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La fée lumineuse va se muer en sorcière obscure

J’ai en mémoire, alors que j’usais mes culottes courtes sur les bancs artisanaux de l’école du Bourg de Sadirac, le titre d’une Bibliothèque du Travail de la pédagogie Freinet intitulée «Électricité de France » (1) qui initiait aux mystères d’une énergie longtemps considérée comme magique. D’ailleurs ce n’est pas pour rien que depuis le début du XX° siècle elle avait reçu le label de « fée ». Avec l’eau courante elle enchantera les zones rurales représentant même avec une malheureuse loupiote dans une pièce de vie d’une maison une avancée considérable sur les sentiers du progrès.

Il serait vraiment illusoire de tenter de persuader les générations actuelles qu’il y a encore quelques décennies des habitations ne connaissaient par l’enchantement de la lumière électrique. Il a fallu que les collectivités locales réunies en syndicats d’électrification au cours des années cinquante déploient des kilomètres de réseaux ensuite exploités par EDF pour que les bienfaits de ce qui représentait une avancée technique considérable enchantent les hameaux.

Là encore une Bibliothèque du travail fournissait avec la description du gigantesque barrage de Donzère Mondragon (2) une explication considérée comme phénoménale de la naissance de ce courant qui illuminait l’avenir. Dans les cuisines les éclairages réglables appelés « monte-et-baisse » avec leur poire en porcelaine garnie de grenaille démontraient la maîtrise qu’avaient la maîtresse ou le maître des lieux sur la luminosité accompagnant le repas. Nul se savait d’où venait la « fée » mais elle était là et avait changé le cours de la vie quotidienne.

Désormais elle est devenue indispensable et nul n’imagine vraiment ce que pourrait être une société sans électricité. La consommation n’a jamais cessé de croître. Il faut produire toujours plus, ce qui est devenu possible avec l’utilisation du nucléaire. Nul ne saurait imaginer qu’un jour se produise une panne du type de celle qui le 14 août 2003 soit il y a un peu moins de vingt ans plongé dans le noir absolu le Nord Ouest des USA et la province canadienne de l’Ontario. Commencée par le mise en sécurité d’une seule ligne touchant des branches d’arbres elle avait provoqué l’effondrement total d’un réseau privatisé et mal entretenu.

Chez nous quand les événements climatiques majeurs engendrent des coupures provisoires par la destruction des lignes de desserte ou même des microcoupures les protestations fusent de toutes parts. Mon souvenir personnel de la tempête de la fin de l’année 1999 reste au rayon de la pire période des mes mandats de maire. Tout à coup une vision d’invulnérabilité du monde moderne disparaissait. Agressions et menaces verbales et un climat détestable où le chacun pour soi l’emportait sur la gestion raisonnée d’une crise majeure. La panne est inadmissible !

Les annonces de coupures dues à la surconsommation liée aux usages massifs pour le chauffage en période froide provoquent déjà des inquiétudes dans la société du confort « garanti » par abonnement ou contrat. Dans tous les Ministères c’est l’affolement car ce qui n’était qu’une hypothèse devient une certitude : il faudra délester pour éviter des effets collectifs qui généreraient une perte de crédibilité désastreuse pour le pouvoir en place. Imaginons un instant que la France découvre la terrible réalité ukrainienne durant quelques heures !

La cause essentielle tient au retard pris dans l’entretien ou la réparation des centrales nucléaires tant haïes durant des années et qui deviennent indispensables en période de demande forte de leur production. Aujourd’hui, selon le bilan électrique de 2020 de RTE, l’alimentation énergétique dépend à 67,1% de l’énergie nucléaire. Pour des questions de sécurité nationale, les centrales font l’objet de maintenance suivant un calendrier précis.

Cependant, la succession de confinements a fait prendre du retard aux opérations de maintenance. Certaines auront finalement lieu pendant la période hivernale et sur les 56 réacteurs que compte le parc français, entre 5 et 15 centrales ne seront pas en mesure de fonctionner durant les mois à venir.

Le quotidien risque, si les coupures existent (ce qui n’est pas certain si le réchauffement climatique sauve les meuble) le catalogue des conséquences est assez impressionnant : trains, tram, métro au ralenti ou arrêtés ; écoles fermées le matin (sic) ; signalisation routière éteinte ; éclairage public occulté ; ascenseurs en panne (rien d’extraordinaire selon les endroits) ; pylônes de télécommunications non alimentés ; réseaux d’eau potable incertains et stations d’épuration en carafe ; baisse de tension généralisée par secteurs.

