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La défiance ne prendra pas sa retraite de sitôt

Comme prévu le débat sur la réforme des conditions d’accès aux droits à pension s’est achevé à minuit sans vote de la part des députés symbolisant une démocratie représentative déjà mal en point, il y a tout à craindre de la suite de la législature. Il s’agit d’un fiasco absolu de la stratégie de la Nupés, d’une réussite par défaut du RN et un grand soulagement pour les LR…Certes la Renaissance sort en lambeaux mais on s’en moque. La fin du débat a ressemblé à une sortie houleuse d’un match de rugby de quatrième série des années glorieuses des derbies de clocher. 

L’opposition a perdu une bataille mais absolument pas la guerre mais elle devra s’y préparer de manière beaucoup plus modeste et plus efficace. Alors que les Français attendaient que les parlementaires complètent par une attitude ferme, claire et durable les positions prises de manière responsable et solidaire par les syndicats, ils ont eu droit à une obscure bagarre de chiffonniers. En fait la Nupés sous le regard amusé du RN a transféré la responsabilité de faire échouer le texte à la rue…Un calcul très dangereux en cette période du populisme triomphant ! 

Un député a en effet comme rôle essentiel de porter par son vote les positions supposées être celles de la majorité qui lui a valu son élection. Encore une fois les électrices et les électeurs mettront tout le monde dans le même panier ou dans la poubelle des espoirs déçus. Comment saura-t-on qui en définitive a approuvé ou désapprouvé le texte gouvernemental ? Un scrutin public, nominal permettait de fournir une indication pour l’avenir. La Nupes a privé de cette clarification et c’est sa responsabilité. Personne n’aura voté contre la loi ! 

Certes il est aisé de savoir que la Gauche aurait pris position contre les propositions biaisées ou réactionnaires de la majorité minoritaire en cours mais concrètement ça n’apparaîtra pas dans l’Histoire. Stratégiquement elle a tout mis en œuvre pour empêcher cette issue. On peut y voir plusieurs raisons venant des réflexions internes au sous-groupe dominateur de LFI.

La première c’est que le mélange des voix hostiles aurait privé les troupes insoumises de l’exclusivité du combat d’opposition. Le RN qui tente de se fondre dans le décor de manière à accentuer sa dédiabolisation se serait donné un statut que le combat parlementaire ne lui a pas donné. Il a fait le mort ou presque en partant du principe que qui ne dit mot consent et ne prend aucun risque. 

Ce calcul de la paralysie salvatrice pour inscrire dans l’opinion publique un « label » d’opposants exclusifs va se révéler peu productif. Tous les incidents (surtout les plus médiatisés) ont contribué à cette tentative d’obtention d’un label d’opposant pour une formation politique certes résolue, obstinée et virulente mais désormais éclatée. Alors que les manifestations syndicales sont robustes, sereines et suivies le contraste de cette pagaille désorganisée ne sera pas à l’avantage des députés. Les sondages le démontreront très vite. La LFI aura fait perdre de son influence à la Nupes, c’est une certitude.

Comme encore une fois le RN ayant déposé une motion de censure (rejetée) postérieure au débat sur la loi sait fort bien que ni les LR, ni la Gauche ne la voteraient…le piège s’est refermé. Ses députés seront finalement les seuls à s’être personnellement et directement opposés à la retraite à 64 ans. On ne retiendra que ça ! Ils vont fanfaronné en clamant qu’il n’y a qu’eux qui concrètement sont de vrais opposants !

La très grande majorité de la population n’a que faire des arguties constitutionnelles sur la possibilité ou l’impossibilité de prolonger un débat au sein du Palais Bourbon, sur les rappels au règlement, sur les querelles liées à de seuils ou à des taux abscons, des accusations plus ou moins sincères. En refusant de répondre aux questions précises les ministres en service commandé ont joué la montre pour atteindre le gong de minuit. A leur manière et par leur mutisme ils ont laissé pourrir les dernières heures du débat. C’est un fait. Ils savaient que passé ce délai la pression allait retomber et l’opinion ne leur serait pas plus défavorable qu’elle ne l’est actuellement. Au contraire. 

L’assemblée nationale s’est donc tiré une balle dans le pied puisque désormais le rôle essentiel va revenir au Sénat. Ce second point génère une nouvelle atteinte à la démocratie directe puisque les « sages » ne répondent nullement de leurs positions vis à vis des citoyens. On sait fort bien que les arrangements y sont plus faciles, que les débats sont souvent plus techniques que politiques et que la proximité du renouvellement de la moitié de la docte assemblée se profile. LR aura la main et tirera à son tour les marrons du feu avec quelques arrangements de circonstances. 

