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Le plaisir de se « baigner » dans la scène

Il fut une époque où l’arrivée de quelques roulottes ou caravanes de cirque constituaient dans un village un événement qui mettait une école en émoi. La rareté des spectacles vivants donnait un caractère exceptionnel à ces apparitions d’artistes qui se dépêchaient de couvrir la commune d’affiches avec un clown au nez rouge et une énumération d’animaux exotiques ou domestiques. Et dès la fin de la classe tout le monde filait pour découvrir un félin dépressif, des chameaux philosophes ou des lamas supposés être cracheurs. Le succès était garanti d’autant que les forains apportaient des places d’un demi-tarif ce circonstance !

Mais bien plus que ces apparitions occasionnelles, les familles attendaient impatiemment les « concerts » souvent produits par l’amicale laïque de l’instit’ ou le patronage du curé. Ces spectacles se donnaient dans des lieux singuliers. A Sadirac la salle d’accueil de ces rendez-vous suivis par un public conquis d’avance se trouvait dans un hangar se séchage du tabac vidé de la récolte. Une odeur à démoraliser un tabacologue averti et une température forcément caniculaire rendait le contexte rudimentaire.

Toute la troupe constituée par des actrices et acteurs du quotidien déployait des trésors d’ingéniosité pour masquer une faible appétence pour l’acquisition du texte. Dans le fond c’est ce naturel qui garantissait le triomphe en fin de journée. L’expression « brûler les planches » prenait tout son sens tant ces dernières reposant sur des tréteaux dissimulés par des bambous donnaient des « chaleurs » aux comédiennes. N’empêche que personne ne trouvait ces agencements de fortune ridicules. L’envie de partager se révélait plus forte que toutes les contingences de confort.

Assis sur les bancs de l’église réquisitionnés les spectatrices attendaient l’entrée des « vedettes » locales se glissant dans des personnages inhabituels pour eux. Ma mémoire conserve des traces d’œuvres comme « on purge bébé » qui donna lieu à une représentation mythique tant elle souleva l’enthousiasme populaire. Le receveur des postes télégraphe et téléphone en nurse et le garde-champêtre en jeune enfant en barboteuse constituèrent cette année là le duo exceptionnel de la soirée. Rien ne remplace en effet les productions locales offrant la simplicité et l’authenticité.

Bien des villages avaient leurs artistes. Même si les répertoires répétitifs pouvaient décourager les spectateurs, il y avait toujours des salles pleines pour retrouver des talents du pays. Le « Théatre des Arcades » à Créon avait même sa salle privée pour donner ses représentations qui occupaient une bonne partie d’une semaine. Il semble qu’il y ait un regain de ces troupes locales dites «amateurs ». Il en existait une quand j’étais au collège dirigée par le professeur de français ce qui n’a pas permis pour autant à l’un de ses membres d’accéder à la Présidence de la République. N’empêche que les œuvres dites classiques avaient une toute autre dimension quand elles étaient « jouées » par les élèves. Les fameux « clubs » des années 60 ouvraient les esprits au partage culturel.

L’arrivée progressive de la télévision a bouleversé les repères. Que valaient les cirques de passage face à la Piste sous les Etoiles ? Comment trouver formidable une pièce jouée par les copines et les copains quand « Au Théâtre ce soir » présentait des directs depuis les salles parisiennes ? Le discrédit tomba sur le local… tant il était réputé ringard. Personne ne pouvait avoir le plaisir d’annoncer « les décors sont de Roger Harth et les costumes de Donald Cardwell » et les candidats aux soirées de proximité disparurent.

Samedi, la troupe de Fargues Saint Hilaire occupait la salle de Lignan de Bordeaux peu adaptée au théâtre. Depuis 45 ans sans interruption elle donne des représentations destinées à collecter des fonds pour la solidarité envers les associations ou structures accompagnant les malades du cancer. Avec « parfum d’arnaque » (1) neuf comédiens ont réjoui une salle ravie de pouvoir s’éloigner du contexte actuel. Aucune prise de tête. Aucune nécessité de décoder. Le rire collectif constitue la meilleur thérapie contre la morosité comme tout ce qui se partage dans la proximité. Une soirée « madeleine de Proust » qui encore une fois m’a réconcilié avec l’envie de sortir tellement précaire depuis quelque temps.

