You are currently viewing La baguette magiquement reconnue et déjà mal en point

La baguette magiquement reconnue et déjà mal en point

La baguette reste le type de pain le plus apprécié à travers notre pays et surtout en zone rurale. Son origine remonte aux pains longs du XVIIe siècle, mais sa consommation s’est généralisée au cours du XXe siècle. Actuellement c’est le type de produit des 32 000 boulangeries françaises le plus vendu. On atteint le nombre faramineux de 10 milliards de baguettes distribuées et mangées soit environ 320 par seconde !

Les boulangers ont largement diversifié les ingrédients qui la composent de telle manière qu’elle s’adapte à tous les publics. Alors que pendant des décennies la « miche de quatre » ou le « sept cents » participaient aux repas familiaux des couches populaires de la population ou des cantines, la baisse de la consommation de pain a facilité l’émergence d’un produit réduit en taille. D’ailleurs en six ans la quantité mangée quotidiennement en moyenne par un Français a diminué de 8,5 % tombant à une centaine de grammes.

L’Unesco a récemment consacré la dimension patrimoniale des savoir-faire artisanaux de ce produit pourtant de moins en moins artisanal. Elle reconnaît aussi qu’aller chercher son pain chez le boulanger et pas dans une grande surface est aussi « un acte culturel », un « moment de partage et de lien social ». La baguette est reconnue dans le monde entier comme un symbole de la gastronomie française et elle sert même à caricaturer notre mode de vie avec le camembert. En y ajoutant la quille de rouge on arrive aux trois supports (pain, fromage et vin) réputés « historiques » du comportement français.  

Cette vision appartient désormais au passé. La consommation de vin rouge a chuté de 32 % au cours de la décennie écoulée et celle du camembert de 18 % en seulement cinq ans ! L’Unesco a donc accordé sa « bénédiction » à une baguette qui n’a plus rien de magique. La pression des critères d’une nutrition réputée protéger la santé devient de plus en plus prégnante allant à l’encontre des produits traditionnels. Tôt ou tard ces seront interdits pour de multiples raisons et entreront au musée d’une alimentation jugée « préhistorique ». La baguette traditionnelle y figurera avant longtemps. 

L’UNESCO ne cesse lors de ses sessions de solliciter des mesures de sauvegarde comportant la mise en place d’actions de sensibilisation à l’importance des « pratiques alimentaires faisant partie du quotidien » et « partagées par le plus grand nombre ». Un vœu qui se heurte souvent à la puissance des lobbies imposant de nouvelles habitudes alimentaires. La meilleure nouvelle serait que l’organisation internationale inscrive le hamburger au patrimoine mondial car ce serait le signe de sa prochaine disparition. Mais au profit de qui et de quoi ? Nul ne le sait. 

La baguette tradition aura peut-être une chance de survivre si elle bénéficie d’un cahier de principes de fabrication la différenciant des fabrications industrielles ou artificielles (congélation…). Ce n’est pas pour demain car il faut rappeler qu’en 1981 lorsque le gouvernement avait simplement voulu codifier la différence de poids entre la baguette (250g) et la « flûte » (200g) il avait échoué face aux organisation professionnelles prônant le libéralisme. Alors pour définir un mode de fabrication ?

N’empêche qu’à peine entrée dans le royaume des symboles « gastronomiques »  notre baguette est menacée. Tous les boulangers qui la fabriquent dans des laboratoires utilisant l’électricité comme énergie commencent à envisager de cesser leur activité. Cette situation s’explique aussi par le fait qu’ils ne peuvent prétendre au bouclier tarifaire mis en place par le gouvernement pour aider les entreprises. En effet, la plupart d’entre elles « énergivores », disposant de puissants fours électriques, dépassent les 36 kVA pour leur four et ne peuvent donc bénéficier du plafond de 15 % d’augmentation dans la facture.

Étrange paradoxe que celui d’un pays qui vante une production qui devient impossible dans le contexte économique. Selon le regroupement Grain de Blé, 80 % des artisans boulangers français ne bénéficient pas du bouclier tarifaire à l’heure actuelle. Ce sont donc 8 entreprises sur 10 qui risquent de fermer en 2023. Autre problème : leur faible marge de manœuvre sur les prix du pain. En augmentant sa baguette tradition de 10 centimes d’euros, Jérémy Ferrer a déjà perdu des clients. Une hausse supplémentaire serait donc trop risquée d’un point de vue commercial.

