au même résultat ! 

L’arrosage matinal permet à terme aux bénéficiaires de la prestation de se requinquer, de se développer, de s’épanouir. L’arroseur a souvent des consignes horaires très précises car il pourrait s’il traîne un peu, faire plus de mal que de bien. L’eau de vie de l’aube renforcée par un ajout dopant se conjugue en effet mal avec la chaleur excessive ! Elle condamne en cas de retard ou d’oubli les « arrosés » qui supportent mal le soleil et qui tournent facilement de la feuille.  

Afin d’éviter pareille mésaventure des jardiniers prévoyants installent l’arrosage automatique programmé.  Ce système sophistiqué évite en temps ordinaires de se lever dès potron-minet pour distribuer sans efforts leur pitance à des végétaux en souffrance estivale, et en cas d’absence il garantit les ressources nécessaires par exemple pour une pelouse susceptible de bronzer plus vite que ses propriétaires. La rosée ne lui suffit pas même si elle comme bien d’autres, adorent ces perles vivifiantes et fraîches. 

Pour les autres arroseurs manuels c’est souvent une phrase magique donnée à un membre de la famille ou à une voisine compatissante au moment du départ qui règle tout : « Tiens voici la clé, tu arroseras régulièrement mes fleurs, tu te ramasseras les haricots verts et tu donneras à manger au chat ! ». Ce sont les consignes les plus répandues en juillet et août. Elles ne sont respectées que si celle ou celui qui les reçoit, a conscience de l’enjeu affectif que peut représenter un massif de fleurs, une jardinière de géraniums ou un potager pour celle ou celui qui l’abandonne. D’ailleurs souvent le donneur d’ordres téléphone régulièrement, pour certes parler de la pluie et du beau temps mais surtout pour s’enquérir des souffrances du jardin et de la déprime d’un félin abandonné !

Il existe en effet des abandons douloureux de patrimoine végétal ou d’animaux dont la compagnie n’est plus amusante car les vacances sont prioritaires sur toute considération affective ! Tous les spécialistes vous le diront seul l’arrosage matinal est recommandé et doit être pratiqué et il ne faut pas transiger avec ce principe sous peine de voir péricliter ce que l’on a soigneusement élevé ! Un désastre au retour du Pangloss défenseur inconditionnel de la théorie voulant que pour vivre heureux il faille avant tout cultiver (un) jardin. Cette culture du lever matinal pour abreuver fleurs et légumes parait menacé par les consignes drastiques liées à la canicule. Elle influe d’ailleurs sur la rosée et le rosé ! 

N’empêche que le point commun entre les arrosages matinaux et ceux nocturnes reste la recherche du bonheur ! Il existe dans cette perspective des adeptes moins candides qui ne veulent pas croire qu’en été l’aube soit le seul moment propice à la rencontre avec l’eau de vie ! En fait en cette période de la journée les adeptes de l’arrosage nocturne se mettent au vert car ils sont mal en point après avoir tenté toute la nuit d’éviter un dessèchement de gosier. 

Ils ont souvent attaqué l’apéro à la nuit tombée en compagnie des plus jolies « plantes » qu’ils ont pu rencontrer pour poursuivre en bandes organisées dans des espaces climatisés où ils laissent toutes leurs liquidités au comptoir. Il existe aussi des « sources » agréables appelées parfois pince-fesses, buffet campagnard, garden-party ou apéro dînatoire qui se pratique sur une terrasse ou justement dans un parc parfaitement entretenu et arrosé pour la circonstance !

Plus de robinets à la barrique comme au temps des gerbaudes familiales mais de nouveaux dispositifs du genre « box » ou « cubi » autorisant une dangereuse forme individuelle de dosage privilégiant la liberté et l’égalité d’accès et favorisant la fraternité des arroseurs et des arrosés.  On s’arrange aussi en ces chaudes soirées à masquer des liquides prohibés par un proche sourcilleux. Le jus d’orange ou le Coca constituent des alibis de premier ordre pour se parer d’une image de convive parfait.

