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Halte au feu car c’est la mort des idées

La France se réveille ce matin avec la gueule de bois. Enfin il faut être prudent avec le bois compte tenu de tout ce qui a brûlé un peu partout durant les manifestations de contestation à l’égard de la loi réformant les conditions d’accessibilité à la pension de retraite. Les flammes ont embrasé les écrans de télévision et passeront en boucle durant de longues heures tout aujourd’hui. Les poubelles pour aller lancer avec les copains de manif jouent un rôle essentiel dans ces mises à feu de lieux publics ou privés. Sans vouloir en tirer des conclusions hâtives il faut imaginer que par ces incendies les plus extrémistes des protestataires illustrent leur volonté de « purifier » le monde des décideurs.

La porte d’entrée du Palais Rohan s’est consumée après qu’un feu ait été allumé contre elle. Une réalisation séculaire d’une taille imposante a été la victime de cette soif de détruire animant bien trop d’individus ne croyant plus dans le fonctionnement social. L’indignation sera à la mesure de ces comportements. Les deux battants de l’accès à l’hôtel de ville bordelais deviendront des victimes emblématiques du comportement des « factieux et des factions ». En prenant la porte les incendiaires ont porté un coup terrible à un mouvement dont l’ampleur suffisait à démontrer le bien-fondé des critiques formulées envers les décideurs refusant de battre en retraite. Facile car le combat pour convaincre exige plus d’énergie, d’intelligence, de travail et d’opiniâtreté que la mise à feu d’un poche poubelle. 

Lors de la nuit de la Saint Sylvestre 2022, sans qu’il y ait d’enjeu social aussi important, le ministre de l’intérieur avait souligné le jour du nouvel an l’absence d’« incident notable » l, précisant que 690 automobiles avaient été incendiées en France en quelques heures et que ce nombre avait diminué de 20 % (874 en 2921 et 1316 en 2020). Il vantait les mérites des fonctionnaires de service ce soir-là qui avaient réussi à juguler un phénomène « gratuit » et «aveugle ». Les destructions de poubelles n’étant pas recensés et les chaînes de télés avides d’images affolant le retraité paisible ne travaillant pas ces nuits là, le phénomène n’a jamais produit autant de minutes de diffusion.

Parmi les millions de protestataires moins de 10 000 cumulés si l’on se fie aux estimations officielles ont encore une fois transformé une démarche citoyenne responsable en chaos ponctuel exploités médiatiquement. L’image de la porte du Palais Rohan en feu fera le tour du monde, tournera en boucle sur les réseaux sociaux, fera l’objet de déclarations… enflammées et occultera la mobilisation historique dans les rues bordelaises. Il en sera de même à Rennes, Lorient, Paris ou Toulouse alors que dans des centaines d’autres rassemblements il n’y a eu aucun incident.

Quel travail effectuent les services de renseignements territoriaux sur ces mouvements structurés, revendiquant la violence comme moyen de changer la société. Il est certain que leur mobilisation hier n’avait rien du hasard. Quasiment absents des rendez-vous d’unité syndicale antérieurs ils affichent un stratégie claire : exploiter le mécontentement profond, surfer sur une forme de défiance exacerbée, décupler leur capacité de nuisance au meilleur moment du mouvement social. Dans le monde actuel où les citoyens non-violents sont sous surveillance permanente, il est évident que c’est un nouvel échec pour le pouvoir en place. Impossible qu’il ne sache rien de ce que ces groupes préparent. 

Le maintien de l’ordre républicain reste certes un exercice de plus en plus difficile compte tenu d’éléments nouveaux et là encore il vaudrait mieux prévenir que sévir. Facile à écrire mais plus difficile à mettre en œuvre. La violence se répand comme une tâche d’huile visqueuse à tous les niveaux. Elle n’est pas nouvelle. Verbale, physique, psychologique, sociale, financière, religieuse elle s’étend inexorablement puisque l’éducation et la culture ne prennent plus en compte la lutte contre ses effets. Le feu lui a toujours permis de se concrétiser et de déferler. Ce n’est pas pour rien que les Croix de feu ont existé et que dans le cas bordelais de fortes suspicions d’une action contre la mairie de gauche montée par un groupe fascisant existent déjà. 