La venue à Créon du Théâtre Ferranti avant la dernière puis à deux ou trois reprises des « Tréteaux de France » illustraient ce besoin s’apporter au plus près la découverte de belles œuvres. Inexorablement cette volonté louable s’estompe sous le poids des normes, des contraintes financières et surtout de l’indifférence née d’une acculturation grandissante. Le spectacle vivant aura du mal à survivre dans les années à venir. 

(1) pièce de Christian Rossignol

Cet article a 2 commentaires

  1. J.J.

    « Comment trouver formidable une pièce jouée par les copines et les copains quand « Au Théâtre ce soir » présentait des directs depuis les salles parisiennes ? Le discrédit tomba sur le local… tant il était réputé ringard. »

    Pourtant les spectacles scolaires avaient gardé beaucoup de leur attrait, avec l’indulgence des parents et la complicité des enseignantes et enseignants.
    Ce qui motivait les acteurs en herbe, était surtout le « salut » final au public digne du « Théâtre ce Soir ». Souvent c’était là leur principale préoccupation, ce qu’ils répétaient avec le plus d’application, même si les décors n’étaient pas de Roger Harth et les costumes de Donald Cardwell ».

    Notre préoccupation majeure en ces jours, ce sont les scènes de guerre qui se sont déroulées chez nos voisins des Deux Sèvres.
    FR 3 nous présente chaque jour des figures connues de la contestation Anti Bassines( surtout Julien Legay, un « enfant du Marais », Benoît Biteau, agronome, éleveur, député européen), reconnues et soutenues par une grande partie de la population qui n’admet pas les risques de pénurie, le déséquilibre de l’environnement, bref, le danger qu’on lui fait courir et les privilèges attribués à certains, ainsi que la violence sciemment organisée et exploitée par les pouvoirs publics.
    Dans le projet actuel, ces bassines contiendraient environ 9 millions de mètre cube d’eau, mais la finalité du projet ambitionne à terme 25 millions de mètres cubes anschlussés.

  2. facon jf

    Bonjour,
    Les cirques manquent de clown, ils sont tous autour de Mac-Ronds!!
    La directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), Kristalina Georgieva, a déclaré dimanche que les risques pour la stabilité financière s’étaient accrus et a appelé à rester vigilant, bien que les mesures prises par les économies avancées aient calmé les tensions sur les marchés. Kristalina Georgieva émarge au FMI à 400 000 $ par an sans payer un cent d’impôts.
    La Deutsche Bank est la plus grande banque allemande. 1 300 milliards d’euros de bilan et plus de 20 000 milliards d’euros de produits dérivés. La Deutsche Bank a le potentiel systémique, et peut faire sauter 10 fois le système bancaire européen, puis mondial.
    Les actions de Deutsche Bank AG se sont effondrées en fin de semaine dernière tandis que les CDS sur défaillance sur la banque allemande ont bondi au milieu des inquiétudes plus larges concernant la stabilité du secteur bancaire.
    Les « CDS » ce sont les crédit défaut swap, et c’est en gros une assurance sur le risque de faillite d’une entreprise. Quand ils deviennent plus chers, c’est que le marché considère que l’entreprise concernée a de plus en plus de chances d’aller au tapis.
    Le grand mamamouchi Bruno- col roulé- Le Maire dans son costume de clown blanc dit et répète  » tout va très bien ! tout va très bien!! le secteur bancaire français est sain ».

    Le cirque  » Too big To Fail » est annoncé, préparez la monnaie chèques, liquide, CB tout est accepté à nos caisses…
    Je rappelle pour le principe que si vous êtes en Europe vos dépôts sont (soi disant) garantis jusqu’à 100.000 euros (depuis 15 ans cela n’a pas bougé malgré l’inflation !!!) et que si vous êtes aux US, ils sont garantis à 250.000 (la FDIC a rajouté 50.000) bien que les déposants de la SVB et Signature Bank aient été sauvés à 100% de leurs dépôts.

    100 000 € sur mon compte ?? on peut rêver !

    Bonne journée

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