You are currently viewing Le mouvement associatif sur des bases trompeuses

Le mouvement associatif sur des bases trompeuses

Lentement mais inexorablement on assiste à une mutation et un délitement de la vie associative locale. Les deux années durant laquelle les activités ont été suspendues ou annulées n’ont pas pesé sur les licenciés et les adhérents mais ont clairsemé les rangs des indispensables animateurs bénévoles. Le constat suivant encore plus pessimiste concerne la baisse du pouvoir d’achat et la crainte du retour de la pandémie. Même si rien n’est encore catastrophique les réunions des instances dirigeantes sont moins suivies et l’encadrement des activités pose quelques problèmes.

La notion d’engagement sur une période assez longue s’étiole. Si l’on veut bien « donner un coup de main ponctuel » ou un soutien « occasionnel », nombreuses et nombreux sont celles et ceux qui renoncent à une prise de responsabilité à court ou moyen terme. Dans un tel contexte on retrouve souvent les mêmes qui s’épuisent à colmater les brèches apparues au fil des mois. Il y a en effet une grande différence entre la participation active et l’acceptation d’une tâche de dirigeant. Le fossé s’agrandit dans les associations ayant une gestion de personnels, des fonds publics ou de manifestations comportant des risques en matière de sécurité.

Dans le contexte social et sociétal actuel les structures proposant des services au public doivent faire face à une exigence de consommateurs ne cherchant pas un seul instant à comprendre les modalités de gestion permettant une réponse à leurs besoins. Ce phénomène provoque des ravages tant il décourage l’investissement citoyen. Cette dichotomie entre consommation » et « citoyenneté » s’accentue dangereusement. Elle st à la base de l’évolution désastreuse de notre système politique.

Désormais selon la valeur essentielle d’une société libérale seul l’intérêt compte. Quel intérêt ai-je à m’engager dans le monde associatif ? Quelle retombées personnelles puis-je espérer ? Quelle reconnaissance ai-je en point de mire ? Les valeurs de la solidarité dans l’action, la satisfaction de l’apport fait aux autres, de la mise en œuvre de principes humanistes s’effacent au fil des années. Certes on constate une nouvelle affluence d’enfants dans les clubs des sports les plus médiatisés mais elle n’est en rien la résultante d’une prise de conscience du bienfait de la pratique collective. Il en va de même dans les apprentissages culturels.

De manière générale deux approches progressent : l’une voulant que l’intérêt général se définisse comme somme hétéroclite des intérêts particuliers ; l’autre transformant le coté constructif de l’action associative en approche contestataire occasionnel ou d’opposition véhémente à toute initiative publique. Certes il s’agit de la liberté d’agir mais le basculement doit inquiéter pour la vie démocratique. Les syndicats ayant perdu leur image d’intérêt collectif et les partis étant transformés en pépinières électorales ou de préservation du rôle médiatique de ses dirigeants l’expression des revendications s’organise différemment.

Les forces de progrès ne s’intéressent guère à la situation du véritable monde associatif. Elles le voit trop souvent comme peuplés de concurrents ou animé par des personnes suspectes. Les relations entre les collectivités réputées favoriser le lien social ou la citoyenneté reposent uniquement sur les volets financiers. Il existe pourtant un document essentiel qui avait été élaboré dans le mandat de Hollande par toutes les parties prenantes mais qui a été oublié alors qu’il posait les fondements entre elles.

« La charte des engagements réciproques entre l’État, le mouvement associatif et les collectivités territoriales », alors que s’annonce de graves difficultés financières pour les communes, les communautés de communes et les départements, revêt une importance cruciale. Si l’on veut conserver les vertus républicaines d’un réseau citoyen laïque ayant disparu dans les quartiers sensibles, les zones rurales, les établissements d’enseignement il est urgent d’agir. Et ce n’est pas qu’une question de crédits mais une mission politique essentielle : c’est une vraie décision politique. 

Le chiendent des l’obscurantisme pousse sur les jachères de la vie collective. Et comme les tenants du profit partout et tout le temps, ne tolèrent pas par exemple l’économie sociale et solidaire ou l’action bénévole, le mal s’aggrave. Lentement le périmètre des associations Loi 1901 s’amenuise et Bruxelles y a été pour beaucoup ! Les initiatives de groupes privés dans le médico-social, le social, la santé conduisent à détruire par la privatisation lucrative l’esprit associatif initial. La différence se réduit ! 

Cet article a 5 commentaires

  1. J.J.

    « Quel intérêt ai-je à m’engager dans le monde associatif ? Quelle retombées personnelles puis-je espérer ? Quelle reconnaissance ai-je en point de mire ? »

    Personnellement ce ne sont pas ces arguments qui m’ont poussé principalement à m’engager dans des actions associatives, mais je l’ai fait en remerciement, en reconnaissance de ce que les associations ou institutions m’avaient apporté, ou auraient pu m’apporter si j’avais été en mesure d’en bénéficier. Je m’y sentais engagé par devoir de reconnaissance, estimant que je devais aux générations futures ce que les autres m’avaient procuré. Je sais, c’est idéalistement naïf et bête !

    Mais est ce que les générations actuelles peuvent être sensibles à ce genre d’argument pour avoir bénéficié des mêmes bienfaits que nous ?

  2. Laure Garralaga Lataste

    « Quel intérêt ai-je à m’engager dans le monde associatif ? Quelle retombées personnelles puis-je espérer ? » … deux questions que je ne me suis pas posée lorsque je me suis engagée !

  3. Laure Garralaga Lataste

     » on constate une nouvelle affluence d’enfants dans les clubs des sports les plus médiatisés …  » Je prendrai pour exemple le foot… L’objectif que les familles mettent dans la tête de leur progéniture n’est-il pas celui qu’elle devienne… un Zidane, un Mbappé ou un Messi… !

