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L’effet ciseau démographique se profile

La retraite par répartition est avant tout la résultante d’une solidarité intergénérationnelle qui a été voulue par le Conseil National de la Résistance. Le principe en est simple : cotisation des actifs permettant le versement des pensions aux gens ayant atteint l’âge nécessaire pour les recevoir aux taux maximum. Jusqu’à présent le nombre des naissances étant largement supérieur à celui décès il existait un espoir de parvenir à équilibrer ce concept spécifique à la France. Dans ce contexte, la démographie devient un indicateur essentiel pour les prévisions à moyen ou long terme.

Si l’on se fie aux dernières statistiques publiées par l’INSEE le nombre des pensionnés connaît une chute constante illustrée par le nombre des décès constatés. Entre 2022 on comptabilise 667.000 décès (5.000 de plus qu’en 2021) soit un niveau élevé du fait du vieillissement de la population, des conséquences de la pandémie et des canicules. En 2004 on Avait eu 509 408 personnes en France métropolitaine ce qui fait sur une durée de 17 ans une hausse de 157 000 personnes (+ 31%) ce qui s’explique par l’accroissement global de la population et par l’arrivée dans un âge avancé des générations des années 50.

Cette tendance que probablement les « penseurs » de la réforme des retraite ont pris en compte c’est que l’espérance de vie stagne ou avance très peu. Quant à l’espérance de vie à la naissance, elle est, en 2021, de 85,4 ans pour les femmes et de 79,3 ans pour les hommes soit en légère hausse par rapport à 2020. Mais l’espérance de vie ne retrouve pas son niveau d’avant la pandémie (85,6 ans pour les femmes et 79,7 ans pour les hommes en 2019).

La population continue cependant de vieillir en France. Ainsi, au 1er janvier 2022, 21% des personnes ont 65 ans ou plus et 9,8% ont 75 ans ou plus. Comme le remarque l’Insee, la part des 65 ans ou plus augmente régulièrement depuis plus de 30 ans avec un vieillissement de la population qui s’accélère depuis le milieu des années 2010 (arrivée à ces âges des premières générations nombreuses nées après-guerre).

D’ailleurs, la France se situe dans la moyenne des pays de l’Union européenne (UE). On perçoit donc sa pension sur une durée qui n’évolue guère. Avec la réforme un homme cotisera 44 ans pour obtenir en moyenne 12 ans de pension et une femme qui en règle générale a une retraite nettement inférieure durant 16 ans !

Ce qui a tout lieu d’inquiéter c’est que le solde naturel entre les naissances et les décès n’a jamais été aussi faible en France depuis la seconde guerre mondiale. Cet écart réduit est dû à la poursuite de la chute du nombre de naissances. La pandémie, la crise sociale, le pessimisme ambiant et les perspectives d’avenir de plus en plus incertaines on pesé sur la natalité. L’effet se traduit par seulement  723.000 naissances en France (19.000 de moins qu’en 2021), soit le plus faible nombre sur un an depuis 1946. Le résultat c’est que la population globale estimée de la France n’a progressé d’une année sur l’autre de seulement 0,3 %.

Le début de ce mouvement démographique a une dizaine d’années. Il se poursuit constamment avec peut-être d’ici à quelques années un effet ciseau dont les effets seront perceptible vers 2040 et rapidement sur le marché du travail ainsi que dans l’enseignement primaire. Le vrai problème c’est que la répartition géographique de la baisse des naissances et de la hausse des décès est très inégale sur le territoire hexagonal.

Des départements dont celui de la Gironde explose quand d’autres sont à la peine. Les premiers ont du mal à faire face à cet afflux de population pour offrir des réponses fiables et rapides quand les seconds s’accrochent pour les maintenir. L’aménagement du territoire devra tenir compte de cette France à trois vitesses : les métropoles et cette France dite périphérique qui traverse une période difficile. Quand au monde rural profond il résiste s’il a su s’adapter (mouvement associatif, intercommunalité, arrivée de la fibre optique, développement d’un tourisme « soft » …).

Inutile d’évoquer le rôle de l’immigration tant il soulève des polémiques totalement biseautées ou approximatives. Pourtant il faut noter que si l’industrie allemande s’est sauvée dans des circonstances similaires elle le doit à l’entrée sur son territoire de milliers de migrants employés et donc cotisants pour sauver le système de solidarité outre-Rhin. Rappelons que la France ne se situe qu’au…quinzième rang des pays pour sa part d’immigrés par rapport à sa population. Si la tendance démographique persiste il faudra reparler une nouvelle fois de l’équilibre de nos régimes de solidarité. Une nouvelle réforme avant 2030 !

