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Baisse des impôts visibles, octroi de primes éphémères, rupture de la solidarité collective

Depuis pas mal de temps une nouvelle gouvernance s’installe selon les principes théoriques du libéralisme. C’est progressif et insidieux car cette méthode à l’apparence d’une justice sociale envers les plus faibles tout en évitant de contrarier le monde du profit. Il s’agit d’un bouleversement profond apparemment incolore, inodore et sans saveur politique mais dont les effets seront durables. Il sera même probablement impossible pour n’importe quel gouvernement de revenir en arrière.

Le premier principe se résume dans une formule extrêmement dangereuse pour les principes républicains : «  détruire la notion de contribution individuelle équitable au développement de la vie collective en transformant l’imposition ou les contributions directes par des retours prélevés sur les taxes nationales à la consommation ». Cette tactique portée par la Droite de tous temps vise à laisser accroire que les services de solidarité ainsi que les domaines essentiels de l’émancipation individuelle peuvent être assurer gratuitement. Elle a été mis en œuvre lors des trois derniers quinquennats avec un slogan simple mais démagogique : « baisser les impôts »

Un leurre puisque le corollaire de cette diminution réside dans le démantèlement de tous les services publics constituant la « seule fortune des plus faibles ». Nous sommes rendus au point de rupture dans tous les domaine essentiels avec des replâtrages budgétaires massifs assis sur une augmentation de la dette. La santé, l’éducation, la justice, la mobilité, la sécurité ont été usées jusqu’à la corde avec des décisions successives imposées par le libéralisme européen intraitable offrant une voie royale à tous les systèmes privés auxquels ont accès les mieux lotis des citoyens. Ce n’est pas le fait de payer des impôts qui doit être vilipendé mais l’inégalité révoltante qu’ils génèrent dans leur conception à cause de la fraude.

Le second principe qui prend une ampleur quasi quotidienne c’est la mis en œuvre de la technique du saupoudrage de primes. Il s’agit simplement de donner l’illusion que l’on règle le problème de fond par des distribution au bon vouloir du pouvoir en place de sommes attribuées à partir de barèmes calculés de telle manière qu’elles satisfassent temporellement des catégories sociales pouvant devenir dangereuses.

La dernière de 100 € pour atténuer une augmentation du prix du carburant ou de l’électricité pour les travailleurs gagnant moins de 130 euros nets et contraints à un trajet domicile travail coûteux. La hantise du retour des « gilets jaunes » autour de ces difficultés dont les racines sont structurelles (étalement urbain et concentration métropolitaine des emplois) et surtout pas conjoncturelles (cours du pétrole). Elle succède à tant d’autres toutes avec des publics, des barèmes, des objets différents qu’un dictionnaire ne suffirait pas.

Le caractère éphémère des ses subsides étatiques n’est jamais évoqué alors qu’il constitue un véritable danger pour les générations qui en bénéficient (les retraités en sont systématiquement exclues). Le pouvoir d’acheter ce qui est indispensable (5 millions de personnes en dessous du seuil de pauvreté) pour vivre dignement réside dans une somme allouée qui soit régulière et conforme au contexte dans lequel elle est délivrée. Les primes n’étant pas prises en compte dans le calcul des pensions, c’est une arnaque à terme qui n’est pas souvent évoquée. L’avantage c’est que les cotisations sociales ne s’appliquent pas sur ces versements providentiels et que… les employeurs ne sont pas mis à contribution.

Le troisième principe consiste à effacer peu à peu les acquis historiques de la société de la solidarité collective active. La notion de participation proportionnelle à ses moyens à tous les mécanismes indispensables à la qualité de la vie n’est plus la base de l’action publique. L’attribution de primes plutôt qu’une augmentation des salaires ou des pensions prive en effet toutes les caisses de reversement de cotisations qui éviteraient une baisse des compensations accordées ou des discussions sur le nombre de trimestres indispensables pour bénéficier de la « retraite ». En incluant les primes dans les salaires le système serait remis à flots.

En 2023 la conjonction de ces principes provoquera dans le pays une crise d’ampleur imprévisible dans le contexte mondial actuel. Les rustines ne permettent jamais de compenser toutes les crevaisons dont est victime une chambre à air cuite et recuite par des négligences répétées. Le système démocratique ressemble à un échafaudage branlant dont on a scié les bases depuis trop longtemps. 

Cet article a 5 commentaires

  1. J.J.

    …(5 millions de personnes en dessous du seuil de pauvreté)…et qui proportionnellement paient des impôts, plus que, Pinault, Arnaud, Bettencourt, Mulliez etc. réunis.
    J’ai calculé, grâce aux tickets de caisse (que l’on est maintenant obligé d’exiger) qu’un , couple de deux personnes, sans se goinfrer paient pas loin de 500 € par an de TVA sur la seule nourriture.
    C’est pas des impôts, ça ?

