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Retraites : l’automate exonéré, le bénévole ignoré

Le chahut, le tumulte, le bordel, le ridicule, appelez ça comme vous voulez est retombé au Palais Bourbon. Il est vrai que ce sont les vacances scolaires à Paris, qu’un humoriste est sorti des rails, que Neymar a encore et toujours les chevilles qui enflent et que se profile la perspective pour les Bleus ovales de se faire écosser ! Autant de sujet qui oblige le « débat » politique à battre en retraite. C’est probablement le moment de l’alimenter avec des éléments de réflexion sur une autre approche de la loi sur les conditions d’accessibilité aux droits à pension.

Le Président de ce qu’il reste de République semble avoir acquis la certitude que rien n’arrêtera le texte défendu par son gouvernement et qu’il doit rapidement enfourcher un nouveau thème, celui de la valorisation du travail mais pas nécessairement celle des travailleurs. Faire oublier que ceux qui gagnent le plus restent ceux qui dorment sur les profits réalisés par le labeur, la technicité, l’inventivité, l’ingéniosité des autres deviendra le leitmotiv des éléments de langage du Renouveau.

La gloire réside en effet dans la situation du chômage hâtivement présenté comme à son plus bas niveau depuis belle lurette. Une affirmation aussitôt battue en brèche pas des spécialistes qui savent décortiquer des statistiques pouvant au moins laisser une part au doute sur leur fiabilité.

Si tout ce monde travaille et si l’embellie est durable malgré une « déconsommation » qui se profile, une balance commerciale catastrophique, une pénurie en matières premières et un changement des mentalités dans le rapport au boulot. Si c’est le cas le financement des pensions dans le système de répartition ne parait donc pas compromis… ou au moins mieux assuré.

Dans le gloubi-boulga de cette réforme l’argument principal de ses concepteurs repose sur un décalage démographique entre la génération amenée à payer et celle qui recevrait trop tôt. Une prévision contestée mais qui ressortira inévitablement. Quelques malins pensent que le calcul de Bercy n’est pas en terme de cotisations sociales mais de rentrées fiscales puisque deux ans de plus c’est deux ans d’impôts sur le revenu plus élevés que ceux de deux ans de retraité ! Mais ce sont de mauvaises langues.

Par ailleurs le déficit créé par la montée en puissance des robots, du numérique, de l’intelligence réputée artificielle n’entre pas dans le financement des retraites. L’écart entre les créations d’emplois que ce « modernisme productiviste » a généré et les suppressions induites se chiffre en centaines de milliers de postes. Comme toujours les économies réalisées alimentent les dividendes et pas la solidarité sociale puisqu’il n’y a aucune compensation.

Une participation sur les distributeurs bancaires, les automates en tous genres, les distributeurs de tout et de n’importe quoi qui, les caisses automatiques n’aurait rien de scandaleux puisqu’ils n’entrent pas dans le système de production. Le sujet n’a me semble-t-il même pas évoqué ! On n a d’abord cru que l’introduction des nouvelles technologies dans le monde du travail se traduirait essentiellement par une robotisation accrue dans l’industrie qui pousserait doucement les travailleurs vers des emplois de service. Un robot industriel dans un panel de 1 000 salariés ce sont six emplois supprimés et… 0,7 % de salaire horaire en moins pour les autres (1)

On commence tout juste à percevoir que le développement de l’intelligence artificielle (IA) et son passage des formes faibles aux formes fortes pourraient remettre en cause toute l’allocation du travail et transformer lourdement toute l’organisation de la production intellectuelle, en touchant les métiers du juridique, de la santé, du marketing, etc. Ce ne sont pas seulement, comme on l’avait cru d’abord, les tâches basiques de la documentation ou du calcul qui vont être concernées, mais toutes les tâches intellectuelles qui vont être radicalement transformées. L’IA cotisera-t-elle au régimes de retraite ?

Je suis également navré que personne n’ait abordé la place que devait occuper l’engagement dans des responsabilités associatives intégralement bénévoles dans le calcul des trimestres nécessaires à l’accession à une pension convenable. Dans tous les secteurs de la vie sociale les associations tiennent une place colossale pour le maintien des services, la culture, le sport, la solidarité ou l’environnement. La très grande majorité des associations ne fonctionne qu’avec des bénévoles, elles emploient quasiment 1,8 millions de salariés et l’ensemble des associations représentent environ 3,3 % du produit intérieur brut (PIB) français.

Un trimestre pour cinq ans d’engagement associatif avéré n’aurait rien de scandaleux quand on sait combien les bénévoles donnent de leur temps (qui est désormais valorisé et donc contrôlable) pour l’intérêt général. Une notion oubliée.