La flambée des prix de l’énergie pourrait pousser les boulangers à augmenter le prix de la baguette de 30 % ce que ne feront certainement pas les moyennes et grandes surfaces puisque la vente de pain est anecdotique dans leur chiffre d’affaires. Il n’y a plus qu’une solution : demander pour sauver la baguette à Harry Potter de se mettre à tous les élèves de Poudlard dans le pétrin !

Cet article a 12 commentaires

  1. christian grené

    Eh oui! Jean-Marie, même un samedi, nous fait marcher à la baguette. Et les croissants, alors?

    1. Laure Garralaga Lataste

      @ à mon ami christian…
      Moi… m’sieur, j’ne mang’ pas d’ la baguette, j’ne mange que les… e. Je n’ai pas dit les œufs même si j’en mange aussi ! Com’ses pau’vs paysans qui ne sont pas fous… J’suis à la bel’ miche de 4… et surtout bien dorée… Quant aux croissants… j’ne connais que les croissants d’ lune !

  2. François

    Bonjour J-M !
    « Minja deu pan, petit !(1) » disait mon grand-père, avec son insistance éducative, en me coupant de belles tranches de miche de quatre . C’était hier … il y a soixante ans. Maintenant, mon toubib, parait-il protecteur, s’affole quand les trente grammes par repas sont dépassés ! Qui croire ?
    Tu t’interroges sur le remplacement éventuel du hamburger (origine allemande … reprise américaine !!) « par qui et par quoi » ? Question surprenante de ta part, toi le fervent défenseur de l’immigration libre et débridée : Mais par le kebab et autres sushis bien sur ! À moins que ce ne soit par les samoussas : un vrai régal pour …éthiopien amaigri ! ! Mais où est donc passée l’entrecôte de bazadaise à la bordelaise ? ?
    Amicalement.
    (1) Mange du pain, petit : en patois ou occitan

    1. Laure Garralaga Lataste

      @ à mon ami François…
      Et pour enrichir un peu plus tes connaissances linguistiques déjà bien garnies… ¡ come pan niñita !

      1. Laure Garralaga Lataste

        mes excuses : il faut lire aussi… niñito

  3. J.J.

    « En y ajoutant la quille de rouge on arrive aux trois supports (pain, fromage et vin) réputés « historiques » du comportement français »….manque le béret basque (non comestible, il est vrai).

    Il s’avère que cette fameuse baguette est en fait un gouffre de gaspillage : à moins d’avoir des dents de requin, la baguette de la veille se révèle souvent impropre à la consommation car devenue trop coriace. Il s’en gaspille de cette façon, avec les invendus, chaque année paraît il plusieurs milliers de tonnes (Valeurs Mutualistes 2022, je ne retrouve pas le numéro, je vais chercher) !
    Ça ne m’étonne pas car lorsque je vais vider mon « bio seau « au composteur de l’immeuble, j’y trouve fréquemment des gros morceaux de baguette voir des baguettes entières. Et on a oublié le bonnes vieilles recettes de remploi : pain perdu, mijot, chapelure maison, coupetade ariègeoise, pudding de pain dur et la « soupe trempée « etc. Je ne consomme que du pain de 400 g (pas loin d’au moins 1/2 par jour, nettement au dessus de la moyenne nationale ) à défaut d’en trouver du plus gros.

    1. Laure Garralaga Lataste

      @ à mon ami J.J.…
      À quoi reconnait-on un poivrot ? … à sa quille de rouge !
      Mais attention… le terrain devient glissant… quand tu parles de « béret basque » et que tu l’assimiles à un « comportement français »… Tu ne vas pas te faire des ami.e.s ! Il ne faut pas mélanger les torchons français et les serviettes basques !

      1. J.J.

        Disons alors le béret tout court. Mais qu’on le veuille ou non, le béret qui a été porté par des quantité de français (plutôt démodé maintenant) ne pouvait renier ses origines, les basques n’eussent point été contents, à juste titre. Il faut rendre à César…
        Je faisais partie des bidasses originaires de la future Nouvelle Aquitaine (déjà !) qui se reconnaissaient à leur façon de porter leur béret d’uniforme, « en tuile »(un peu par provocation), ce qui provoquait l’indignation et les menaces de nos autorités qui nous sommaient de le porter rrrrréglementairement scrogneu gneu !

        1. Laure Garralaga Lataste

          @ à mon ami J.J.…
          Et moi qui suis née fille, je n’ai pu faire mes classes et ne peut donc savoir comment se porte le béret d’uniforme « en tuile »… ! ?

          1. J.J.

            Béret en tuile ? C’est la façon de porter le béret par les basques, les landais, les poitevins et saintongeais (surtout à la campagne) : en faisant un pli par devant, au lieu de le pencher sur le côté gauche et l’insigne d’arme à droite.

