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Petit essai sur le ballon

Ballon : le mot magique qui ravit toutes les générations ! Pour de multiples raisons il entre dans les joies que réserve la vie à l’enfant qui lui donne son premier coup de pied et l’aïeul qui en vide un dernier pour la route avant de rentrer chez lui. Entre ces deux rapports avec cette terre miniature il en existe bien d’autres toutes plus agréables les unes que les autres. Enfin presque car parfois le fait de finir au ballon pour un retour à la normale d’un taux ayant provoqué l’intérêt des représentants de l’ordre n’a rien de bien excitant. En attendant il occupe avec toutes ses déclinaisons le devant de l’actualité.

Il faut en effet être gonflés comme les Chinois pour envoyer une énorme bulle espionner le territoire des Ricains. Certains prétendent que les Pékinois voulaient discrètement et sans payer les droits ad doc filmer le Super Bowl afin de le retransmettre dans leur pays. A moins qu’ils se soient préparés à effectuer le tour du monde en moins de 80 jours ou qu’ils aient voulu tester l’envoi de courriers vers un potentiel gouvernement en exil. Tout à coup le vieux Joe qui ne l’avait pas vu venir a réagi avec la violence d’un aï en fuite. Les Chinois habitués à jouer l’Homme et pas le ballon méritaient un carton ne pouvant être que jaune. Il le leur a donné ! 

Sur le terrain où se jouent les affrontements diplomatiques le scandale est venu du fait que les intrusions se sont multipliées en quelques jours. La VAR militaire n’a rien vu venir. La Goal Line Technologie n’a pas sonné alors que les ballons avaient largement dépassé les lignes des frontières tracées sur le sol. Bref il aura fallu que quelques observateurs du ciel se signalent pour que les autorités se mettent en branle. La tactique militaire américaine se retrouvait mise à mal par un engin à tête fureteuse.

Ces gigantesques baudruches qui s’envoient en l’air attestent que l’espionnage s’est installé partout au-dessus de nous pour récolter le maximum d’informations qui du coup n’ont plus rien de secrètes. Elles traversent les océans, survolent les montagnes, s’approchent des étoiles pour des voyages bien moins poétiques que celui du fameux film du « ballon rouge »(1) au-dessus des toits de Paris. Le gamin qui trouve son futur copain attaché à un réverbère. Ils ne se quitteront plus pour une histoire à la fois magique et tragique…Un court-métrage que j’ai vu avec des yeux émerveillés il y a bientôt soixante-dix ans dans la salle de Créon Ciné pour un Noël du collège !

Tous les enfants adorent ces ballons captifs qu’ils empêchent de filer ver le ciel en le tenant par une mince ficelle. Un lien ténu qui finit tôt ou tard par effacer le sentiment de puissance qu’éprouve la maîtrise de la liberté d’autrui. Dans les cours de récréation, les parties où grâce ) des tirs adroits on envoyait des adversaires en prison ou on se délivrait en répliquant de la même manière depuis sa geôle permettaient des moments de partage inoubliables.

Le vrai bonheur venait avec une balle en caoutchouc jetée entre deux équipes constituées par des « capitaines » marchant l’un vers l’autre en mettant leurs Knepp ou leurs sandales bout à bout pour vaincre en marchant sur le pied du vaincu ! Lorsque l’instit’ lançait le ballon sur le pré servant de pelouse pour Princes, plus rien ne comptait. Et alors quand celui qui était en cuir arrivait pour les matches de « gala » l’appartenance aux chevaliers de la balle ronde rendait la journée radieuse. Personne ne se dégonflait pour taper à pieds raccourcis dans ce qui attestait de l’entrée dans la catégorie des « grands ».

Le ballon a hanté mes nuits d’adolescent car il n’y avait pas d’équipe en dessous des juniors à portée de vélo. Heureusement qu’au cours complémentaire puis au collège l’envie de pousser la citrouille animait bien d’autres camarades. Là encore tout était informel. Des buts constitués avec deux vêtements ou deux sacs posés au sol, des limites tacites de l’aire de jeu, un auto-arbitrage respecté : il fallait se contenter de rêver à des conditions meilleures. Ce furent les plus merveilleuses parties que celles que nous nous se construisions nous-mêmes. A l’École normale le moindre moment libre donnait lieu à de sévères empoignades et les confrontations inter-promos constituaient nos matches de Coupe d’Europe !

Le ballon a accompagné bien des vies simples, sans espoir de fortune, sans gloire autre que d’être appelé à jouer. Rond ou ovale il était le plus fidèle des compagnon. Contre un mur, sur la route, sur la place caillouteuse du village, dans un pré ayant bénéficié d’une coupe en brosse ou sur de la terre battue les enfants de la balle affirmaient leur amour vache pour celui qu’il caressait d’un dribble subtil ou frappait comme une mule.

Désormais avec l’âge il ne me reste que des rêves de matchs où j’excelle en marquant des buts historiques que j’arrose en partageant quelques ballons de rosé avec des coéquipiers reconnaissants ! 

(1) Le ballon rouge court-métrage de Albret Lamorisse sorti en 1956

Cet article a 5 commentaires

  1. François

    Bonjour J-M !
    https://vimeo.com/404622247
    Cadeau de l’INA à notre écrivain pour qu’il retrouve ses larmes de collégien ! !
    À vous tous et toutes, appréciez le magnifique décor « ♫ que les moins de cinquante ans ne peuvent pas connaître ♫ Monmartre en ce temps -là … ♫ » et ….rajeunissez ! ! !
    Amicalement.

  2. J.J.

    Pour faire le complément au Ballon Rouge, on peut ajouter Crin Blanc, du même Albert Lamorisse. Beaux films mais qui m’ont mis mal à l’aise avec des dénouements plutôt pessimistes (du moins, pour ce qu’il m’en souvient).

    Manque le bleu de la cocarde des Patriotes de 1789.
    Enfin, Ça ira !

  3. christian grené

    Et moi, j’me souviens de mes « cinq semaines en ballon » avec mon pote Julot. Après quoi il m’a proposé « vingt mille lieues sous les mers », où j’ai pas pu le suivre en raison de mon hydrophobie congénitale. J’me suis pas déballonné, j’lui ai dit que j’préférais « les 500 millions de la Bégum ». Avec ça j’pouvais m’offrir « le tour du monde en 80 jours »… en passant par Créon.

  4. Laure Garralaga Lataste

    …  » le fait de finir au ballon pour un retour à la normale d’un taux ayant provoqué l’intérêt des représentants de l’ordre n’a rien de bien excitant.  » Et que ceux et celles qui n’ont jamais pêché haussent le thon !

  5. Laure Garralaga Lataste

    Si les Pékinois voulaient discrètement… filmer le Super Bowl, ils auraient dû faire comme les enfants… le tenir par une mince ficelle !

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