La dénoncer est indispensable. Ressasser qu’elle est inacceptable rassure. Condamner un crime est inévitable. Est-ce suffisant ? Non. Tenter dans connaître les causes, les racines, les fondements se révèle bien plus utile. En fait elle pousse sur l’absence de dialogue, sur le terreau de toutes les formes d’intolérance ; elle se nourrit du sentiment de mépris, de l’impuissance que l’on ressent à être écoutés et compris ; elle se développe grâce à l’absence criante d’espoir dans une idéologie constructive.  On leur donne un baril de poudre à exploiter. Ils ne se privent pas d’allumer la mèche. 

Il y a quelques jours le Maire de Saint-Brévin les Pins a vu une bonne part de ses biens partir en fumée. Les opposants au déménagement d’in centre d’accueil pour demandeurs d’asile sur le territoire de sa commune l’avaient menacé. Ils ont incendié les annexes de son domicile et ses véhicules. L’émotion n’a pas forcément transpiré sur les plateaux préoccupés par le surmulots parisiens mais pas par le sort d’êtres humains détenus dans des conditions inadmissibles et plus encore sur un acte criminel délibéré visant une famille au seul prétexte que son chef assume une fonction républicaine avec tolérance et compréhension.

Cet article a 11 commentaires

  1. christian grené

    Les vandales n’auront pas lu un récent sujet en « Roue Libre », sinon ils eussent fait… TikTok à la porte du Palais Rohan pour entrer en l’hôtel de ville. Bonjour à tou(te)s!

  2. J.J.

     » Impossible qu’il(le gouvernement) ne sache rien de ce que ces groupes préparent. »

    Non seulement il est impossible qu’il ne sache rien, mais plutôt quasi évident qu’il sache tout, dans la mesure où ce genre d’action est dument organisé et programmé : en « haut lieu » on n’hésitera pas, même au prix d’événements plus graves et même dramatiques, à tout faire pour décrédibiliser les mouvements de protestation. On nous a déjà fait le coup avec les Gilets Jaunes.
    Les black block ont de beaux jours devant eux ( sauf avec les manifestations FNSEA ou manif pour tous, à l’occasion desquelles ils prennent leurs RTT).

    Malheureusement ça marche toujours, surtout quand on a affaire à des imbéciles come celui qui était interviouvé hier soir sur la « Une » et qui vitupérait les « jeunes « qui défilent et manifestent alors qu’ils ne sont pas concernés par les retraites ». Difficile de faire plus bête, mais c’est ce genre de minus habens qui va voter.
    J.J. complotiste DPLG

  3. Pontoizeau-puyo

    Qui seme le vent, récolte la tempête.
    Mais les dégradations et violences sont inadmissibles. Et maintenant ?

  4. florence Mothe

    Bravo pour ton papier. Brûler une porte magnifique du XVIII° siècle est complètement con. Chaban doit se retourner dans sa tombe. Reste qu’il n’y a qu’un seul coupable à tout ça : Macron.

  5. LAVIGNE Maria

    Envie de pleurer en regardant brûler notre patrimoine ! Le responsable est bien au chaud et continue à mépriser le peuple. Ne pas oublier l’affaire BENALLA et les paroles du président, gonflant la poitrine, affirmer qu’il était responsable et qu’on aille le chercher. Rappeler vous aussi les paroles de l’ancien ministre de l’intérieur en parlant de l’orgueil de celui qu’il avait rallié.
    Mardi, je serai dans la rue, pacifiquement, comme toujours