Cet article a 7 commentaires

  1. Laure Garralaga Lataste

    Puisqu’on parle de démographie…
    Nous sommes le 18 janvier et… il y a 84 ans… mes parents étaient encore sous les bombardements et les mitraillages de l’aviation allemande puisqu’ils ne parviennent à la frontière que le 20 janvier 1939… 
    Mon père (français) et ma mère devront attendre le 5 février pour arriver à Bordeaux où je considère que je peux naitre … enfin ! ! ! … le 07.
    Je peux dire que je suis née avec la baraka… et la chance est toujours là !
    Quant à ma grand-mère et au jeune frère de ma mère, ils disparaissent… Nous ne les retrouverons qu’en 1954 à Barcelone.

  2. J.J.

    Le monde est devenu tellement merveilleux ces derniers temps que j’ai entendu des jeunes déclarer qu’ils n’avaient pas l’intention de contribuer à la perpétuation du genre humain, et fournir de nouveaux témoins à cette civilisation qui n’a fait aucun progrès dans l’accès à une existence décente pour certaines catégories de l’humanité.
    Je ne pourrais leur donner tort.

    Les pauvres sont toujours aussi défavorisés, et les riches, qui ne veulent pas partager, sont ils toujours satisfaits de leur sort ? Encore La Fontaine : Le Savetier et le Financier.

    1. Laure Garralaga Lataste

      @ à mon ami J.J.…
      Si je te comprends bien : « les pauvres sont toujours plus pauvres et les riches toujours plus riches… ! » CQFD aurait dit mon prof de math ! Moi, je rêve de l’inverse… mais je crois que je peux rêver longtemps !

  3. François

    Bonjour J -M !
    «  cotisation des actifs permettant le versement des pensions aux gens ayant atteint l’âge nécessaire pour les recevoir aux taux maximum. »
    Principe TRÈS simple en effet …du temps du CNR. Ton erreur ( rassure-toi c’est l’erreur de tous les politicos) se situe dans le vocabulaire : il ne faut pas parler d’ACTIFS mais de cotisants EN AGE D ‘ACTIVITÉS PROFESSIONNELLES car c’était le principe du CNR qui connaissait l’activité … dès quatorze ans, bien des apprentis payant alors une cotisation qui les rendaient solidaires du système. L’évolution aidant, poussons le curseur à dix huit ans mais cotisations pour tous même les assistés : sans logiciel perfectionné, on constate alors que la balance se rééquilibre … et que ton effet ciseaux disparaît ! Bizarre, n’est-ce pas ? Oui, je sais , ce n’est pas avec ce principe que l’on gagne une élection mais on obtient une comptabilité SAINE ! !
    Concernant la statistique des décès et la stagnation de l’espérance de vie, n’oublions pas que nous sommes dans le boom … des baby-boomers (que nous connaissons bien tous les deux!) soit augmentation des naissances en 1945-1955 qui … impose une augmentation des décès en 2020-2040 !  Et oui, J-M, c’est évident : pas besoin de te faire un cours de math sur les probabilités ! ! ! Sauf quelques canicules et une nouvelle Covid ( car nous serons dans la « logistique arrière » en cas de conflit ! ! ), il y a ce paramètre que le « gendre rêvé par toutes les belles-mères » et ses comparses (au sens 2 de Larousse) ne peuvent point ignorer, me semble-t’il !
    Au sujet de l’immigration, merci de signaler que l’immigration vers l’Allemagne … au meme titre que l’immigration (ancienne) italienne, polonaise, espagnole, portugaise vers la France est faite essentiellement de travailleurs COTISANTS et non de « POMPES ALLOCATIONS, AIDES ET SOUTIENS » avec leurs franges de malveillances !
    Voilà les commentaires que m’inspirent ton édito : bien sur, je m’attends à une volée de bois vert de ta part … qui n’atteindra pas notre bonne relation.
    Amicalement.

    1. Laure Garralaga Lataste

      @ à mon ami François
      Merci pour ce beau passage…
      « Au sujet de l’immigration, merci de signaler que l’immigration vers l’Allemagne … au même titre que l’immigration (ancienne) italienne, polonaise, espagnole, portugaise vers la France est faite essentiellement de travailleurs COTISANTS… » Car c’est là qu’est toute la différence … et il convient de le souligner !

