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L’illustration de la déliquescence démocratique

« Nos régimes sont considérés comme démocratiques au sens où le pouvoir sort des urnes à l’issue d’une compétition ouverte et où nous vivons dans un État de droit qui reconnaît et protège les libertés individuelles. Démocraties certes largement inachevées. Les représentés se sentent ainsi souvent abandonnés par leurs représentants statutaires, et le peuple, passé le moment électoral, se trouve bien peu souverain. » Pierre Rosanvallon (1) pour lequel j’ai un profond respect résume parfaitement ce que nous devons penser de la séquence politique actuelle. Alors que le partage du pouvoir (2) devrait sans cesse animer la vie socio-politique nous nous retrouvons dans l’affrontement permanent d-s que les bureaux de vote sont fermés. La légitimité de la représentation donnée par l’élection ne saurait être remise en cause.

Le débat ouvert par celui qui doit certes garantir le bon fonctionnement de la démocratie représentative (et nul ne conteste cette nécessité) ne tient absolument pas compte du fait, comme l’écrit encore Rosanvallon que « l’erreur est de croire que l’élection suffit à la démocratie » Elle constitue en effet un début mais surtout pas une fin en soi. Désormais les scrutins marqués par des taux d’abstention record donnent un siège mais n’assurent absolument une garantie de représentativité.

La référence au pourcentage des suffrages exprimés n’a plus grande valeur et fausse la perception que l’on peut avoir de la fameuse légitimité puisque parfois le grand triomphateur reste la part de l’électorat qui n’a pas voté. Un Président élu avec un peu plus de 38 % du corps électoral et qui passe accède au second tour avec seulement 20 % d’approbation de son programme. Et ce n’est pas la seule situation de ce type. Dans certaines circonscriptions des députés de tous bords ont réalisé des scores encore plus faible. De quoi relativiser la fameuse « légitimité » de leur vote ou de leur décision.

Affirmer sans cesse qu’en étant désigné le citoyen, quel que soit son niveau, devient le lendemain par essence le représentant de tous les habitants quelles que soient leurs opinions on installe une supercherie notoire. «Nous sommes une grande nation et un vieux peuple, qui se dotent de responsables qu« La foule, quelle qu’elle soit, n’a pas de légitimité face au peuple qui s’exprime souverain à travers ses élus (..,) Ils ont une légitimité politique. Président de la République, parlementaires : ils sont élus par lui (…)». Certes et nul ne le remet en cause sauf une minorité qui a existé dans absolument toutes les périodes de la V° République avec des formes différentes. La violence reste relative et n’est pas toujours dans le camp des contestataires.

Associer dans une seule formule « les factieux et les factions » c’est d’abord agiter la peur. Le premier de ces mots fut dans la bouche du Général de Gaulle le 18 octobre 1962 lors de son discours chantage lié au référendum sur l’indépendance de l’Algérie : « Si votre réponse est « non », comme le voudraient tous les anciens partis afin de rétablir le régime de malheur, ainsi que tous les factieux pour se lancer dans la subversion, de même si la majorité des « oui » est faible, médiocre et aléatoire, il est bien évident que ma tâche sera terminée aussitôt et sans retour. » Le contexte pour celles et ceux de plus en plus rares qui font référence à l’Histoire, était bien différent.

Une référence à Pierre Mendés-France s’impose et devrait être rappelé à chaque élu. Il conseillait en 1962 (3) :« La démocratie ne consiste pas à mettre épisodiquement un bulletin de vote dans une urne, à déléguer les pouvoirs à quelques élus, puis à se désintéresser, s’abstenir, se taire pendant cinq ans, elle est action continuelle du citoyen…  Si cette présence vigilante ne se fait pas sentir, les gouvernements, les corps organisés et les élus en butte aux pressions de toute sorte de groupes cèdent bientôt soit aux tentations de l’arbitraire, soit à la routine et aux droits acquis. La démocratie n’est efficace que si elle existe partout et en toit temps. »La situation actuelle n’est que la résultante d’une dramatique déliquescence de la démocratie. Une élection ne permet pas d’avoir raison contre tous. La gouvernance est au moins aussi importante que la liste d’un programme.

