Devant bien des monuments aux morts en ce 8 mai mes autorités locales célébreront ma signature de la capitulation de l’Allemagne après de longues années de guerre, de massacres, de crimes ou de négation des valeurs essentielles de l’humanité. Quelques minutes rassemblant parfois quelques citoyennes et citoyens, les associations de mémoire et les élus locaux sont une séquence réduite dans une journée. En fait cette commémoration devient essentielle dans le contexte politique actuel mais elle n’aura pas l’importance qu’elle devrait avoir. Elle a même disparu durant quelques années.

Créé par la loi du  7 mai 1946 elle était à l’origine fixée au 8 mais de chaque année si ce jour était un dimanche, sinon le dimanche suivant. Le relents locaux de la période de l’Occupation ne favorisèrent jamais l’éclosion d’une cérémonie destinée à rendre justice aux millions de morts et aux libérateurs venus de toute la planète. La dernière guerre mondiale a en effet laissé des traces durables dans la société et il vaut mieux ne pas trop célébrer l’héroïsme de ceux qui ont lutté contre les Nazis et plus encore contre leurs supplétifs pétainistes.

On oublie que de Gaulle au nom de la réconciliation franco-allemande a d’abord supprimé le jour férié mais non chômé du 8 mai qui avait connu un certain succès entre 1953 et 58. La célébration de la paix est reléguée au second dimanche de mai puis en fin de journée à la sauvette le 8 mai. Cette retenue à inviter la population non pas à s’associer à une manifestation anti-allemande mais à celle destinée à se remémorer les atrocités de la mis en œuvre des idéaux nazis ou fascistes. Giscard dans sa modernité effacera carrément la date de l’agenda officiel… ce qui n’avait rien d’étonnant !

Il faudra attendre l’arrivée au pouvoir de Mitterrand pour que l’on clarifie la valeur de ce rendez-vous mémoire. A partir de 1982 soit il y aura 41 ans le 8 mai est devenu un jour férié chômé afin que tous les citoyens puissent prendre conscience de ce que fut le combat pour la liberté et la fraternité. Lentement les consciences se sont assoupies. Inexorablement le moment de recueillement a perdu de son importance. Sa signification est ignorée d’une grande part de la population. Le fascisme, le nazisme sont réputés éteints… et l’Europe des peuples (sic) garantirait la paix permanente. Inutile de remuer le passé.

Cette propension à banaliser l’indicible, à considérer que la liberté autorise la propagation d’une pensée raciste, violente, haineuse permet aux menaces contre la démocratie de prospérer. Les membres d’un groupe néo-nazi se sont rassemblés à New-York aux abords du théâtre où se jouait l’avant-première de la pièce « Parade », une pièce consacrée au lynchage d’un Juif qui avait eu lieu en 1915 en Georgie.

Les manifestants, qui se sont présentés comme appartenant au National Socialist Movement, un groupe néo-nazi dont le siège est en Floride et dont le logo affiche notamment une croix gammée, ont brandi une affiche accusant Frank d’être un pédophile. Les manifestants ont aussi distribué des prospectus antisémites selon des images qui ont été partagées sur les réseaux sociaux ; Les manifestations de ce type se multiplie aux USA mais dans bien d’autres pays !

A Paris, samedi on a vu 500 personnes masquées, vêtues de noir, brandir des croix celtiques, faire des signe sans ambiguïté bras tendus et chantant des chants nationalistes. L’extrême-droite la plus farouche, il est vrai sans casseroles ou slogans hostiles au gouvernement, a pu défiler sans le moindre problème dans la capitale. Réunis sous la bannière du Comité du 9 mai, en hommage à Sébastien Deyzieu, un militant du groupe pétainiste l’Œuvre française décédé en mai 1994, les manifestants vêtus de noir étaient rue d’Assas, Aucune intervention policière et surtout aucun constat de la nature des slogans ou des gestes n’a été effectué.  Le bruit d’une casserole dérange, un chant néo-nazi point du tout. 

De multiples tags fleurissent sur certains édifices publics avec des signatures de revendication sans équivoque ; des menaces directes sur des spectacles ; des centaines de discussions entre membres de l’ultra-droite ont fuité sur Twitter il y a un mois. Identitaires, nazis, catholiques traditionalistes se retrouvaient sur la messagerie chiffrée Télégram pour partager leur haine des étrangers et préparer des actions violentes : plus que jamais le 8 mai mériterait partout une vraie mobilisation citoyenne.

Il est toujours plus facile de renoncer, de ne pas combattre, de ne pas essayer de convaincre que de s’accrocher aux valeurs inspirées des leçons du passé. Le 8 mai de cette année aurait mérité à cet égard un élan particulier… Faire taire les casseroles certes. Mais inciter à manifester en venant massivement et silencieusement devant les Monument aux Morts eut été un bien belle décision. Symbolique  et porteuse de sens. 

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