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L’eau devient de plus en plus précieuse

Répéter que la ressource en eau constitue, au moins autant que l’énergie, le sujet essentiel pour l’avenir de l’humanité conduit à être traité de radoteur ou de pessimiste invétéré. Tant qu’elle coule au robinet et que l’on n’a pas reçu sa facture, il ne s’agit que de problèmes réservés aux pays des zones désertiques. Le réchauffement climatique a mis en évidence la raréfaction des eaux de surface mais pour celles qui alimentent les réseaux de distribution le mal est beaucoup moins perceptible. Le lien entre les deux ne saurait être ignoré malgré le fait que le temps joue un rôle essentiel pour que l’on puisse récupérer dans nos verres ce que le ciel déverse de moins en moins sur nos têtes.

En fait le vrai débat doit concerner les nappes profondes puisque c’est là que les forages vont chercher l’eau potable dont nous ne pouvons pas nous passer. Une personne en France utilise dans la réalité tr-s peu de ce qui coule de son robinet pour satisfaire ses besoins essentiels. En 2020 la consommation moyenne se situait à 149 litres par jour et par Français (410 l pour une famille de ‘ personnes). La répartition ne contribue pas nécessairement à valoriser ce que l’on considère comme l’élément vital dont tout le monde sur la planète ne bénéficie pas.

Ainsi 39 % de la consommation concerne…les chasse d’eau de WC, 12 % pour l’entretien du linge ; 10 % pour la vaisselle : ce trio représente près des deux tiers de la facture quotidienne. Il ne reste que 6 % pour la préparation des repas et 1 % (au moins!) pour la boisson ! Et c’est ce 1,5 litre par personne qui pose justement des problèmes de qualité. Tous les autres usages pourraient être considérés comme adaptable avec d’autres sources d’approvisionnement. Or si dans le domaine de l’énergie il existe des incitations à adapter ses habitudes, à récupérer ce qui peut l’être, à économiser rien n’est fait institutionnellement pour l’eau.

On offre des composteurs pour les bio-déchets. On incite à installer du solaire. On prône l’abandon des énergies fossiles pour la mobilité. On inscrit dans la loi des finances publiques des déductions fiscales pour l’isolation et rien n’existe pour la récupération des (de plus en plus rares) eux de ruissellement. Comme le veut la gouvernance actuelle on attendra la pénurie qui approche chaque année un peu plus pour pondre en catastrophe des mesures restrictives ou punitives. Le prix du mètre cube « tous usages » va exploser très rapidement car il faut régler un problème négligé depuis trop longtemps : celui des fuites sur le réseau (20 % en moyenne).

Si l’on considère que l’accès à une eau potable de qualité constitue un droit essentiel pour tout être humain il faut essentiellement sécuriser qualitativement l’approvisionnement. Or une enquête du Monde révèle ainsi que 12 millions de Français, soit environ 20 % de la population vivant en métropole, sont soumis à une eau du robinet non conforme aux critères de qualité. Ce n’était que 6 % en 2020. Rappelons cependant qu’un eau non conforme n’est pas nécessairement un eau toxique selon la nature des dépassements constatés.

Toutes les investigations effectuées arrivent au même constat. Le danger se situe non pas dans des taux d’éléments naturels supérieurs aux normes européennes (peu respectées dans bien des pays de l’UE) mais dans l’arrivée de traitements de surface aux produits chimiques. Dans la métropole selon l’émission Compléments d’enquête de hier soir « les autorités sanitaires ont constaté un dépassement de la quantité d’une ou plusieurs molécules de pesticides ou de leurs métabolites, au-delà du seuil réglementaire. (…) Cela représente 12 281 dépassements entre janvier 2021 et juillet 2022, touchant 8 959 communes ».

L’argument du Ministère de la santé reste le même : « On ne connaît pas exactement les conséquences pour l’organisme puisque les effets à long terme sur la santé d’une exposition à de faibles doses de pesticides sont difficiles à évaluer ». Il ne reste alors qu’une solution en cette période de chute du pouvoir d’achat : acheter de l’eau réputé pure en bouteille. Le prix ne cesse de grimper. Un tiers des Français ne boivent que de l’eau minérale dont les paramètres sont souvent au-delà des normes de potabilité (traces de pesticides mises à part)… et dépensent des sommes qui ne sont pas négligeables.

Ainsi une étude (sur la base des prix d’avant la crise) indique qu’un foyer de 4 personnes boit 2 190 litres d’eau dans une année de température normale. Si cette famille achète de l’eau de source ses achats représentent (au prix le plus bas) environ 330 € par an. Si elle opte pour de l’eau minérale on atteint près de 1000 €… Si cette famille achète une carafe filtrante et consomme exactement la même quantité sa dépense avoisinera les 8 € annuels. Des constats à méditer. Reste à régler tout le reste des consommations… le chantier est immense !