Les amendements seront ciselés pour que le texte adopté passe aisément en commission paritaire se déroulant dans le secret absolu et qui deviendra ainsi le lieu dans lequel sera définitivement bâti la loi. La décision interviendra donc à la fin mars sans possibilité de débat réel. Une vraie capitulation démocratique dont bien évidemment tous les camps se rejetteront la responsabilité.

Le quinquennat actuel deviendra celui de la défiance totale avec des questions qui ne cessent de grandir sur le décalage entre les préoccupations quotidiennes concrètes du plus grand nombre et des sessions télévisées se déroulant dans le contexte des combats de catch de la Salle Wagram. La Nupés a oublié comme de plus en plus de citoyens ce principe de Lincoln : « un (bulletin de) vote  est plus fort qu’une balle de fusil »

La loi légèrement amendée, truffée de silences coupables, d’évaluations biseautées, de considérations techniques fausses ou de pièges à retardement va poursuivre son chemin réputé démocratique. Les giboulées sociales de Mars se profilent. L’inflation qui va bondir encore dans les prochaines semaines s’ajoutera à ce contexte délétère. Le mélange s’annonce détonnant. La défiance n’est pas prête de partir vers la retraite

Cet article a 8 commentaires

  1. Gilles Baillet

    Tout le monde sait que les débats à l’assemblée ne comptent pour rien. Et encore moins au sénat. Le gouvernement sait qu’il aura une majorité conservatrice pour faire passer sa loi que 90% des actifs ne veulent pas. Tout va se jouer dans les rues et dans les grèves. Un petit groupe d’hommes et de femmes qui impose à l’immense majorité du peuple une loi inique ça s’appelle comment? Une dictature…. Une dictature financière en l’occurrence voulue par la commission de Bruxelles. Macron c’est Daladier en 1938, il pervertit les lois de la République, bafoue la démocratie et installe une dictature qui ne dit pas son nom et qui tend les bras à l’extrême droite… Après Daladier, il y a eu Pétain qui en deux ou trois lois a supprimé la démocratie, en s’appuyant globalement sur l’oeuvre de Daladier.

  2. Gilles Jeanneau

    Tu vois Jean-Marie, même ta prose sur ce sujet ne déclenche pas des salves nourries…
    Cela confirme que les braves gens sont désabusés de la politique ou plutôt des politicards de tout poil.
    Pour ma part, moi qui n’ai jamais adhéré à un parti, après une expérience syndicale en 1968 qui m’a laissé bien des goûts d’amertume, je pense naïvement que c’est joué d’avance; les députés savent tous que les 64 ans sont inévitables, mais ils ne peuvent le clamer haut et fort, victimes de leur posture de façade (ou imposture en vérité).
    Le Sénat n’y changera rien et l’Assemblée Nationale ne pourra que voter une loi qu’elle n’aura quasiment pas débattue…
    Oh, que c’est à vomir cette attitude alors que les grecs nous avaient montré toute la noblesse de la démocratie.
    Allez bonne journée quand même!

    1. Gilles Baillet

      Je ne vois pas pourquoi « les 64 ans c’est inévitable »…

  3. J.J.

    Démocratie !
    Le mot le plus galvaudé au monde ! Même États Unis qui se prétendent démocrates !

  4. Philippe Labansat

    La France n’a pas les outils pour pouvoir expérimenter la démocratie.
    La population plébiscite une cinquième République qui donne tous pouvoirs à un seul homme (une femme, ce ne sera pas de sitôt), installé par toutes les forces aristocratiques du pays.
    Les syndicats peuvent arpenter les rues tant qu’ils veulent, eux non plus n’ont pas les outils pour négocier, exercer un contre pouvoir. J’ai pu le vérifier concrètement, en responsabilité, pendant 30 ans.
    Après X navettes, manœuvres, décrets, un texte gloubibouga deviendra « la loi » obligeant les salariés à travailler au moins jusqu’à 64 ans.
    Pour le débat sur la part de PIB que le pays veut consacrer aux retraites, pour ou contre une augmentation minime des cotisations (compte tenu des gains de productivité), pour le rétablissement ou non de l’ISF, la mise à contribution des super profits, tout le monde repassera. Tout était verrouillé avant même d’arriver à l’Assemblée Nationale…