     » Les primes n’étant pas prises en compte dans le calcul des pensions, c’est une arnaque à terme qui n’est pas souvent évoquée. L’avantage c’est que les cotisations sociales ne s’appliquent pas », autrement dit, ces cotisations constituant un SALAIRE DIFFÉRÉ, cela en revint tout simplement à une baisse de salaire déguisée.

    On devrait pouvoir le crier sur les toits.
    Où êtes vous, les gens du CNR (le VRAI) ?

    1. Laure Garralaga Lataste.

      @ à mon ami J.J.…
      Il y a longtemps que je suis du Conseil National de la Résistance… Et je peux dire même que je ne l’ai jamais abandonné !

  2. Beaupuy

    Bonjour Jean-Marie, je lis toujours « Roue Libre », avec grand plaisir car je partage bien souvent tes analyses mais ne saurais les écrire telles que tu le fais . Juste une petite erreur il s’agit de 1300 euros et non 130.
    Bonne journée

  3. facon jf

    Bonjour,
    du haut de son extrême suffisance celui que les merdias de la brosse à reluire ont surnommé  » le Mozart de l’économie » entre dans la sixième année de son règne sans partage.
    Faisons, si vous le voulez bien, un petit bilan. En cette 6ème année de symphonie macroniste, notre pays n’est plus que l’ombre de lui-même et jamais, jamais, un président n’a cumulé autant de déficit d’une telle ampleur.
    Déficit de la balance commerciale record battu, déficit budgétaire des chiffres qui pulvérisent tous les précédents, dette du pays qui explose.
    Alors quoi faire? Les munitions viennent à manquer et les réserves d’eau pour combattre l’incendie sont au plus bas! Surtout, surtout, ne pas se fâcher avec le banquier Europe en appliquant à la lettre toutes ses recommandations tailler à l’os retraites, services publics, santé…. Mais en même temps il faut maintenir un semblant d’ordre, réputé Républicain, en épargnant au maximum les forces de l’ordre bien utiles face aux émeutes de la faim qui menacent.
    Après duralex qui baisse « temporairement » le rideau, c’est Cofigeo qui va arrêter temporairement, dès le 2 janvier, quatre de ses huit usines en France. Mathieu Thomazeau, le président de Cofigeo ((William Saurin, Garbit) reconnaissait à demi-mot l’impossibilité pour ses conserveries françaises de continuer à fonctionner au vu des prix de l’énergie.
    La facture énergétique va passer de 4 millions à plus de 40 millions d’euros ! C’est une multiplication par 10.
     Au-delà de la sidérurgie, de la verrerie, des conserveries et de la métallurgie, particulièrement énergivores, des dizaines de milliers de sociétés de toutes tailles sont menacées. Plus de la moitié des entreprises de taille intermédiaire, à l’activité le plus souvent industrielle, « risquent de devoir réduire leur activité » si les prix de l’énergie ne reviennent pas à la raison, « et 7 % de l’arrêter », indique le Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (METI).
    Devinez quelle solution pour permettre de continuer chez Duralex? Et oui vous avez trouvé! c’est la planche à billets qui va tourner, l’ état accorde un prêt de 15 millions d’euros à Duralex pour lui permettre de reprendre sa production ( Le Monde 21/11/2022).
    Alors que va-t-il se passer au coin de ma rue pour le boulanger ou le boucher à qui l’on prédit des factures énergétiques remettant en cause leur survie ? Des aides, des primes, qui ne couvriront que au maximum 35% de la hausse.
    Pourtant la solution est à portée de main la remise en cause du prix de l’énergie imposée par la  » große europäische kommission », mais pour cela il faut se fâcher avec le banquier.
    Alors le saupoudrage des aides va perdurer en croisant les doigts pour éviter que le peuple affamé viennent assiéger le château.
    Bonne journée

  4. Christian Coulais

    Et comme par hasard, le même jour sur France culture…
    « En quoi la question des superprofits, qui cristallise les tensions actuelles, renouvelle-t-elle les débats sur la justice sociale : qui doit payer l’impôt et pourquoi ? Avec :
    Mathilde Dupré économiste, co-directrice de l’Institut Veblen
    Xavier Timbeau Économiste, directeur de l’Observatoire Français des Conjonctures Économiques (OFCE)
    Brice Fabre économiste, chercheur à l’Institut des Politiques Publiques

    La question de l’impôt (quel type d’impôt ? qui taxer ? à quel seuil ?) cristallise les conflits politiques, il ne s’agit pas seulement de s’intéresser à la question de l’efficacité objective de l’impôt, mais à celle de la justice sociale. Car la question du consentement à l’impôt est au cœur du débat démocratique – et ce, depuis des siècles. 
    Mais aujourd’hui, les débats s’attardent les superprofits réalisés par les grandes entreprises multinationales dans le cadre de choc conjoncturel lié à la guerre en Ukraine, qui renouvelle la question de la justice sociale, y compris au niveau des entreprises. Que doit-on faire des profits exceptionnels que les entreprises “n’ont pas mérité” ?
    Lire, écouter la suite…
    https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/entendez-vous-l-eco/comment-repenser-la-fiscalite-en-france-2866459

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