Il faudra bien que l’on mette en place de vrais lieux d’écoute, d’échange, de partage afin justement de ne pas construire des projets contre le Peuple, invoqué comme une entité possédant toutes les vertus quand il vote favorablement mais devenant « la foule » quand il conteste. Il faudra bien que l’on relance une authentique politique d’éducation populaire autre que ces foutus « plateaux » qui donnent la nausée républicaine si on en consomme trop.

Depuis des années, les pratiques politiques ne se sont pas renouvelées. Elles continuent à noyer les problèmes dans des « Grenelle  sur tout et n’importe quoi», des « commissions noyautées», des « conseils alibis », des « rapports pour ensuite se moquer des suggestions faites malgré tout les obstacles. Plus personne n’y croit car le concertation consistant à demander une approbation de ce que l’on a décidé antérieurement devient la méthode qui se répand.

En ayant transformé les citoyens en consommateurs et en continuant à le faire par des biais le pouvoir en place comme les précédents on ruiné la confiance. Ils se retrouvent face à un retour de bâton douloureux et ils se plaignent d’avoir mal. La réponse n’est pas à la hauteur de l’enjeu. Nous le paieront cher !

(1) Pierre Rosanvallon est un historien et sociologie spécialiste de l’histoire de la démocratie, du modèle politique français, du rôle de l’état et de la question de la justice sociale

(2) le partage du pouvoir local Editions Le Bord de L’eau par votre serviteur

(3) La République moderne : propositions, Paris, Gallimard, collection « Idées », n° 18, 1962, 256 p.

Cet article a 10 commentaires

  1. christian grené

    Bonjour à tou(te)s. Je n’en tire nulle fierté, mais il y a bien longtemps que je me détourne des urinoirs où chacun vient choisir son bulletin avant de choisir pour le déposer dans les burnes funestes. Ni Dieu, ni maître. Na!

  2. J.J.

    La référence à Pierre Mendès France est évidemment parfaitement adaptée à cette situation. Le malheur est que Pierre Mendès France était un homme honnête, intelligent, compétent et n’avait donc aucune chance d’être écouté et de réussir en politique.

    Hier, prévoyant le déluge de logorrhée et de carabistouilles, ne voulant pas compromettre la qualité de ma digestion, ni risquer de troubler mon repos post prandial, j’ai évité d’écouter les élucubrations du petit marquis prétentieux et têtu, serviteur obséquieux de ses maitres du Kapital.
    Mais j’ai constaté dans les journaux du soir encore une fois la violence , la brutalité inouïe avec les quelles les citoyens qui veulent manifester leur mécontentement sont traités. Pas de nuance non plus avec les amateurs de sport déçus (incidents au Stade de France décembre 2022).

    Bizarrement, alors que se produit le moindre rassemblement contestataire de la scélérate loi retraites, ou contre les non moins scélérates bassines, que l’on voit des remparts de boucliers portés par des individus harnachés comme partant pour la Croisade, qu’apparaissent des forêts de gyrophares bleus et que s’étirent les nuages de fumées lacrymogènes, lors du défilé de tracteurs (de la FNSEA pour la plupart) pour la Journée de l’Eau, alors que même certains ont embarrassé et sali les routes en y larguant vieux pneus et déchets de toute sorte, on n’a pas aperçu le moindre uniforme bleu.
    Sans commentaire

  3. Philippe Labansat

    Oui, notre pays est arrivé à un blocage, et il n’y a pas de rèponse démocratique.
    Faute d’avoir fait évoluer nos institutions à temps, notre Prince a suivi la pente solitaire et autoritaire que lui offre la Constitution et nous voilà tous dans un cul de sac.
    À la révolte qui monte, le Prince ne pourra plus que s’opposer qu’une répression croissante. Notre Conducator, en refusant la désescalade par le retrait de sa loi, engage le pays dans une voie bien périlleuse et maintenant, c’est carrément son avenir personnel qui est en jeu…

    1. J.J.

      Suis-je bête, je n’avais pas compris que notre bien aimé président était notre nouveau Leader Maximo, comme disent les yankees.