  5. Philippe Labansat

    Pour illustrer notre accoutumance au pouvoir solitaire, personne n’est choqué de voir où d’étendre des choses comme :
     » Guerre en Ukraine : changement de cap de Macron ! « .
    Alors, je suis ravi d’apprendre que M. Macron change de cap, mais ce qui m’intéresserait de savoir, c’est si la France et ses 67 millions de citoyens changent de cap également !…

  6. facon jf

    Bonjour,
    la médiocratie relayée par la médiacratie a pris le pouvoir depuis longtemps dans notre pays. « Rangez ces ouvrages compliqués, les livres comptables feront l’affaire. Ne soyez ni fier, ni spirituel, ni même à l’aise, vous risqueriez de paraître arrogant. Atténuez vos passions, elles font peur. Surtout, aucune bonne idée, la déchiqueteuse en est pleine. Ce regard perçant qui inquiète, dilatez-le, et décontractez vos lèvres – il faut penser mou et le montrer, parler de son moi en le réduisant à peu de chose : on doit pouvoir vous caser. Les temps ont changé (…) : les médiocres ont pris le pouvoir. » Alain Deneault docteur en philosophie et enseignant en sciences politiques à l’université de Montréal.
    En médiocratie exit les intellectuels, place aux EXPERTS divinités médiatiques que l’on s’arrache sur les plateaux de la médiacratie.
    L’expert, dans la configuration contemporaine, c’est trop souvent celui qui travaille de façon paramétrée, et qui déguise en connaissance des discours d’intérêts. Il est le représentant de pouvoirs qui l’embauchent portant les habits du scientifique désintéressé.
    L’expert ne se contente pas de donner son savoir à des gens afin qu’ils aient tous les outils pour délibérer : il érige une position idéologique en référent objectif, en savoir. Nous dit Alain Deneault.
    L’expert est en quelque sorte un mercenaire du pouvoir, ou des contre-pouvoirs, bien pratique aux législateurs pour masquer les compétences médiocres dont ils font preuve.
    La médiocratie génère du médiocre qui s’insinue partout à tous les échelons de l’appareil de l’état et aussi des entreprises assez grandes pour survivre à ce parasitisme. Calculer. Abdiquer sur d’éventuelles convictions. Faire siens les termes et discours d’intérêts de plus puissants que lui. Se penser toujours en fonction de l’échiquier où il se trouve. Parler la langue qui est douce aux oreilles de ceux qui peuvent lui faire gravir des échelons.
    Feu mon frère disait, pour réussir, il faut savoir faire des graphiques pour illustrer les rapports qui flattent et plaisent aux chefs.
    La classe politique est le reflet parfait d’une société corrompue par des falsificateurs ne pensant qu’a leur propre promotion  » quoi qu’il en coûte » à la société qui les engraisse.

    Alors faire du cirque à l’assemblée pour que de l’autre coté on se victimise… Une erreur stratégique qui permet au gouvernement d’éviter le débat démontrant leur totale incompétence sur le sujet.
    Pour les syndicats, unis pour le moment, se cramponner aux grèves qui ne manquent pas de s’étioler au lieu maintenir la pression tous les samedis dans la rue, une erreur tactique ? Ou la crainte de perdre la main au profit d’une gilet-jaunisation du mouvement agrégeant le mécontentement général ?
    Je crains fort que la médiocrité des acteurs de l’opposition ne serve en toute fin la ploutocratie* qui gouverne en sous-main ce gouvernement de fantoches.

    bonne fin de semaine

    *La ploutocratie (du grec ploutos : dieu de la richesse et kratos : pouvoir) consiste en un système de gouvernement où la richesse constitue la base …

  7. facon jf

    Vous pouvez trouver ici la déclaration complémentaire d’intérêts de Mme Yael Braun Pivet Présidente de l’ assemblée Nationale. Ces éléments ne figuraient pas dans sa première déclaration post élection du 28/07/2022.
    https://www.hatvp.fr/livraison/dossiers/braun-pivet-yael-diam22775-depute-78.pdf
    vous pouvez constater en page 3 qu’elle détient entre autres 4725 parts de la Société : L’OREAL pour un montant de 1 549 327 € entre le 2/10/2022 jour de sa déclaration complémentaire et hier 17/02/2023 le capital estimé de ses parts est de 1 817 235 en 5 mois son capital a grossi de 267 908 € !! Juste en dormant, on peut comprendre que pour elle le travail de nuit des intérimaires chez Loréal pour toucher une retraite … c’est juste anecdotique.
    La ploutocratie en action(s) au perchoir de l’Assemblée.

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