  4. Laure Garralaga Lataste

    Le rrrrrèglement c’est le rrrrrèglement !
    Et mon père qui, en 1933 a fait son service chez les chasseurs alpins, avait une façon très règlementaire de le porter : large béret noir légèrement incliné couvrant l’oreille droite.

  5. facon jf

    Bonjour,
    l’hécatombe est en route bientôt en bas de chez vous l’artisanat de bouche va tirer le rideau. Adieu la boulangerie, la boucherie, la charcuterie tous à la rue sans indemnités.
    Et oui ! pas de chômage pour les indépendants saignés par la crise énergétique, juste l’ Aide pour les Travailleurs indépendants ATI. Le montant de l’ATI est individualisé, en fonction des revenus reçus au titre de votre activité non salariée sur les 2 années civiles précédant sa cessation. Dans tous les cas, son montant ne pourra pas être inférieur à 19,73 €/ jour (environ 600 €/ mois), ni supérieur à 26,30 €/ jour (environ 800 €/ mois). L’ATI est versée pour une durée limitée à 182 jours (environ 6 mois) non renouvelable. Et après ? le RSA prend le relais.
    Un avenir radieux pour une boulangerie sur deux d’après Dominique ANRACT, président de la Commission nationale de la Boulangerie Pâtisserie française.
    Le pain cette nourriture à la symbolique immémoriale. Les spécialistes nous disent que l’histoire du pain débuta 8 000 av. J.-C. aux prémices de l’agriculture dans les régions du Moyen Orient, à la frontière de l’Iran et l’Irak actuels. Elle s’y développa au cours de l’Antiquité avec les civilisations méditerranéennes (sumérienne, égyptienne, grecque et romaine). Grâce à l’évolution des outils. La première meule à grains remonterait à la fin du Néolithique ou début du Bronze. Les premières récits biblique évoquant le pain sont mentionnées dans la Genèse : (3,19) lorsque l’Éternel chasse Adam du jardin d’Éden, il lui dit : « C’est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain, jusqu’à ce que tu retournes dans la terre d’où tu as été pris »
    Toutes les religions occidentales font référence au pain.  C’est ainsi que les plus grands dieux de l’humanité sont personnifiés ou se comparent eux-mêmes au pain . Il y a plus de 5000 ans, Osiris se déclarait être le pain de vie des enfants d’Égypte, il apprit aux hommes à cultiver le blé, à faire la farine et préparer le pain, le pain fut toujours considéré comme divin et sacré par les égyptiens.
    3000 ans plus tard Jésus-Christ utilise les mêmes phrases pour situer la valeur de son exemple et de son enseignement. La cène est la parfaite illustration de la symbolique du pain.
    Dans l’Antiquité, selon Ovide, 1er siècle avant JC, lorsque les Gaulois assiégèrent Rome, les Romains invoquèrent Jupiter qui leur conseilla de jeter par-dessus les murs ce qu’ils avaient de plus précieux. Ils confectionnèrent alors avec leur reste de farine, des miches de pain qu’ils lancèrent contre les assaillants. Ces derniers pensèrent que Rome était largement approvisionnée et possédait de quoi tenir un très long siège. A cause de cela, ils abandonnèrent leur assaut. En reconnaissance, les romains édifièrent un temple à Jupiter Pistor, Jupiter Boulanger, ce qui donnera le symbole du blé à la ville.
    Dans le judaïsme, pendant Pessah, la Pâque juive dure 8 jours et commence le 7ième mois. Cette fête célèbre l’Exode et le début du cycle agricole annuel. Les juifs mangent pendant toute sa durée des Matzots, un pain azyme, c’est à dire un pain non-levé, sans levain.
    Et même les révolutionnaires de 1789 font référence au Pain et au boulanger.
    « Nous ne manquerons plus de pain ! Nous ramenons le boulanger, la boulangère et le petit mitron. »
    Cri et chant de victoire des femmes du peuple ramenant le roi, la reine et le dauphin, sur le chemin de Versailles à Paris, 6 octobre 1789 Histoire de la Révolution française (1847), Louis Blanc.

    C’est pour quand le retour des GJ cuisant leur pain à l’ancienne au milieu des ronds-points? Ils pourront toujours compter sur le savoir-faire des boulangers réduits au chômage.

    Bonne fin de repos dominical
    ps: https://france3-regions.francetvinfo.fr/centre-val-de-loire/indre-loire/tours/face-a-la-crise-energetique-les-artisans-boulangers-desarmes-2671092.html

Laisser un commentaire