(1) article deux deux spécialistes américains

Cet article a 6 commentaires

  1. J.J.

    Ce qui met systématiquement en rage ce sont les déclarations certains personnages qui vraisemblablement ne se se sont pas usés à la tâche (mais pas que) à propos de l’âge de la retraite. « La France ne peut pas être le seul pays d’Europe où les gens prennent leur retraite à 62 ans »(Renaud Muselier président région PACA), et de citer des pays où effectivement on n’hésite pas à faire travailler des vieillards (USA cités en exemple, mais les USA sont ils un bon exemple ? Poser la question c’est y répondre).

    Et pourquoi ça ne serait pas le seul pays ?
    Est on obligé de copier les voisins, surtout quand on peut faire mieux ?
    Et si on demandait l’avis aux travailleurs des autres pays, ne préféreraient ils pas que chez eux l’on s’aligne sur la France ?

    Cette manie de toujours s’aligner sur le moins avantageux au lieu d’exiger de profiter ou de faire profiter des mêmes avantages que les autres dénote un esprit rabougri et jaloux, de la part de travailleurs qui ne voient pas plus loin que le bout de leur fiche de paie et d’employeurs cupides qui ne voient pas plus loin que le bout de leur confortable porte monnaie.

  2. facon jf

    Bonjour,
    la finalité c’est de réduire à la portion congrue la part des salariés. Les étapes intermédiaires se succèdent à un rythme qui s’accélère, la délocalisation massive, l’externalisation des activités, l’emploi massif des précaires (intérim, CDD, stages), les auto-entrepreneurs et les stagiaires occupent maintenant une grande part des emplois restants. La robotisation des activités se répand avec l’aide de l’ IA, les caisses automatiques, les démarches dématérialisées et chabots comme recours portent l’estocade aux emplois restants. La masse salariale disparait et avec elle les cotisations sociales ouvrant la voie sacrée ver la disparition des institutions sécurité sociale et retraite.
    Mais alors les salaires s’évanouissent ainsi que leur revalorisation face à l’inflation.
    Et nos grands mamamouchis qui nous gouvernent pour éviter l’embrasement et les émeutes de la faim ont conçu le mécanisme du chèque salvateur.
    M. et Mme Toutlemonde ne peuvent plus se nourrir décemment à midi et voilà le chèque restaurant. M. et Mme Toutlemonde ne peuvent plus partir en vacances et payer les péages et voici le chèque vacances. Puis, le chèque de rentrée car M. et Mme Toutlemonde ne peuvent plus payer les fournitures scolaires pour leur enfants ni les habiller convenablement. Pour M. et Mme Classesupérieures il y a le chèque emploi-service pour payer femme de ménage, nounou ou jardinier. Lorsque le prix de l’essence augmente chèque essence. Pour le fioul domestique qui sert à se chauffer, il y a le chèque chauffage. Mon petit salarié tu as très bien travaillé. Voici 50 € en chèque cadeaux.
    Ces chèques que l’on reçoit, que l’on prend et qu’on utilise sont des chèques de la honte. Ils masquent le véritable problème.
    Quel système économique souhaitons-nous ? Quel partage, quel contrat social ?

    Bonne journée

    1. J.J.

      Si je le dis, je vais me faire lyncher (en particulier par le MEDEF).

  3. Bruno DE LA ROCQUE

    Jean-Marie a mis ce post en ligne et m’en a adressé le lien… et, trouvant un peu de temps en retour d’une visite médicale) je l’ai enfin lu, j’en ai apprécié la teneur, de même que j’apprécie les commentaires de J.J. et Facon JF.
    Par conséquent, en toute logique et par plaisir je l’ai mis en partage en recyclant (auto partage !) un post personnel de fesse-bouc qui fait allusion à la substitution des automates et autres robots aux travailleurs, donc aux COTISANTS. Moins de salariés mais une productivité accrue (l’automation c’est 24/24, 7/7, 12/12 (ou 52/52)) mais absente de la solidarité sociale et de la solidarité fiscale…

  4. Bruno DE LA ROCQUE

    Erreur sur mon adresse fesse-bouc [larocqueseverac est mon compte « images partagées » à visée… posthume 🙂 :-)]

  5. Christian Coulais

    Et oui, c’est le retour de la charité Chrétino-Libérale !
    Merci pour cette chronique, enfin, c’est écrit, c’est dit !
    Combien de salarié.es, fonctionnaires disparaissent dans les méandres du net.
    Après la disparition des relations de visu, sur site, les relations épistolaires n’existent plus tout comme les éventuelles relations téléphoniques.
    Un « chabot » gère nos situations de crise, que nenni !
    Renationalisons ces puissant.es afin de reprendre coopérativement le sens de notre vie.
    Remettons de l’humain, du bons sens, du sens commun et stop aux chèques-bons points !

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