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L’honneur ne coûte plus un bras

Il y a bien des personnes de la sphère publique qui auraient payé un bras le fait de défendre leur honneur avec le geste utilisé par le Garde des Sceaux. Le quatrième ministre du gouvernement dans l’ordre protocolaire s’est offert trois manifestations d’humeur inhabituelles dans une assemblée supposée être exemplaire dans la représentation de la Nation. Il est vrai qu’il ne s’agit que d’une escalade dans la désintégration de la crédibilité du Parlement. Rien de bien grave cependant mais il faut imaginer le déchaînement médiatique qu’aurait provoqué une telle attitude de la part d’un député siégeant dans l’opposition.

Le chœur médiatique des effarouchés n’a pas manqué de piailler face à une manifestation de réprobation considérée comme impolie ou obscène alors qu’elle est restée discrète lorsque les révélations sur les causes de l’ire ministérielle ont été connues. Présumé innocent tant qu’il n’a pas été définitivement jugé (et c’est pas pour demain!) le ministre concerné poursuit son chemin sans être outre mesure critiqué. Cette propension à se pencher sur la forme en oubliant le fond, constitue le danger quotidien pour la démocratie.

Les propos tenus par le Président du groupe LR n’avait rien de scandaleux ou de déplacés. Se présentant ne cheval blanc il avait simplement fustigé le caractère « opportuniste » de la proposition de loi sur l’’exemplarité des élus et la peine d’inégibilité obligatoire prononcé par les auteurs de violences intrafamiliales. Ce texte a été déposé dans les jours qui avaient suivi le retour dans l’hémicycle du député LFI Adrien Quatennens après sa condamnation pour violences conjugales. Là encore un tradition que celle de l’utilisation du principe éternel « action-réaction » qui permet d’avoir la conscience tranquille a posteriori.

« Votre majorité aurait gagné, à s’offrir une séance d’introspection… » avait débuté le député LR dans une diatribe virulente. Et il avait listé longuement les affaires qui impliquent le camp présidentiel : « onze condamnations dans la majorité », « huit mises en examen dont celle du secrétaire général de l’Élysée et celle du garde des Sceaux accusés l’un et l’autre de prise illégale d’intérêt ». Rien de plus exact mais qui ne saurait se dire ! En fait si le ministre de la justice avait voulu réagir de manière efficace ce sont huit bras d’honneur qu’il aurait pu aligner par solidarité.

Si l’on sait encore ce que peut être un bras il devient difficile dans bien des secteurs de la vie sociale de définir ce qu’est l’honneur. Selon Schopenhauer : « L’honneur est, objectivement, l’opinion qu’ont les autres de notre valeur, et, subjectivement, la crainte que nous inspire cette opinion ». La philosophie n’ayant plus sa place dans la culture il y a eu des adaptations en matière de « valeurs » et « d’opinions ». Il n’a pas d’autres repères en ma matière que la notion de condamnation et plus encore de la médiatisation qui en sera faite. Et encore. Il arrive que dans certains milieux ce ne soit pas suffisant puisque la peine prononcée confère notoriété ou compassion.

Les bras d’honneur en cause ne sont donc pas plus scandaleux que ceux plus abstraits causés par la présence sur des plateaux de télé de personnalités ayant subi les foudres de la justice et qui sont conviées à commenter l’actualité devant des millions de gogos ne trouvant rien à redire de leur présence. L’honneur meurt de plus en plus souvent dans les champs de l’indécence. Autrefois il se lavait sur le pré ou dans une clairière avec deux pistolets un arbitre et deux témoins. La dernière explication de ce style eut lieu le 21 avril 1967…

Ce jour là un duel à l’épée opposa deux parlementaires Gaston Defferre, maire de Marseille, député SFIO et président de son groupe à l’Assemblée nationale, et le très gaulliste René Ribière, élu du Val-d’Oise, révoqué de la préfectorale pour avoir assisté, en tenue de sous-préfet, à une manifestation du Rassemblement du peuple français (RPF). La veille, lors d’un débat houleux, alors qu’il était sans cesse interrompu pendant son intervention, Gaston Defferre apostropha son collègue le plus virulent : « Taisez-vous, abruti ! » L’incident dégénèra.

Ribière demanda des excuses à son offenseur, mais le Marseillais les lui refusa. L’offensé lui envoya derechef deux témoins pour exiger réparation. Ayant le choix des armes, il choisit l’épée. Trois assauts et deux estafilades plus tard, l’arbitre Jean de Lipkowski, un gaulliste de gauche, arrêta le combat, Ribière a deux blessures sans gravité et quelques gouttes de sang suffirent pour que le combat cesse. Oublié ! C’était pour le folklore.

