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Ici et ailleurs (46) : « Point Zéro » reflet d’une époque

Les moins de cinquante ans n’ont pas connu les étés durant lesquels les fans allaient de bal en bal pour suivre leur orchestre favori. Le nom de ces ensembles musicaux suffisait en effet à mobiliser des centaines voire des milliers de jeunes (et de moins jeunes fans de la danse) dans les lieux les plus improbables du territoire national. Dans des salles champêtres aux planches du plancher ployant sous le poids de la foule, dans des sites sous les étoiles ou dans des « dancings » réputés, défilaient sur des scènes parfois improbables les plus prestigieux musiciens. Alain fut l’un d’entre eux à la tête de « Point Zéro » entre 1969 et 1978, une période très intense d’une vie tournée d’abord vers la musique puis vers la culture.

Les rencontres, les anecdotes, les souvenirs plus ou moins glorieux foisonnent. Même si la tignasse blanche à la nimbus a supplanté celle noire et « beatelesque » des années glorieuses du show-biz, Alain a conservé une passion voyante pour ses années de « permanents » du spectacle. « Tout a commencé dans le quartier de La Bastide à Bordeaux. J’habitais à quelques centaines de mètres du collège Léonard Lenoir et de la Maison cantonale où on donnait des cours de musique. Mon père m’a inscrit au solfège puis à l’apprentissage du violon. Ce n’était pas mon instrument préféré. Loin s’en faut raconte-t-il. Un jour est arrivé un banjo et tout a changé »

Si son père passionné de country lui avait offert cet instrument avec l’espoir de le voir s’engager dans cette spécialité. « En fait il s’agissait d’une banjoline à huit cordes inutilisable pour ce type de musique. L’accord était cependant le même qu’au violon (sol, ré, la, mi) ce qui me permit de vite progresser… en mandoline chez un nouveau professeur. On était loin de mes futurs goûts musicaux » ajoute en souriant celui qui revit des débuts surtout marqués par une auto-formation avec les copains de jeunesse, dans la guitare électrique.

«J’ai réussi à trouver ma place dans ce milieu bouillonnant d’initiatives en apprenant seul à devenir arrangeur. Un job indispensable aux orchestres. J’écoutais sur un Teppaz les tubes de l’époque pour écrire ensuite les partitions pour les cuivres, les batteurs et les rythmiques. La vitesse des arrangements produits était importante pour que l’orchestre soit au plus près des succès qui sortaient dans les années soixante à flux tendu. C’est ce qui comptait dans l’attractivité de l’ensemble plus ou moins fourni des musiciens de bal » Alain évoque ses début dans les « baloches des villages » girondins dans des ensembles plus ou moins performants.

« Un jour à trois ou quatre nous avons décidé de créer notre propre orchestre. Nous n’avons pas été très élégants. Nous sommes partis avec toutes les partitions et nous avons fondé « Point Zéro ». Nous avons débuté le 4 juillet 1969 à Bourg sur Gironde. Nous avons assuré trois bals dont celui en matinée du dimanche. ». La réussite a suivi et au sommet de sa notoriété l’orchestre fort d’une dizaine de membres dont 3 chanteurs parmi lesquels le célèbre Jacky Cardona (1) avait obtenu plus de 120 contrats. Avec le concours de deux impresarii (Jean-Yves Debernard fils du célèbre chef d’orchestre et René Colle dont les musiciens accompagnèrent Patrick Sébastien) il eut vite une dimension nationale.

« Les plus beaux rendez-vous se trouvait dans le Sud-Est où nous pouvions jouer devant des milliers de personnes en été. Les organisateurs avaient l’avantage de pourvoir nous installer en plein air et souvent de proposer des bals gratuits. Il y avait beaucoup de monde aussi en Bretagne. Nous y allions souvent. Une fois nous avons effectué avec l’autocar Point Zéro une prestation à Saint-Malo pour en effectuer une autre le lendemain après-midi à… Tarbes ». Alain décrit une vie d’itinérance exigeante. « Nous nous dépêchions de plier le matériel et dormions plus ou moins longtemps. Si nous en avions le temps et les moyens nous prenions des chambres d’hôtel pour effectuer nos ablutions matinales autrement on filait directement nous installer et faire les balances »

Chaque orchestre avait ses fans qui quelques fois parcouraient de longues distances pour le retrouver. « Le public dont les mères accompagnatrices, préféraient le chanteur et les filles aussi évidemment mais certaines d’entre elles jetaient souvent leur dévolu sur le batteur. Elles revenaient donc nous voir. Les garçons ayant repéré l’éventuelle élue de leur cœur nous suivaient pour la retrouver. A force nous reconnaissions les habitués dans la foule. »

La vague des discos a eu raison de « Point zéro » à la fin des années 70. Il trouve encore quelques-uns de la soixantaine de musiciens qu’il a employé et avec lesquels il a partagé sa passion de la musique populaire. Les « grands » orchestres ont quasiment disparu en même temps que les fêtes locales. Créon a par exemple accueilli les plus célèbres pour sa « Rosière » fin 50 et tout au long des sixties… ainsi que les grands noms du music-hall qu’Alain a côtoyé. On en reparle après l’entracte demain. (à suivre)

(1) Jacky Cardona quitta Poin Zéro puis y revint avant de devenir homme de confiance de Mike Brandt. Il a été durant des décennies le speaker officiel des stades de Saint-Seurin sur l’isle et Moueix à Libourne. Sur la photo du bandeau de Point Zéro prise pour l’inauguration de la salle de spectacle de Saint-Médard en Jalles (33) en 1970, Jacky Cardona est le premier en partant de la gauche et Alain est au centre ! 

