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Ici et ailleurs (52) : les villages ne font plus la fête

Les fêtes estivales qui rendaient joyeux les villages les plus modestes s’effacent lentement avec les évolutions sociales. Qui oserait encore passer sa journée au pied d’un clocher ou sur une place communale pour partager un programme à mille lieues des fastes et des délires des villes se prenant pour des « grandes » grâce à leurs moyens financiers.

Quand on inscrit maintenant sur son programme sponsorisé par des artisans, des commerçants et la supérette du coin, « concours de belote et de pétanque », « jeux pour enfants , « promenades sur le dos de pauvres poneys résignés » ou la présence de simples manèges il ne faut pas s’attendre à voir déferler les foules de plus en plus avides de sensations fortes. Ces joies simples qui ont conduit des générations à désirer un tel rendez-vous ont totalement disparu du calendrier. Mobiliser en inscrivant au bas d’un tract, « bal populaire «  relève désormais de l’événement pour sociaologue puisque plus personne ne donne la même signification au qualificatif de « populaire » et qu’ils deviennent rares. 

Oui les fêtes locales se meurent écrasées par la puissance médiatique voulant que seul l’extraordinaire ait sa place dans ce monde des apparences. En été il est pourtant excellent de se désintoxiquer flânant dans l’un de ses rendez-vous aux champs. On y retrouve en effet la vérité et la sincérité faisant tellement défaut à un monde gavé de certitudes destinées à le rassurer sur son avenir. La fameuse fête foraine n’attire que si elle offre des sensations extrêmes et inédites. Le « classique » a perdu toute crédibilité face aux outrances graphiques et événementielles des jeux vidéo ou des séries télévisées. J’ai la sensation que mon enfance festive se trouve à des années-lumière.

Dès la fin des classes nous filions découvrir les arrivées des forains pour les festivités locales. Le stand des carabines à bouchons constituait pour les « grands » de l’école élémentaire l’attraction préférée et espérée. Désormais les armes ont une toute autre allure et ne correspondent plus à la notion de jeux. La « pêche aux canards » ravissaient tout le monde des petits. Les petits papiers roulés de la tombola déposés dans une corbeille en osier offraient du rêve de poupées froufroutantes aux filles. Le plaisir de gagner dépassait la valeur du lot. La babiole devenait trésor.

Les buvettes prêtées par le fournisseur des boissons dont la fameuse bière pression avait bien du mal à convaincre la mousse blanche de lui laisser de la place dans le verre, constituaient des creusets sociaux. Si souvent certains prenaient racines devant le comptoir, ils finissaient en fin d’après-midi ou de nuit par accepter que ce soit le comptoir qui les tienne ! Il est vrai qu’au bout d’un certain temps les « petits » verres de blanc ou de rosé achevaient les plus résistants toujours prêts selon une expression célèbre, à en prendre un « dernier pour la routé ».

La fraternelle du godet tenait son assemblée générale annuelle à l’ombre d’un platane ou d’une tente fragile. Des membres actifs trouvaient toujours une bonne raison de fortifier les bilans financiers des organisateurs en consommant au-delà du raisonnable. Le « festayre » comme ils disaient dans les villes où il est bon de se fondre dans une foule exubérante jouaient le plus souvent à domicile et assumaient en solitaire la traversée du désert de leur propre vie.

Les gamins se poursuivaient en piaillant comme les martinets ne le font plus dans les cieux d’azur. Ils s’épuisaient et épuisaient par la même occasion les forces de leurs grands-parents qui ne se rappelaient plus qu’il fallait autant d’énergie pour contenir une turbulente progéniture confiée par des parents toujours au boulot. Le village exhalai un bonheur simple. Il s’offrait une cure de jouvence annuelle le sortant de sa torpeur habituelle.

Les papotages, les commérages, les vantardises allaient bon train autour du manège où chaque grand-mère devait longuement expliquer les « origines » des bambins dont elle avait la charge. Heureusement le gamin déchaîné se vengeait sur la queue de ce pauvre Mickey qui ne lui avait pourtant rien fait, s’offrant ainsi une prolongation utile à son aïeule pour résumer la vie et l’œuvre de ses parents !  Le cercle s’élargissait au fil des minutes. La durée du tour diminuait avec l’affluence réduisant la joie de la rencontre entre gens qui s’étaient perdus de vue au milieu des écueils des carrières ou simplement en traçant quotidiennement leur chemin de leur vie sans se voir ou se connaître !

Le silence de la belote dans la salle dite des « fêtes » où se pratiquait allègrement le langage des signes, tranchait avec cette agitation et ces bavardages extérieurs. On y fendait allègrement le cœur des autres ou on y abattait ses atouts avec un sentiment de toute puissance inconnue le reste du temps. Le valet devenait maître du tapis par le simple choix de celui qui décidait quand son tour était venu du sort de sa famille. Les triomphes restaient modestes même si un sourire jubilatoire discret accompagnait des « capots » ou des « coupes » sombres dans le budget putatif des adversaires. Certains jetaient un regard discret anticipé sur les jambons encore emmaillotés promis au couple vainqueur ou aux bouteilles alignées offertes par les viticulteurs locaux.

Il fallait cependant en finir très vite car la race des « beloteurs-pétanqueurs » ayant « les boules » d’avoir perdu souhaitaient après un apéro prolongé, tenter un « carreau » sur les allées transformées en terre d’asile pour cochonnet! Là le silence se respectait avec autant de discipline, laissant le bruit sec des tueries des tireurs d’élite percer l’air pour construire des victoires cruelles.

Les explications duraient jusqu’à 20 heures avec ses défis entre personnes se connaissant bien mais ne se voulant pas nécessairement du bien ! On dégringolait au fil des échecs du concours principal vers la consolante et la complémentaire ou on filait vers une finale qui n’aurait rien à envier à celle du mondial engendrant un passage, après la prise d’une ou deux coupes, vers la buvette !

La fête « locale » c’était une sono qui braillait des tubes oubliés. On y usait ses semelles en couple ou seul sur le béton ou l’enrobé d’un salle de bal dont la boule planétaire géante répandait ses éclats dans un ciel ouvert. Pour peu que la soirée soit douce plus personne ne pensai au fléau du temps qui s’enfuyait…pour retourner vers les étés de l’enfance.

Cet article a 3 commentaires

  1. christian grené

    En voiture Simone! Même la nostalgie n’est plus ce bel été…

  2. Gilles Jeanneau

    Oui, magnifique billet sur ce que les vieux comme nous ont connu. Quelle chance quand même!
    A Sainte-Terre, les fêtes locales s’étalaient du Samedi au Lundi du week-end précédant le 14 juillet avec en apothéose la course cycliste du Lundi après-midi qui réunissait les meilleurs amateurs de la région…
    Que de bons souvenirs et notamment la voix de Dario Moreno qui chantait en boucle ses tubes de l’époque pendant la fête foraine, ses autos tamponneuses et ses montagnes russes!!!

  3. Laure Garralaga Lataste

    Pour mon ami Christian…
    Souvenirs, souvenirs
    Je vous retrouve en mon cœur
    Et vous faites refleurir
    Tous mes rêves de bonheur…
    Et pour mon ami Gilles…
    Dario Moreno qui n’était pas Espagnol mais Turc !  » Me que me que… Me qu’est ce que c’est… C’est l’Histoire d’un grand amour… »

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