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Le retour en grâce familiale de Matteo Darmian

Notre recherche des racines familiales aura attendu que nous ayons les moyens financiers d’envisager un voyage vers cette Italie que nous ne connaissions que par un crochet de quelques cousins désireux de se rendre à Lourdes. La « Quatre Chevaux » initiale ayant été remplacée, luxe suprême, par une « Ondine » nous pouvions en 1962 envisager de nous rendre dans la banlieue de Milan pour rendre leur visite à des membres d’une « tribu Darmian » ayant quitté San Stefano di Zimella son berceau d’origine. Les préparatifs du voyage prévu dans la première quinzaine d’Août 1962 se déroulèrent dans une fébrilité digne des semaines précédant le départ d’un Transatlantique actuelle.

« Nous passerons par le Sud » décida mon père tellement heureux de ce périple ressemblant pour lui à l’affirmation de sa réussite sociale. Sur une carte de France dépourvue d’autoroutes nous avions tracé l’itinéraire sur les lignes rouges des Nationales. L’expédition débuta à deux heures du matin… car tel était le choix du chef conducteur. Agen, Toulouse, Carcassonne, Narbonne… et nous découvrions le soleil levant sur la Méditerranée d’autant que nous avions emprunté la route située entre l’étang de Thau et la plage pas encore colonisée. Notre sommeil fut interrompu vers 10 heures par un fracas d’enfer. Du verre, du sang, l’odeur âcre de la fumée, les pleurs, la peur…

Ma déjà grande carcasse avait arraché le fauteuil avant sur lequel se trouvait ma mère. Mon frère s’était fracassé le crâne sur celui de mon père. La voiture neuve était pulvérisée et les bagages avec bouteilles pour la famille situés dans le coffre à l’avant gisaient au milieu d’une route droite comme un I. Un automobiliste… italien en voyage de noces avait brutalement tourné à gauche pour rejoindre un camping !  Un accident épouvantable. Après les constats, les hospitalisations, les enquêtes…nous reprenions le train vers Bordeaux ! Le traumatisme était double pour mon père : la perte de son Ondine et l’échec sur les routes vers la famille italienne.

Pas question de renoncer ! L’été suivant nous repartions avec une « Ondine » neuve en tous points identique à l’autre mais le trajet fut modifié : traversée du massif central et passage par le nouveau tunnel du Mont Blanc. Un voyage en deux jours nous conduisit à Legnano chez Pompeo et Maria. L’initiation à la culture italienne fut rondement mené et ce voyage reste mémorable à bien des égards. Un cousin nous impressionna très vite. Il portait le même prénom que mon père : Eugenio. Il est disparu il y a seulement quelques mois. Un « Italiano vero »

Il nous permit de vite consolider notre passion pour le football. Il vivait en noir et bleu. Ses claquettes, ses sacoches de Vespa, ses vêtements, ses objets du quotidien : tout était bleu et noir ! Son existence tournait autour de l’Inter de Milan ! Son ennemi était l’autre club : le Milan A C ! La famille Darmian était en effet majoritairement intériste et elle le restera. Par principe on ne parle pas à celle ou celui qui ne partage pas ce choix. L’Inter à cette époque était le club du peuple, des ouvriers et des classes moyennes installées dans la banlieue milanaise. Le Milan AC pue le fric, les riches et les faux amateurs du football. Berlusconi a renforcé cette dualité. 

Eugenio vantait les mérites de Gianchinto Fachetti que je finis moi aussi par vénérer comme défenseur puissant et intraitable dans le catenaccio de Helenio Herrera mais il admirait plus que tout le prince de San Siro un certain Sandro Mazzola. Ce Piémontais d’origine entrera au Panthéon transalpin du Calcio. Je reviendrai bien évidemment avec un maillot à bas prix floqué du numéro 3 de Fachetti… quand mon frère choisira une tunique rouge et noir du Milan Ac acheté discrètement.  Jamais la passion Darmian pour l’Inter n’est retombée. Certes il y a eu quelques brebis égarées vers la Juve ou la Fiorintina mais ce n’était que par esprit de contradiction.

Un jour apparut un nom dans la galaxie football : Mattéo Darmian. International dans toutes les catégories d’âge depuis les U 17 il habitait Lazatte où se trouve une grande partie de la famille. Chaque fois que je prononçais son nom, que je posais une question sur cette analogie de nom je me heurtais à une indifférence polie ou au silence. « Qui tu dis ? Matteo Darmian ? Je ne connais pas.» Bizarre. Sauf que j’ai rapidement compris : le footballeur prometteur dont l’arrière grand-père Giovanni était le frère de mon grand-père Silvio, jouait pour le Milan AC et donc… pas question de s’intéresser à sa carrière. Brillant il intégra l’équipe première du rival en 2006 avant de passer par Padoue, Palerme, le Torino et de réaliser un tonitruant transfert à Manchester United ! Un Darmian en Angleterre. Sa situation était irrécupérable.

Rien ne s’arrangea vraiment après l’Euro 2016 et la rencontre Italie-Allemagne qui se terimna par une affreuse séance de tirs au but. Certaines frappes italiennes finirent hors cadre, quand  le 1° Juillet sous mes yeux au Matmut Bordelais la frappe de Matteo fut arrêtée par Neuer. sous mes yeux au Matmut lors de l’Euro. Le malheureux Matteo resta prostré à genou sans le réconfort de quiconque. Il était effondré et connut une terrible déprime ! Il était encore moins  de la famille malgré ses 37 sélections et son parcours déjà valeureux.  Comme tous les parias il a retrouvé progressivement une place au pinacle en arrivant en prêt en 2020 à l’Inter et en y faisant sa place. On parle de lui. on publie ses photos. on vante ses mérites. Il est redevenu un Darmian. 

Ce soir c’est un choc emblématique entre les deux camps milanais « ennemis » qui se profile  et au milieu Matteo sera le seul à avoir joué des deux cotés. Privilège ou handicap?  Face à lui un certain Giroud… Je lui ai envoyé un petit SMS pour lui redire que nous n’avons jamais douté et varié : nous avons été et nous restons pro-Darmian et accessoirement pro-Inter mais là-bas je n’imagine pas l’ambiance à Lazate ou à Legnano ! Et donc s’il arrive en finale…

Cet article a 2 commentaires

  1. christian grené

    En racontant ça, je pense à ma Laurita qui doit bien se foutre du futbol. Il y a 84 ans, un jeune homme a fui la guerre en Espagne pour venir se réfugier à Bordeaux. Un an plus tard, il devenait l’idole du Parc Lescure aujourd’hui stade Chaban-Delmas en remportant la Coupe de France. Il s’appelait Mateo. Paco Mateo.

  2. Gilles Jeanneau

    Merci pour cet éclairage milanais Jean-Marie, moi qui ait surtout admiré Paolo Maldini, superbe joueur resté toujours fidèle au Milan AC… pas comme Messi (qui me déçoit beaucoup depuis son départ du Barça) et les autres!
    Alors ce soir je serai pour l’Inter!
    Merci Kiki pour Paco Mateo, je ne connaissais pas et bonne journée à toutes et tous.

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