  4. facon jf

    Bonjour,
    le mot qui me vient est à la mode c’est « effondrement » . Effondrement de notre modèle de retraite, effondrement de notre modèle économique, effondrement de la pyramide des âges… Un langage bien utile pour ceux qui promeuvent la retraite par capitalisation excités par les 331,6 milliards d’euros collectés en 2020 par les retraites à répartition.
    Sauf ce léger détail, la retraite par capitalisation, qui était très répandue dans la première partie du XXe siècle, a été pratiquement anéantie par la crise et les guerres et remplacée par la retraite par répartition pendant les années 1930 et 1940, en France (1941) et dans les pays de l’Europe continentale en général.
    Le genre d’effondrement dont on ne nous parle pas dans nos merdias ni dans les communiqués du gouvernement.
    Même aux États-Unis, le gouvernement fournit, avec la Social Security, des revenus de retraite par la répartition, mais ce système est conçu comme un filet de sécurité qui vise seulement à limiter la pauvreté des plus âgés, et la capitalisation représente des montants considérables. On assiste à une grande offensive des black rock et consorts pour imposer leur vues aux gouvernements. À la fin de l’année 2006, 28 pays avaient mis en place un système de retraite obligatoire par capitalisation : onze en Amérique latine (notamment le Chili, depuis la dictature de Pinochet), douze en Europe centrale et orientale et cinq dans le reste du monde. En réalité dans le monde les systèmes avec capitalisation intégrale sont rares, les systèmes de retraites reposent sur 2 ou 3 piliers mêlant capitalisation, répartition et/ou impôts spécifiques. Selon une étude 90% de la population mondiale en âge de travailler ne sont pas couverts par des régimes de retraite de nature à leur garantir un revenu suffisant. Par exemple dans les pays de l’ex-Union soviétique, les régimes de retraite n’ont pratiquement plus aucune valeur du fait de l’effondrement des économies nationales; j’atteste que lorsque j’étais en Ukraine ( 1998) la retraite d’un cadre de l’industrie était équivalente à son loyer mensuel ( 20 US $). Ainsi va un pays qui fait faillite!!!
    L’absence d’une couverture complète par les retraites dans le monde deviendra un problème de plus en plus préoccupant avec l’allongement de l’espérance de vie et le rôle de moins en moins important de la famille élargie, qui garantissait auparavant la protection vieillesse.
    La solidarité inter-générationnelle reste la clef de voûte de l’ensemble des systèmes et cela reste vrai pour notre pays et pour longtemps. Et c’est encore plus vrai en cas d »effondrement économique au niveau de chaque pays.

    Bonne journée

  5. facon jf

    DÉMOGRAPHIE, CLIMAT, CAPITALISME : L’HUMANITÉ PRÉDATRICE N’A PAS D’AVENIR
    un très bon article en accès libre ici:
    https://elucid.media/elucid_custom_posts/demographie-climat-capitalisme-l-humanite-predatrice-n-a-pas-d-avenir/?mc_ts=crises
    « Au premier ordre, la croissance démographique en tant que telle n’est pas du tout le problème. Les 0,5 % les plus riches émettent plus de gaz à effet de serre que les 50 % les plus pauvres. […] Le réel problème réside dans notre axiologie actuelle, qui fait que nous maximisons systématiquement nos capacités à accumuler et à exploiter. […]

    Si vous divisez la population mondiale par 2 sans diviser par 2 la quantité d’énergie disponible, cela n’aura strictement rien changé : nous continuerons d’utiliser tout l’espace et toutes les énergies disponibles. […] Pour moi, la démographie est un faux problème. Nous pourrions être beaucoup plus nombreux si l’on avait un autre rapport à la terre et à la vie. » Aurélien Barrau*

    *Aurélien Barrau est astrophysicien au CNRS spécialisé en relativité générale, cosmologie, physique des trous noirs et gravitation quantique.
    Il occupe le poste de professeur à l’université Grenoble-Alpes et est directeur du Centre de Physique Théorique de Grenoble. Aurélien Barrau est également membre honoraire de l’Institut Universitaire de France.
    Il a écrit plus d’une centaine d’articles de recherche et est lauréat de plusieurs prix scientifiques en plus d’être docteur en philosophie et auteur d’ouvrages de poésie.

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