  4. Laure Garralaga Lataste

    Je partage à 100% cette notion de l’urgence… à relancer  » « La charte des engagements réciproques entre l’État, le mouvement associatif et les collectivités territoriales »… Et en espérant qu’il ne soit, hélas, pas trop tard !

  5. facon jf

    Bonjour,
    le secteur associatif combien de divisions ? ( « Le Pape, combien de divisions ? » J. Staline).
    On estime à 1 500 000 le nombre d’associations actives en France.
    113,3 milliards d’euros, soit environ 3,3 % du PIB français : tel est le budget cumulé des associations actives, en évolution annuelle moyenne de 1,6 % entre 2011 et 2017.
    Seules 10,6 % des associations ont eu recours à de l’emploi salarié, soit 159 000 associations.
    À elles seules, elles emploient 1 850 000 salariés, à temps plein ou partiel.
    En progression de 2,4 % entre 2011 – 2017, tandis que la masse salariale a augmenté de 11,1 % sur la même période.
    En outre, les associations utilisent les compétences de près de 22 millions de bénévoles actifs.
    Elles ont bénéficié de 31 272 000 participations bénévoles représentant un volume de travail bénévole de l’ordre de 1 425 000 emplois en équivalents temps plein (ETP).
    La croissance en volume du bénévolat est de l’ordre de 4,9 % par an, ce qui est considérable.
    A première vue le secteur se porte bien, mais voila dans un verre de bière il peut y avoir peu de liquide et beaucoup de mousse. Le secteur associatif à de tous temps été considéré comme un lieu d’échange effervescent, donc les mesures historiques pour encadrer ou interdire ces mouvements remontent pour la période historique à la révolution de 1789. L’Assemblée nationale consacre d’abord pleinement « le droit de s’assembler paisiblement et de former entre eux des sociétés libres, à la charge d’observer les lois qui régissent tous les citoyens. », par la loi du 21 août 1790.
    Avec l’abolition des privilèges qui supprime les financements publics et avantages fiscaux et suite à des troubles ouvriers et la montée des revendications salariales l’Assemblée nationale dissout toutes les communautés religieuses, d’habitants, de métiers, les collèges, les hôpitaux, les confréries charitables, les congrégations, qui étaient innombrables, et interdit, par le décret d’Allarde (2 et 17 mars 1791) et la loi Le Chapelier (14 juin 1791), de reformer des associations d’ouvriers ou d’habitants pour défendre leurs intérêts collectifs.
    De ce fait, la révolution porte un coup de grâce au monde associatif même si la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 évoque dans son article II, la notion d’association, c’est pour parler d’« association politique » dont « le but est de conserver les droits naturels et imprescriptibles de l’homme », pas du tout d’associations d’intérêt privé, éducatives, culturelles, charitables, ou cultuelles, qui vont rapidement être proscrites. Il faudra attendre le 22 mars 1884, pour que Waldeck-Rousseau, autorise la constitution libre des syndicats professionnels et abroge ainsi définitivement la loi Le Chapelier. En 1899, Pierre Waldeck-Rousseau, alors Président du Conseil, Ministre de l’Intérieur et des Cultes dépose le projet de loi qui aboutira à la loi du 1er juillet 1901.
    Celle-ci votée en 1901, au terme d’une longue bataille parlementaire, la loi « relative au contrat d’association », cette loi consacre le droit à toute personne en mesure de contracter de s’associer sans autorisation préalable. En faisant du droit de s’associer un contrat, la loi garantit que l’appartenance à une association reste tributaire du consentement de chacun. Les seules limites concernent « un objet illicite, contraire aux lois, aux bonnes mœurs, ou qui aurait pour but de porter atteinte à l’intégrité du territoire national et à la forme républicaine du gouvernement ».
    En 1905 un régime spécifique est créé pour les associations religieuses par la loi de Séparation des Églises et de l’État.
    Le poids politique, économique et social du secteur associatif est un déterminant de notre société et bien entendu il est l’enjeu crucial des gouvernements.Le législateur ne se prive pas pour encadrer le secteur 3 lois récentes ont été promulguées loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire et ordonnance du 23 juillet 2015 portant simplification du régime des associations et des fondations, loi « Égalité et citoyenneté » du 27 janvier 2017, la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République constitue une loi essentielle pour les associations, et, au-delà, pour l’ensemble des organismes sans but lucratif. Mais à rebours des dernières lois ayant modifié le droit des associations, qui visaient, pour l’essentiel, à renforcer les associations et à simplifier leur fonctionnement, le nouveau texte, voté dans un contexte de lutte contre le séparatisme, entend renforcer le contrôle de l’État sur les associations dans leur ensemble, et, au-delà, l’ensemble des organismes sans but lucratif.
    Voila pour notre pays, si l’on considère l’ UE on voit bien que le courant politique majoritaire est libéral et une société libérale refuse la constitution de contre pouvoir politique et économique. Donc la politique de l’UE, sans le dire clairement, s’oppose aux systèmes associatifs où les intérêts économiques ne sont pas au centre des préoccupations. De plus, (rejoignant les craintes historiques) l’UE libérale se méfie du regroupement de citoyens contestataires grippant les rouages d’une société orientée sur le profit.
    En fait, la crise actuelle du bénévolat c’est pain béni pour les libéraux qui voient ainsi un système concurrent s’effriter de l’intérieur. Encore un peu de patience et de battage merdiatique et les 113,3 milliards d’euros, soit environ 3,3 % du PIB français tomberont comme un fruit mur dans leurs poches.
    bonne journée

Laisser un commentaire