La fée électricité se muera en sorcière montrant une fois encore que les privatisations des services publics n’ont jamais accompli de miracles. Bien au contraire : le démantèlement ou le dépeçage d’EDF conduit à la précarisation nationale d’un pays au bord de l’obscurité.

(1) BT n° 255

(2) BT n° 166

Cet article a 12 commentaires

  1. J.J.

    « Cependant, la succession de confinements a fait prendre du retard aux opérations de maintenance. »
    Belle excuse pour masquer la gabegie qui règne dans les marchés d’entretien des centrales ( et même de leur construction : voir les splendides performances des constructeurs de l’EPR de Flamanville).
    J’ai lu, il y a déjà longtemps un rapport sans concession sur cette activité. Il fut un temps où l’entretien des centrales été assuré par des techniciens expérimentés d’EDF (des fonctionnaires !) Ils sont priés maintenant de superviser, de loin, les travaux.
    D’aucuns ont jugé bon de confier ces petits bricolages sans importance à des personnels d’entreprises privées employant du personnel temporaire, parfois sans réelle qualification, mais bien moins couteux, et permettant probablement à certains de se remplir les fouilles au passage.
    De surcroit, malgré toute la bonne volonté des intervenants, il arrive paraît il assez souvent que les pièces à remplacer font défaut(phénomène courant dans tous les domaines, carence du nécessaire, malgré l’abondance du superflu voire de l’inutile).

    Évidemment tout cela relève du complotisme le plus radical, et pourtant voilà pourquoi probablement ce qui devait tarriver tarriva et pourquoi votre fille est muette..

    1. Laure Garralaga Lataste

      @ à mon ami J.J.…
      Quand tu écris… « …voir les splendides performances des constructeurs de l’EPR de Flamanville… »… c’est pour rire !
      Alors rions en jusqu’aux larmes, les vraies, car ici sur « Roue Libre », les larmes de crocodiles sont interdites !

  2. christian grené

    M’sieur, mais comment c’est’y qu’il va marcher mon train électrique commandé au père Noël? Y’a pas de bougies dans le moteur…

    1. Laure Garralaga Lataste

      @ à mon ami christian…
      Une idée… qu’elle est bonne…
      « Comme on faisait autrefois… Tu le pousses à la main en faisant teuf…teuf…! »

  3. Laure Garralaga Lataste

    Le jour où l’être humain, car je ne veux pas en accabler uniquement les hommes, a détruit la magie de la fée électricité par une surconsommation destructrice, il a oublié qu’il était en train de scier la branche sur laquelle il était assis… !

  4. facon jf

    Bonjour,
    foin de démonstrations lassantes basées sur les techniques rébarbatives dirigeant la fée électricité, quelques vers de mirliton* pour égayer votre matinée et c’est tout !

    La cigale ayant dénigré
    pendant de longues années
    la fabrication de l’électricité
    se trouva fort dépourvue
    lorsque les coupures sont survenues.
    Elle s’en alla crier pénurie
    chez les Teutons ses amis
    Il faut arrêter la gabegie
    et vous résoudre à la bougie
    répondirent les teutons
    sur un ton très bougon.
    Trop contents de pouvoir enfin
    saborder cet avantage très ancien.
    La main invisible du marché
    doit réguler aussi l’électricité!
    Son prix sera donc indexé
    sur le gaz qui vient à manquer.
    Et voila comment les teutons rusés
    nous ont bien sodomisé.

    bonne journée
    *Des vers de mirliton sont des vers faciles, peu recherchés, dans lesquels le lecteur décèle immédiatement nombre de mots qui ne sont là que pour la rime, ou pour obtenir le bon compte de syllabes. Qui plus est, le texte en question n’a souvent aucune ambition poétique.

    1. Laure Garralaga Lataste.

      à mon ami facon jf…
      Magnifique… !
      J’en crève de jalousie !

    1. Laure Garralaga lataste

      @ à mon ami J.J.÷
      Merci pour… « ce lundi septembre noir !

    2. christian grené

      Bonjour J.J.
      S’il est vrai que l’uranium enrichit, on aura donc de quoi l’payer…

      1. Laure Garralaga lataste

        @ à mon ami christian…
        Excellent… !
        On sent la plume journalistique…
        Mes excuses pour ce retard à réagir… tu en connais la cause ? !

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