  6. facon jf

    Bonjour,
    le feu ! Volé aux dieux par Prométhée, le feu ce symbole est retrouvé dans toutes les civilisations. Le feu de la Géhenne que l’on trouve dans la bible traduit dans les évangiles sous le vocable de feu de l’enfer. “Le mot Géhenne est la forme grécisée du nom de la vallée de Hinnom, près de Jérusalem, vallée où l’on entretenait des feux perpétuels pour consumer les détritus de la ville. C’est là une image frappante de la destruction définitive.”
    Le feu qui porte en lui les craintes de l’humanité et qui représente pour les chrétiens le jugement dernier et l’enfer. Les civilisations récentes menacent leurs ennemis du feu nucléaire.
    L’utilisation du feu dans les révoltes est fréquente et elle est aussi utilisée pour manipuler l’opinion. L’incendie du Reichstag qui a ravagé le siège du Parlement allemand à Berlin dans la nuit du 27 au 28 février 1933. Cet incendie a été la manipulation politique permettant de priver les Allemands de l’essentiel des libertés civiles et politiques .
    « C’est un signe de Dieu, Herr Vice-Chancelier ! Si ce feu, comme je le crois, est l’œuvre des communistes, nous devons écraser cette peste meurtrière d’une main de fer ! »
    Hitler au vice-chancelier von Papen, le 28 février 1933.
    Depuis bientôt un siècle les historiens multiplient les théories sur qui a incendié le symbole de la démocratie germanique.
    Dés septembre de la même année les questions posées par l’avocat Français Me de Moro-Giafferi nous renseignent.
    « Quel était à Berlin, le 27 février au soir, l’homme qui détenait les clés du Reichstag ?
    Quel était l’homme qui en commandait la police ?
    Quel était l’homme qui pouvait en activer ou en arrêter la surveillance ?
    Quel était l’homme qui détenait la clé du souterrain par lequel on semble avoir pénétré ?
    Cet homme, c’était à la fois le ministre de l’Intérieur de Prusse et le président du Reichstag : c’était Hermann Göring »
    La réponse est apparue plus tard. Göring déclare au général Franz Halder que « le seul qui connaisse bien le Reichstag, c’est moi ; j’y ai mis le feu », déclaration que Halder mentionne lors de son témoignage au procès de Nuremberg.
    Dans le rôle de l’idiot utile Marinus van der Lubbe un communiste internationaliste originaire des Pays-Bas est arrêté sur place. Il se laisse arrêter sans résistance et passe immédiatement aux aveux, affirmant que l’incendie est un geste de protestation et qu’il a agi seul. Communiste et étranger le coupable idéal!! En 1980, Robert Kempner, un des procureurs américains des procès de Nuremberg, convaincu de l’innocence de Marinus van der Lubbe, obtient son acquittement, mais ce verdict est cassé un an plus tard en appel. Finalement, le 10 janvier 2008, les services du procureur fédéral allemand, jugent la condamnation officiellement « illégale » et annulent le verdict 75 ans après.

    Quoi de mieux qu’un incendie provoqué par un idiot utile pour déconsidérer un mouvement et reprendre la main en supprimant les libertés individuelles et collectives  » sous vos applaudissements !! ».

    Bonne journée

    1. Philippe Labansat

      Il y a quelques jours, un très bon documentaire sur le sujet.
      Peut-être encore visible en Replay ?…

    2. Philippe Labansat

      Documentaire sur Arte…

  7. J.J.

    « Les civilisations récentes menacent leurs ennemis du feu nucléaire. »

    Le terme civilisation et feu nucléaire ne sont elles pas antinomiques ?
    Une expression oxymorique en quelque sorte.

    Peut on associer le mot civilisation lorsque l’on parle de feu nucléaire, fléau inauguré par les États Unis ?
    Il a été ont commis là, sans nécessité absolue, sur des civils, en particulier, probablement le plus grand crime de guerre de masse de toute l’Humanité, qui aurait sans doute mérité un nouveau Nuremberg.

  8. J.J.

    Lorsque l’on provoque le Peuple, on court toujours le risque de laisser également le champ libre aux imbéciles pour commettre des exactions : la porte de la mairie de Bordeaux en est est un lamentable exemple.

    Malheureusement, nos dirigeants qui comptent et ont compté de tout temps parmi eux de nombreux imbéciles ont commis des actions iconoclastes aussi graves.

  9. floriana Salis

    Monsieur Darmian, je suis italienne et suis heureuse de lire toujours vos subtils articles que j’apprécie beaucoup. Je partage votre avis sur la violence déclenchée dans toute la France, qui est un risque pour la démocratie. Mais à ce propos j’aurais une question à vous poser. Pour la commémoration de leur grande Révolution, le Français ont choisi, depuis 234 années le jour de la Bastille, le 14 juillet, quand la violence la plus terrible se déclancha dans tout Paris. Dans ce jour chaque année on danse, il y a des feux d’artifice. J’imagine ce qu’on va me répondre: « Le 14 juillet est symbolique ». Mais Valmy, la chute de la monarchie, le procès du roi ne sont pas symboliques? Merci pour m’avoir lu.

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