Qu’ils célèbrent en été un événement heureux ou qu’ils aient besoin de noyer leur chagrin les arroseurs du soir pratiquent de plus en plus la mise en bière et de moins en moins le « rire jaune ». La tendance est en effet aux canettes dopées quand le Ricard n’a plus l’heur de plaire. Et si les plus âgés préfèrent la vie en rosé ils sont souvent dépassés par le sexe féminin qui adore se taper quelques petits blancs !  Le résultat reste cependant souvent le même.

Quand l’arroseur matinal s’éveille celui du soir va souvent se coucher.  Il fuit les lieux de ses exploits le plus vite possible car il sait que le soleil va singulièrement le ratatiner s’il ne se cache pas sous la couette durant quelques heures. Les belles « plantes » du soir sont elles aussi vite fanées surtout si elles ont bénéficié d’un soin particulier de jardiniers séducteurs.

Dans le Sud-Ouest de la France à Bayonne, Dax, Mont-de-Marsan et dans de nombreuses autres villes on organise même des camps d’entraînement nocturnes avec arrosages intensifs. Et ce ne sont pas des salons du jardinage mais ce que l’on appelle des ferias ! Aux abreuvoirs des bodegas on n’y distribue pas que de l’eau pour le plus grand plaisir de celles et ceux qui viennent uniquement pour picoler ou tester leurs limites.

On les retrouve à l’aube incapables de faire le trottoir jusqu’à un lit et contre les murs s’ils pissent comme ils pleurent, c’est uniquement pour éliminer.   Impossible alors de compter sur eux pour s’occuper des parterres ou des espaces verts qu’ils ont souvent piétinés toute la nuit !  Ils tournent et ils virent ivres mais plus forcément de bonheur. 

Ils rangeront leurs souvenirs dans la malle ad-hoc et quand l’heure viendra de la fin des vacances estivales et qu’il leur faudra repartir cultiver leur jardin, ils constateront amèrement qu’ils possèdent l’entraînement nécessaire pour supporter l’intense boulot du leveur de coude institutionnel ou occasionnel. Rendez-vous sera alors pris pour l’été prochain.

Il arrive parfois que parmi eux des gens bien sous tous rapports aient négligé tous les matins leurs plates-bandes ou leurs jardinières pour se préoccuper seulement de leur propre besoin en liquide nutritif du soir. Ces déserteurs des matins à rosée pour le moment plus distractif des soirées à rosé, illustrent les facettes des vacances durant lesquelles le partage reste essentiel. 

Cet article a 4 commentaires

  1. J.J.

    Le vin et la paresse
    Se partagent mon cœur
    Si l’une est ma maîtresse
    L’autre est mon serviteur

    (Figaro le Barbier de Séville)

    1. Laure Garralaga Lataste

      Les fêtes de Bayonne de cette année 2022 en sont un bel exemple… !

  2. Maryse TREZY

    Beurk le cubi … Tu m’as perdue juste là ! Mais quelle horrible invention qui ne peut héberger qu’un rosé bien cheap et qui ne peut rivaliser d’élégance qu’avec la bouteille de vin Villageoise qui fait gondoler -et il est bien le seul- son plastic à côté du barbeuk …

  3. Gilles Jeanneau

    Pour ma part, j’ai adopté depuis belle lurette une discipline particulière: né à Fronsac, haut lieu d’excellents vins rouges, je bois du rouge à chaque repas (pas plus de 2 verres) depuis les vendanges jusqu’aux premiers beaux jours…
    A partir des belles journées ensoleillées (en principe comme cette année!) je bois du rosé bien frais et j’en ai toujours une bouteille au frigo…
    Avec un petit faible pour le clairet (en particulier celui de Quinsac) qui est parait-il plus digeste!!!
    Allez bonne soirée et restez au frais.

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