Deux bras d’honneur et demi plus tard la politique en France a une fois encore plongé dans les apparences, la médiocrité et l’outrance. Sauf que selon la fameuse réplique que Pagnol prête à césar : «L’honneur c’est comme les allumettes : ça ne sert qu’une fois. »

Cet article a 4 commentaires

  1. Rechercher "Marseille"

    Belle Pagnolade !

  2. J.J.

     » Présumé innocent tant qu’il n’a pas été définitivement jugé (et c’est pas pour demain !) le ministre concerné poursuit son chemin sans être outre mesure critiqué. »
    Oui mais tout arrive à qui sait attendre, nous aurons peut être bientôt la satisfaction de voir l’inénarrable Bayrou sans peur et sans reproche paraître en correctionnelle.

     » Cette propension à se pencher sur la forme en oubliant le fond, constitue le danger quotidien pour la démocratie. »
    En effet, on peut arguer de la présomption d’innocence, certes, mais elle implique « de facto » la présomption de culpabilité.

    « Rien de bien grave cependant mais il faut imaginer le déchaînement médiatique qu’aurait provoqué une telle attitude de la part d’un député siégeant dans l’opposition. »
    En effet, lorsque François Ruffin avait eu l’incroyable audace de se présenter à la Chambre en maillot de footballeur pour défendre la cause des clubs amateurs, il avait semble -t- il été non seulement critiqué mais sévèrement puni pour une aussi incongrue et lourde faute. Ah mais !

    Quelques années avant l’affaire Deffere, c’est le duel entre le marquis de Cuevas, connu pour son célèbre ballet, et le non moins célèbre(à l’époque) chorégraphe Serge Lifar qui avait défrayé la chronique.