Cet article a 11 commentaires

  1. J.J.

    Jean-Yves Debernard fils du célèbre chef d’orchestre !
    Quand on organisait un bal, la compétition se jouait à ce niveau : obtenir l’orchestre Debernard était la clé de la réussite. Les organisateurs de notre bal de l’EN avaient réussi l’exploit de l’obtenir !
    Un de nos camarades jouait de la trompette dans un des orchestre de « baluches » campagnards alors à la mode. Un jour le patron l’avait interviouvé à ce sujet : -« Et quel est le nom de votre orchestre ? »
    -« Casino Musette ».
    Il a suivi un parcours opposé à celui du chef de « Point Zéro » en enseignant avec succès la musique en collège. Un jour que je me trouvais dans son fief pour le BSP, je l’ai entendu faire répéter à l’orchestre de flûtes à bec du collège « Espagna »(España pour les puristes) d’Emmanuel Chabrier, c’était impressionnant : pas une fausse note !

    1. Laure Garralaga Lataste

      @ à J.J
      Non, pas par purisme, par respect pour cette langue magnifique ! ! !

  2. J.J.

    Evidemment quand on voit la photo de « Point Zéro » avec cet impressionnant étalage de « Pattes d’Éph », ça ne nous rajeunit pas.

  3. christian grené

    Désolé Jean-Marie! Mais comment peux-tu évoquer les « baloches » qu’on fait l’été sans la moindre allusion au seul groupe qui vaille? Je veux parler de « Rock Rural » un groupe qui a connu un tel succès que ses passages à Pellegrue ont bouleversé la démographie locale. Plus fort que Mick Jagger et Jean-Louis Aubert réunis, il attire à lui les groupies comme les effets mer à la lueur des réverbères. Cardona & Point Zéro peuvent toujours espérer, Jean-Luc Goddard jamais ne leur eût voué la réalisation d’un film qui reste le marqueur de la Nouvelle Vague sur laquelle surfe toujours Pierrot le Fou.

  4. J.J.

    Et qui a entendu parler des Binuchards, le groupe de folk rock patoisant qui a allumé toutes les salles de concert charentaises et maritimocharentaises et même plus, jusqu’en 2017 ?

    1. christian grené

      Bonjour JJ! Je connais les Binuchards, j’ai même eu le privilège de partager leur repas du soir auquel ils m’avaient invité pour le papier que je leur avais écrit dans les colonnes de « Sud Ouest » quand j’étais en poste à Saintes. Mecs sympas et spectacle à la hauteur.

  5. Pierre LASCOURREGES

    Salut à tous, Le chantre du rock rural a pris un réel plaisir à converser ce matin à la terrasse d’un café créonnais avec un pilier de Point Zéro et aux côtés de l’écrivain public JMD. Ce fût l’occasion de rappeler et de prendre conscience qu’au fil des années et au gré des styles, on doit tous quelque chose à la grande famille des artistes, groupes, orchestres et musiciens. Comme une forme d’héritage. Le rock rural a connu ses heures de gloire entre 1979 et 1983. Mais , que serions nous sans tous ceux qui nous ont précédé et finalement tous les autres qui nous ont suivi?

    1. Laure Garralaga Lataste

      @ à Pierre
      Quel bon en arrière ce matin… !!! Merci pour ce retour au passé… Un peu de nostalgie, ça peut pas faire de mal !

  6. Goga Christian

    Et oui à Juvisy j’ai déplacé les chaises à la salle « jazz Club » près de la gare et aux entracte du cinéma l’Eden pour un chanteur amoureux d’Aline et des dessins sur la plage. ⛱️ 1960.
    Il ne se faisait pas encore appelé Christophe.

    1. Laure Garralaga Lataste

      @ à Gogo Christian
      … « Et oui à Juvisy j’ai déplacé les chaises »… et des montagnes ?

  7. BARTHOD PHILIPPE

    Bonjour les amis, que de souvenirs…. heureux de ma jeunesse surtout en tant que jeune musicien de bal en provenance de Périgueux et St-Astier 24110. Dans les 70’s et début 80’s, j’ai été musicien batteur chez Marcel Debernard, Jupitersun7, Raphael Musique dans lequel il y avait deux anciens de POINT ZERO c’est à dire: Raphel Faiola excellent guitariste / chanteur italien et Jacky Colombier de Villeneuve Sur Lot au piano Fender-Rhodes entres autres claviers. Aussi Jacky Cardonno bien évidement. J’ai fais des remplacements chez Tony Bram’s , Claude Nedelec, aussi chez Pierre Martin avec un certain Patrick Hernandez de Born to be Alive ! aussi 2 fois chez Michel Cursan. Mon 1er bal fût le 14 juillet 1972 à St-Astier l’ orchestre Philippe – Alain  » LES SPIDERS  » Je recherche d’anciens musiciens qui ont joué avec l’orchestre DOMINIQUE DORIS de Saint Serin Sur Isle ou Libourne je crois. Les orchestres de bal depuis milieu années 80’s sonnent plus comme dans lew 70’s quand il y avait de vrais instruments comme les Fender-Rhodes, Hammond L122 er Leslie, ELKA violonsrt synthé ARP et KORG etc… aussi les Marshall et Hiwatt custom 100, Fender Twin rev, Vox AC30 et pour la basse les Basman et Ampeg enfin les guitare Sratocaster et Les Paul. Bref un époque formidable dans la France d’avant !!! Voilà les amis  » Balochards  » c’était là la vraie école pour devenir  » PRO  » oublions pas les groupes français de  » compos « 

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