  4. Mothe

    Bravo!
    Fl.M.

  5. J.J.

    Je suis très touché par l’approbation de madame Mothe à l’article de Jean Marie.
    J.J. Modeste mélomane et jardinier, auditeur fidèle et admiratif des « Concerts imaginaires » et des émissions du regretté Michel Lys.

  6. facon jf

    Bonjour,
    il faut remonter aux élections présidentielles de 1969 pour retrouver un score équivalent en % de voix au second tour de président mal élu. 37.5 % des inscrits pour Pompidou face à Poher le bonnet blanc/ blanc bonnet pour ceux qui s’en souviennent.
    Face à des journalopes sans charisme et une déontologie ( des hontes au logis !) sous la carpette. Le maréchal président du palais explique, imbuvable au demeurant de suffisance et de provocations, que jamais les pauvres n’ont été aussi riches !
    Totalement hors sol sa sainteté présidentielle se considère réélue brillamment et de son point de vue il n’est pas du tout impopulaire !
    Par 3 fois la gauche ou se qu’il en reste la sauvé pour se faire cocufier dans les grandes largeurs !!
    La première fois en 2017 en le portant au pouvoir pour faire barrage.
    La seconde fois en reprenant en grande partie le contrôle par la base du mouvement des Gilets Jaunes et en prenant grand soin de ne pas faire se joindre les syndicats et les travailleurs à ces mouvements populaires.
    La troisième en 2022 en faisant à nouveau barrage à Marine le Pen.
    Oint de la sainte onction populaire le locataire à durée déterminée, du moins on l’espère, a multiplié les provocations créant de ses nobles mains le chaos.
    Chaos qui sera la meilleure des excuses pour déclencher l’Article 16 de la Constitution et de s’arroger les pleins pouvoirs.
    Sous vos applaudissements !! « le but de la politique est de garder la population inquiète et donc en demande d’être mise en sécurité, en la menaçant d’une série ininterrompue de monstres, tous étant imaginaires ». Henry Louis Mencken surnommé « le sage de Baltimore » ou encore « le Nietzsche américain ».
    « Malheur à toi, pays, dont le roi est un enfant» ou de l’Ecclésiaste aux GJ en passant par la Covid, l’inflation, les réformes Ubuesques jusqu’à la guerre en dernière extrémité…

    Bonne journée

    1. J.J.

      « Pompidou face à Poher le bonnet blanc/ blanc bonnet pour ceux qui s’en souviennent. » Dans mon « monde » on disait plutôt charitablement la peste ou le choléra.

      Le surnommé Dardmalin. Encore un recommandable individu, particulièrement
      représentatif de cette belle République exemplaire.

  7. facon jf

    ici une illustration de comment le successeur pressenti de la première ministre usée jusqu’à la corde répond à une question précise.

    https://www.facebook.com/watch/?v=632790151950415&extid=CL-UNK-UNK-UNK-AN_GK0T-GK1C&mibextid=1YhcI9R&ref=sharing

    Le surnommé Dardmalin est un homme particulièrement reconnu pour son respect des femmes. Accusations de viol et de harcèlement en 2017 affaire Sophie Patterson-Spatz.
    Accusations d’abus de faiblesse en 2018 relations sexuelles en échange de l’obtention d’un logement et d’un emploi en 2015. Accusations d’homophobie plusieurs tweets qu’il avait écrits lors des débats autour du mariage homosexuel . Reprise de propos antisémites en cause certains passages de l’essai de Gérald Darmanin publié en février 2021 Le séparatisme islamiste – Manifeste pour la laïcité .

  8. facon jf

    Dans l’agenda de L’Élysée on peut lire à la date du 16 mars dernier
    13h00 Déjeuner
    Déjeuner avec M. Serge WEINBERG, Président du Conseil d’Administration de SANOFI, M. Paul HUDSON, Directeur général de SANOFI, et Mme Audrey DERVELOY, Présidente de SANOFI France.
    On se demande pourquoi ?
    La réponse est ici
    https://blogs.mediapart.fr/arthur-porto/blog/310122/macron-et-l-ami-serge-de-sanofi
    La république des copains et des coquins

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