Cet article a 6 commentaires

  1. J.J.

    80 litres d’eau par jour et par personne en 2021, et nos vêtements et nous mêmes sommes propres. Ça doit être possible de faire des économies là dessus, mais il faut faire attention.
    Non, je ne suis pas Cosette, mais dans mon enfance j’ai dû traîner des seaux et arrosoirs, d’eau. Surtout en hiver c’était encore plus pénible, ça m’a donné des habitudes d’économie.

  2. Gilbert SOULET

    L’eau, bien sûr !
    N’oublions pas L. PASTEUR qui aurait dit : le Vin est la plus hygiénique et la plus saine des boissons; Et n’oublions pas les vignerons …
    Gilbert de Pertuis

  3. Bruno DE LA ROCQUE

    D’entrée de texte, Jean-Marie, je me permets d’apporter une précision. Tu écris « … il ne s’agit que de problèmes réservés aux pays des zones désertiques. » et c’est vrai mais ce n’est pas « que ». Il y a des régions du monde où l’eau n’est pas absente, mais elle est insalubre. D’où bien des combats d’ONG diverses pour « l’accès à l’eau… potable ».

  4. Bruno DE LA ROCQUE

    Voilà, j’ai lu, tout lu. C’est très intéressant et sacrément documenté et quantitativement analysé. J’ai posté hier sur mon actualité fesse-bouc l’article en ligne de franceTVinfo [https://www.francetvinfo.fr/sante/environnement-et-sante/infographies-ce-que-l-on-sait-des-residus-de-pesticides-dans-l-eau-du-robinet-de-milliers-de-communes-et-des-incertitudes-sur-leur-toxicite_5360212.html] car, factuel, je l’ai trouvé objectif (retour à mon passé professionnel…).
    Par ailleurs, tu mentionnes bien la récupération des eaux de ruissellement. Et là, en agriculture, on ouvre un dossier sacrément chaud, controversé, celui des « retenues collinaires », des « bassines », des barrages de retenue (Sivens, Caussade…). J’ai lu tout et son contraire au sujet des bassines (Deux-Sèvres, Vendée, Charente-Maritime) et pas seulement en termes de « convictions » (euh… idéologiques) mais en arguments de nature scientifique : pédologiques, hydrologiques. Je préfère ne pas être préfet, ni ministre de l’environnement et ministre de l’agriculture face à ces controverses. Toujours est-il que laisser filer les tonnages d’eaux pluviales des saisons pluvieuses est aberrant alors qu’en été les cultures (alimentaires entre autres) manqueront d’eau…

    1. J.J.

      « Toujours est-il que laisser filer les tonnages d’eaux pluviales des saisons pluvieuses est aberrant alors qu’en été les cultures (alimentaires entre autres) manqueront d’eau… »
      En apparence, ça semble logique, oui, mais il faut voir un peu plus loin, ce ne sont pas les eaux courantes qui sont puisées mais surtout celles des les nappes. Et de plus, par exemple le taux de salinité augmente considérablement dans les pertuis(pas celui de Gilbert !), au grand dommage des ostréiculteurs, la baisse de niveau dans le Marais Humide avec les conséquences sur les écosystèmes et l’économie locale, etc.. En outre il se produit une évaporation phénoménale (surtout avec un été comme celui de 2022) à partir des bassines a ciel ouvert, un perte sèche, si je puis dire.
      Donc peut être chercher des solutions intermédiaires et ménager la chèvre et le chou au lieu d’envoyer les gendarmes.

  5. Philippe Labansat

    Merci d’évoquer ce sujet, Jean-Marie.
    C’est effectivement un sujet vital. J’ai la conviction que les pires conflits et surtout les pires guerres à venir seront les guerres pour l’eau.
    Le thème est trop négligé par les politiques, trop souvent méconnu par la population.
    Perso, j’ai milité activement et associativement et sur ce sujet.
    Avec les copains et copines, on peut dire que l’on a cotribué à la mise en place de la tarification progressive de l’eau à Libourne, du temps de Gilbert Mitterrand.
    Au niveau du bassin versant, nous avions constitué un collectif associatif très large jusqu’en Poitou-Charente, en Occitanie…
    Au bout du bout nous nous sommes heurtés au politique – M. Martin Malvy pour ne pas le nommer, dont la position était à peut près  » Moi vivant, votre collectif associatif ne rentrera pas dans l’assemblée de l’Agence de l’eau Adour-Garonne « .
    Bien sûr, la FNSEA, par contre, avait droit au tapis rouge et nul doute que tout cela a contribué au drame de Sivens.
    Pour les « bassines », il faut arriver à comprendre que l’eau qui retourne dans le sol ou à la rivière, n’est pas « perdue ». Elle re-rentre dans le cycle de l’eau, humidifie les sols (avez-vous remarqué que l’on voit de moins en moins de rosée, et ce n’est pas qu’un problème poétique), entretien des biotopes indispensables. Il y a toute une littérature passionnante là-dessus, qui explique en quoi c’est très important et donc, en quoi les  » bassines  » sont une fausse bonne idée.

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