  3. facon jf

    bonjour,
    Mais oui nous vivons en présence d’ un Méprisant de la Ripoublique pratiquant en PERMANENCE le bras d’honneur au peuple des Gueux.
    Je ferais volontiers un top 10 des macronistes confrontés à la justice, mais ils sont déjà une trentaine… Dont bon nombre sont maintenus en fonctions je citerais Thierry Solère Le 11 octobre 2019 il est mis en examen pour fraude fiscale, détournement de fonds publics et trafic d’influence. Il est l’un des principaux artisans de la campagne d’Emmanuel Macron pour l’élection présidentielle de 2022. Bénévole et occupant un bureau au deuxième étage de l’Élysée, il est en particulier chargé de négocier des ralliements de personnalités de droite. Alexis Kohler Outre son rôle dans l’affaire Benalla – Alexis Kohler, secrétaire général de l’Élysée, avait eu connaissance des agissements violents dès le mois de mai et n’a rien fait savoir à la justice, à l’instar de l’Intérieur et de l’Élysée – ce très proche d’Emmanuel Macron est embourbé dans une affaire de conflit d’intérêts. Alexis Kohler, a été mis en examen le 23 septembre dernier pour « prise illégale d’interêts » […] une information confirmée ensuite par le parquet national financier. Alexis Kohler a par ailleurs été placé sous le statut de témoin assisté pour « trafic d’influence ». » Du côté du président de la République, on ne tortille pas : Alexis Kohler est et restera à son poste. Coûte que coûte.
    Mai 2017. Emmanuel Macron commence tout juste son mandat. Trois membres du MoDem font partie du gouvernement, à des postes majeurs : François Bayrou à la Justice, Marielle de Sarnez aux Affaires européennes et Sylvie Goulard aux Armées. François Bayrou aura tout juste le temps de porter sa « grande » réforme de « moralisation ».
    En juillet 2017, le parquet de Paris ouvre une information judiciaire pour abus de confiance, recel d’abus de confiance et escroqueries concernant des soupçons d’emplois fictifs d’assistants au Parlement européen. Les trois démissionneront dès juin 2017.
    S.Goulard est nommée seconde sous-gouverneure de la Banque de France en janvier 2018. L’année suivante, elle est proposée par le gouvernement français pour devenir commissaire européenne au sein de la commission von der Leyen, mais le Parlement européen rejette sa candidature, dans un contexte de controverse autour de l’emploi des assistants parlementaires.
    En décembre 2022, elle quitte la Banque de France et réintègre le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères.
    Bayrou en 2020, il est nommé haut-commissaire au plan par Emmanuel Macron. En 2023, il est renvoyé en correctionnelle pour détournement de fonds publics dans une affaire d’emplois fictifs.
    Marielle de Sarnez en 2017, elle est brièvement ministre chargée des Affaires européennes, avant de démissionner du gouvernement après avoir été citée dans l’affaire des assistants parlementaires du MoDem au Parlement européen — affaire qui lui vaudra d’être mise en examen en 2019 pour détournement de fonds publics. Elle siège ensuite comme députée, élue dans la onzième circonscription de Paris, et prend la présidence de la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale ; elle occupe ces fonctions jusqu’à sa mort.
    Éric Dupond-Masérati : « Le garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti, a été mis en examen pour « prise illégale d’intérêts » par les magistrats de la Cour de la justice de la République (CJR) chargés d’enquêter sur de possibles conflits d’intérêts avec ses anciennes activités de pénaliste, ont annoncé ses avocats. […] Dans cette affaire, l’ancien ténor du barreau est soupçonné d’avoir profité de sa fonction de ministre pour régler ses comptes avec des magistrats avec lesquels il avait eu maille à partir quand il était avocat, ce qu’il réfute. »
    La liste des condamnés est longue Alain Griset Ministre délégué auprès du ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance, chargé des Petites et Moyennes Entreprises. En appel, l’ex-ministre a été condamné à quatre mois de prison avec sursis. Sira Sylla
    Harcèlement moral, non-paiement d’heures supplémentaires et de journées de repos, manquement à l’obligation de sécurité. Voilà le beau palmarès de Sira Sylla, députée LREM de 2017 à 2022. Le 6 septembre 2022, elle a été reconnue coupable de ces faits par le conseil des prud’hommes de Rouen.
    M’Jid El Guerrab Le 31 août 2017, M’Jid El Guerrab, alors député LREM, frappe violemment à coups de casque Boris Faure, un cadre du PS. Deux coups qui causeront un traumatisme crânien au socialiste.Le 12 mai 2022, Boris Faure tweete : « Mon agresseur est reconnu coupable pleinement. 3 ans de prison dont 2 avec sursis et 2 ans d’inéligibilité. »
    Jean-Paul Delevoye « L’ancien haut-commissaire aux retraites a écopé de quatre mois de prison avec sursis et 15.000 euros d’amende pour ne pas avoir déclaré plusieurs mandats à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique. »
    Jérôme Peyrat en septembre 2020, ce conseiller d’Emmanuel Macron quitte son poste élyséen. Et pour cause : il vient d’être condamné pour violences envers son ex-compagne à 3000 euros d’amende avec sursis.
    Stéphane Trompille en mai 2020 : « Stéphane Trompille a été condamné par le conseil des prud’hommes de Bourg-en-Bresse pour « harcèlement sexuel » envers une ex-collaboratrice.
    Mustapha Laabid le 6 août 2019, le député LREM Mustapha Laabid a été condamné à six mois de prison avec sursis, trois ans d’inéligibilité et 10.000 euros d’amende pour abus de confiance.
    On ne compte plus les mise en examen et enquêtes en cours Damien Abad, Caroline Cayeux, Chrysoula Zacharopoulou, Nathalie Elimas, Laetitia Avia, Sébastien Lecornu, Olivier Dussopt, Jean-Jacques Bridey, Laura Flessel, Françoise Nyssen, Muriel Pénicaud.

    Éric Dupond-Masérati peut bien démissionner son cabinet d’avocats ne manquera pas de travail avec la Mac-Ronnie aux bancs des accusés.

    Alors qu’il avait fait campagne en 2017 sur la « République exemplaire », Emmanuel Mac-ronds est bien le plus grand brasseur de France de la galaxie et même au-delà.

    Bonne journée

  4. Gilles Jeanneau

    L’honneur Jean Marie, il n’y a plus que quelques personnes comme toi pour l’avoir.
    Et depuis Pagnol, la situation a empiré c’est sûr.
    L’une des causes de la désaffection du peuple envers les politicards vient bien de cette absence criante de scrupule de la part de nos dirigeants.
    Ce qui me surprend le plus, c’est que malgré les réseaux sociaux et le développement des médias, il y ait encore assez de gogos pour aller voter Macron alors que comme le rappelle jf tout le monde connaît son entourage et ses entourloupes.
    Non, vraiment ce monde n’est plus ce qu’il était… et c’est à désespérer de tout.
    Allez, bonne journée quand même

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