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Ici et ailleurs (34) : en haut de son arbre, Eric vit heureux

Eric ne s’est jamais pris pour Tarzan même si son esprit aventureux lui a permis de surmonter tous les obstacles de la jungle de la vie. De moments difficiles en moments heureux il n’hésite pas à utiliser les lianes de son immense réseau amical pour se faufiler vers de nouvelles approches de l’existence. Usé par des gamelles plus ou moins douloureuses (et rendu philosophe sur l’avenir par un léger AVC) car il arrive que les supports les plus solides fassent défaut, il a décidé de se retirer sur son arbre. Une maison perchée autour du tronc séculaire d’un chêne entre de maîtresses branches lui sert désormais de repaire. Il y vit depuis plusieurs mois avec un sentiment de liberté bien différent du stress de la vie de château qu’il pratiquait antérieurement.

« Malgré la canicule sous la canopée et au-dessus du sol surchauffé nous sommes moins touchés » explique-t-il à ses invités. C’est légèrement plus aéré » En montant l’escalier que des amis lui ont confectionné après son accident cérébral, Eric savoure l’originalité ce qu’il considère comme un domicile privilégié. Le lieu a servi durant des années à accueillir des hôtes attirés par l’originalité de la situation d’un hébergement de qualité. Le séjour était très demandé jusqu’au jour où le propriétaire a décidé de se le réapproprier. Il y règne un bric-à-brac sympathique contraignant à pousser vaisselle et objets divers du quotidien pour se tailler une place à la table du seigneur des lieux. Mais on y est vite à l’aise. 

« Je veux vivre au plus près de la nature, au cœur de la propriété que je viens de céder à ma fille. Peu à peu je m’installe dans la durée. Je n’ai plus que trois hectares de vignes destinées à produire du clairet. Par contre je viens de planter sans aucune aide, une trentaine d’arbres fruitiers divers pour élargir le spectre des produits des terres. En ce moment il me faut les arroser tous les jours avec une citerne car ils sont encore fragiles » souligne l’homme des bois. Il consacre en effet tout son temps ou presque à protéger et à développer la biodiversité d’un site qui a été durant des décennies en monoculture de la vigne.

S’il vit heureux en haut de son arbre, il ne dédaigne pas s’installer à son pied. Là quand l’été le lui permet, il partage l’ombre bienfaisante de son chêne. Un endroit que les villageois d’Astérix adeptes des banquets auraient adopté tellement il s’y pratique le partage sous toutes ses formes. La présentation des plantes qui l’entourent, le chant des oiseaux (très discrets hier) qui occupent le toit naturel et plus encore une bouteille de clairet bien fraîche constituent le menu des rencontres qu’il suscite avec une gourmandise particulière. « Je ne me suis pas retiré du monde mais je souhaite que celles et ceux que j’estime viennent partager les bons moments loin de tous les soucis et de la pression du quotidien. » Eric a en effet toujours été un adepte convaincu de la politique de la table ouverte.

Le gîte, le couvert et les vertus de la nourriture apportée par les convives constituent les principes clés de cet espace aussi simple que possible portant l’enseigne d’une auberge espagnole. D’ailleurs sur la table on trouve la planche en bois dur destinée à couper le chorizo, le jambon, le boudin ou le saucisson séché à l’air ambiant. L’invité mesure aussi la qualité de l’accueil à un détail que l’habitué des authentiques « buffets campagnards » repère vite : le tranchant du couteau mis à la disposition des pratiquants de l’apéro improvisé pour s’en payer une tranche. 

En jouant à « convive perché », chacun se trouve vite emporté par cette convivialité oubliée des soirées dans les hameaux ou les cours de ferme. Aucune fioriture, aucun artifice, aucun confort superflu et le seul luxe réel reste le point de vue sur ce Bordeaux lointain enveloppé dans les brumes de la pollution ou des évaporation de la Garonne. Le dialogue en est facilité et les gens même s’ils ne se connaissent pas, finissent par échanger dans un cadre fruste et mais rassurant. Le sentiment de revenir à ses rêves lointains de cabane style guerre des boutons envahit toujours ceux qui comme Eric sont restés de « grands enfants ». Et nous le sommes tous un peu. 

« Je n’ai aucune prétention. Je ne suis ni un ermite, ni un Robinson Crusoé en rupture sociale. Je voudrais seulement réussir à créer un îlot de répit, de partage et de rencontre à toutes celles et tous ceux que j’aime bien. Ma fille travaille sur un projet beaucoup plus structuré avec une guinguette à l’ancienne dans l’esprit de mon chêne. J’ai constaté que les jeunes sont ébahis par des connaissances très basiques en matière de vie naturelle. C’est même inquiétant. Peut-être qu’un lieu dédié à la biodiversité du quotidien verra le jour dans l’avenir ? » Eric a toujours une idée, un projet, une invention, une utopie qui lui trottent dans la tête…C’est ce qui fait que quand l’on redescend l’escalier de sa cabane on est toujours charmé !

Cet article a 2 commentaires

  1. christian grené

    Cette histoire m’en rappelle une autre. Je me faisais appeler Henri Roubier, et toi JM tu étais Enrico Mazzini. Tu voulais conclure un accord assurant la mainmise sur les autoroutes européennes. Pour plus de précision, ça se passait au… cinéma. J’étais Louis de Funès et toi Franco Volpi. Un fil franco-italien de Serge Korber qui s’appelait « Sur un arbre perché ».
    Bof!

  2. Reynaud michel

    On ne vieillit pas par ce que l’on a vécu
    Mais par ce que l’on va vivre
    Ton ami

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