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Le « Mundial » pédale dans la semoule (3)

Les débuts de la France ont été pour le moins difficiles au cours de ce Mondial espagnol de 1982 Une lourde défaite (1-3) face aux Anglais dans le stade de San Mames à Bilbao a refroidi les supporteurs d’une équipe à la recherche de son équilibre et ayant bien besoin de se rassurer. Le 21 juin à Valladoïd l’enjeu est donc déjà capital face au Koweït qui n’a pas encore disputé une Coupe du Monde. Cette équipe a cependant brillamment entamé la compétition par un surprenant match nul 1-1 contre la République tchécoslovaque, avant d’être au cœur d’un scandale important, probablement celui qui aura le plus marqué l’histoire des Coupes du monde !

Comme le voulait les principes de la distribution des rôles entre envoyés spéciaux, André Noguès présentera dans le journal du 21 juin l’équipe de France et il appartiendra à son partenaire de trouver un angle d’attaque pour évoquer les forces et les faiblesses des adversaires. Une tâche délicate quand il s’agissait du Koweït pays dans lequel les liens entre journalistes et joueurs n’étaient pas très simples à établir. Le chef de service qui nourrissait une affection méfiante pour Sancho Grené qu’il considérait comme imprévisible , attendait les propositions venant de Valladolid.

Elles arrivent en début d’après-midi : «  je sors de l’hôtel des Koweïtiens ! » Cette affirmation souleva un brin de scepticisme car même si les règles de sécurité étaient moins drastiques que maintenant il était difficilement imaginable que le staff d’une équipe jouant un match important accepte l’intrusion de journaliste dans son refuge.

« J’ai pris la voiture de Sud-Ouest avec un collègue emblématique de Ouest-France Roger Glémée et nous sommes partis vers leur lieu de résidence perdu dans la campagne sans grand espoir d’obtenir une entrevue. Notre première surprise en fin de matinée fut de constater que nous étions seuls… Pas une caméra, pas un micro et pas un stylo ! Les Koweïtiens n’intéressaient personne. Nous avons demandé l’attaché de presse qui est arrivé en costume traditionnel….tout surpris de voir deux Français s’intéresser à leur équipe
– Vous pouvez entrer, à une seule condition c’est d’accepter le respect de nos traditions et l’une d’entre elles consiste à partager en amis le repas avec nous ! »
– D’accord ! Pas de problème ! »

Christian Grené accepta sans sourciller et se retrouva en fait seul journaliste accrédité sur le Mundial admis au repas de la délégation Koweïtienne puisque Roger Glémée déclina l’offre.

L’envoyé spécial de Sud-Ouest partagea en chaussettes, assis en tailleur sur de grands tapis face à de grands plats de semoule avec le mouton qui étaient au menu du jour. « Durant toute mon enfance ma mère m’avait interdit de manger avec les doigts et là j’étais contraint de le faire… Drôle d’impression ! Le pire pour moi, habitué, à l’époque, à la consommation d’un liquide jaune très présent au sein de la rédaction du journal, résida dans la boisson : du lait de chamelle ! La pire épreuve » avoue-t-il rétrospectivement ! Il produisit donc un papier exceptionnel et unique sur l’équipe qui montrerait un tout autre visage, moins sympa, durant le match du lendemain.

Les Bleus méfiants et motivés prirent rapidement les devants, et menèrent 3-0 peu après la mi-temps, avec des réalisations de Genghini, Platini et Six. A un quart d’heure de la fin, le Koweït sauval’honneur par l’intermédiaire d’Al Buloushi. Fahid Al-Ahmad Al-Sabah, frère de l’émir du Koweït et président de la Fédération de football, entrevit une possibilité pour son équipe de revenir dans le match.

Il abandonna tout espoir quand la 78ème minute, Alain Giresse se présenta seul face au gardien, qu’il trompa facilement. La France menait alors 4-1… C’était plié! André Nogués prudent et soucieux de ne pas mettre le journal en retard était déjà au téléphone avec la sténo référence de Sud-Ouest Melle Saint-Raymond ! Il ne savait pas encore que le résultat passerait au second plan car un incident mythique allait se produire.

D’après Al-Sabah, les défenseurs koweïtiens auraient été déconcentrés par un coup de sifflet venu des tribunes. Fou de rage, l’émir descendit sur le terrain, et s’en prit à l’arbitre soviétique, Miroslav Stupar. Ses joueurs refusèrent de reprendre le jeu. Sous pression et complètement dépassé par les événements, l’homme en noir écouta le cheikh et décida d’annuler le but parfaitement valable! Hors de lui, Michel Hidalgo, fulminait et en vint presque aux mains avec la police espagnole obligée d’intervenir pour lui faire quitter le terrain où il avait bondi dès l’annulation du but.

Après un bon quart d’heure d’interruption, durant lesquelles les militaires de la Guardia Civil, les joueurs, les officiels et les techniciens de la FIFA négocièrent, le match reprit. La France se fit justice car quelques secondes plus tard, Maxime Bossis inscrivit le quatrième but qui scellait le résultat ! Pourtant le plus dur commençait pour les journalistes !

Les images firent le tour du monde ! Le scandale sportif prit de l’ampleur… et la foule des envoyés spéciaux se précipitèrent à l’hôtel des Koweitiens où… la porte était close et les Français plutôt malvenus. Sud-Ouest restera à jamais le seul média au Mundial espagnol à avoir pu les approcher dans leur intimité ! Après ce fut plus jamais le cas. Sancho Grené ne mangea plus de semoule avec eux !

Cet article a 8 commentaires

  1. J.J.

    On avait tout de suite compris de quel côté Sancho pencha…

    1. Laure Garralaga Lataste

      @ à mon ami génial…J.J.
      « Cette écriture épurée d’Attila…
      Point de repousse trouvera… ! »

      J’ai fait ce que j’ai pu…: à l’impossible nul.le n’est tenu.e

    2. christian grené

      Bonjour J.J. Toujours aussi drôle, mais tu ne sais pas à quoi le jeune homme au sang chaud pensa?

  2. J.J.

    La traversé de la Manche est longue et monotone (surtout quand on tient des propos décousus). Je ne sais plus à quoi j’ai pensé après, mais j’avais pensé aux moulins avant.

    1. christian grené

      Bravissimo. Et maintenant, on joue. Anagramme, pic épique, école et gramme.
      Miguel de Cervantès Saavedra?
      « Et Sancho allait cheminant et mangeant derrière son maître Don Quichotte, très confortablement et de temps à autre il levait sa gourde avec tant de plaisir que le plus raffiné gargotier de Malaga aurait pu l’envier. Et du moment qu’il allait ainsi multipliant les gorgées, il considérait comme de tout repos d’aller à la recherche des aventures, si dangereuses soient-elles et… »
      De cavaler au vent des mirages.

      1. Pierre LASCOURREGES

        Boire ou écrire, il faut choisir. Mais, il faut aussi savoir faire les deux. Même en…District!

        1. Laure Garralaga Lataste

          @ à mon ami Pierre (qui n’est pas mon mari…)
          En lisant le début… j’ai crains le pire…
          Mais moi qui ne suis pas en District…
          Je t’affirme savoir faire les 2 !

      2. Laure Garralaga Lataste

        @ Coucou amigo christian…
        Mon Sancho… allait à la recherche d’aventures… !!! ???
        Jamais… ¡ Jamás y ojalá para él ! et heureusement pour lui !…puisque mon « œil de garde » reste bien vivant…
        Dur, dur avec les femmes… Et avec les Espagnoles…
        « ¡ no te digo… ! »

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