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La magistrate et le saint martyr

Un constat s’impose. Quand on est attentif aux propos tenus par certaines femmes et hommes politiques d’envergure nationale un constat est inévitable : chaque fois qu’un événement malheureux intervient dans notre société de la peur et de la facilité, ils se précipitent pour renforcer les sanctions judiciaires. La surenchère devient le sport national accompagnant le moindre fait divers. Projet de loi illico sorti des tiroirs, augmentations des peines encourues, dénigrement des juges et plus encore populisme exacerbé pour démontrer que l’on prend en compte l’émoi collectif.

Un maire est agressé et on promet de judiciariser avec une promptitude exemplaire alors que toute le monde sait que ce sera un cautère sur une jambe de bois. La violence issue d’une absence de civisme et plus encore de l’exploitation de la montée irrésistible de la haine, du racisme, de l’exclusion ne sera pas enrayée par une nouvelle rédaction du code pénal. Encore faudrait-il que les articles actuels soient simplement appliqués.

Depuis des années tous les pouvoirs centraux se débinent en transférant vers des maires sans moyens réels d’action leurs responsabilité. Depuis des années les pouvoirs publics affichent leur intention de renforcer le statut des élus. Depuis des années les agressions s’accélèrent dans un contexte citoyen qui se délite. De quoi se plaint l’élu de Saint-Brévin ? Simplement de ne pas avoir été écouté lors de ses passages à la Gendarmerie…au nom de « la liberté d’expression ». Et en l’occurrence il n’y a eu aucune intervention réelle puisque les coupables courent toujours. Médiatiquement il n’a pas eu l’écho possible. Contrairement à d’autres…

L’ex-Président de la République qui revendique le statut de l’adroite Blandine livrée aux Lions dans la Cour d’appel, a encore une fois profité de son statut pour s’épancher dans la presse. C’est le citoyen français le plus maltraité de l’Histoire puisque toutes les enquêtes effectuées sur ses agissements ou ceux de ses proches sont maquées par des intentions coupables de ceux qui les mènent. Affaires des écoutes, soupçon de financement libyen de la campagne de 2007, affaire Bygmalion, affaire Karachi… l’ancien président de la République est cité à divers titres dans plusieurs dossiers politico-financiers. Et bien évidemment c’est un martyr.

Pour s’attirer les faveurs du peuple cet homme évidemment au-dessus de tout soupçon avait antérieurement demandé dans un tweet que l’on ramène le port du bracelet électronique aux seules condamnations inférieures à… 6 mois. Or c’est assez facile à constater : bon nombre des condamnations sont justement de un an ferme pour éviter l’incarcération, le reste est avec sursis. La cour d’appel n’a pas été justement d’une sévérité exceptionnelle.

Elle a simplement appliqué la loi votée par une majorité de députés de la mouvance de l’ex occupant de l’Élysée ayant sans cesse depuis qu’il est en politique demandé des peines plancher et un caractère impitoyable des juges dans l’application des textes. C’est différent maintenant que l’on ne peut plus jouer à Président perché !

A ce jour le contestataire se retrouve avec deux condamnations, un appel, deux non-lieux ce qui ne témoigne pas d’un acharnement particulier. Chaque fois les décisions ont été largement commenté via la presse et on a même vu le coupable de dépassement des plafonds des comptes de campagne se rendre au journal télévisé de TF1 pour solliciter les dons pour effacer sa peine financière. Là il s’en prend personnellement à une présidente de Cour d’appel !

Certes les décisions de justice relèvent de la chose publique, et donc, du débat public et peuvent donc être l’objet d’un débat. Mais, en droit français, ce débat trouve des limites dans le fait de chercher à jeter le discrédit sur une décision juridictionnelle « dans des conditions de nature à porter atteinte à l’autorité de la justice ou à son indépendance », et dès lors que le débat n’est pas en quelque sorte institutionnalisé. On attend la réaction du Garde des Sceaux pour défendre l’institution dont il a la responsabilité. Mince : lui-aussi est en délicatesse avec les juges !

Membre de plusieurs conseils d’administration dont celui du groupe de presse Lagardère, le toujours présumé innocent tant que la cour de Cassation n’aura pas trouvé un vice de forme salvateur, s’appuiera sur un réseau risquant de changer les rôles insidieusement. Discréditez, discréditez l’autorité et il en restera toujours quelque chose. C’est donc parti : « la magistrate ayant rendu cette décision s’était montrée très critique en 2009 contre une réforme judiciaire promue par l’ancien président. » explique le JDD. Il ne manquerait plus qu’elle ait été contre la réforme des retraites pour que son cas s’aggrave.

Cet article a 3 commentaires

  1. christian grené

    S’cusez-moi m’sieur si je suis pas en roue libre. J’suis en voyage, la tête dans le guidon, avec mon instit’ qui attend que je lui rende ma rédaction pour obtenir mon certificat d’études.

  2. J.J.

    « Encore faudrait-il que les articles actuels soient simplement appliqués. »
    Contrairement à ce qu’affirmait Descartes (peut être un peu ironiquement), le bon sens ne semble pas être la chose au monde la mieux partagée.

     » Mais, en droit français, ce débat trouve des limites dans le fait de chercher à jeter le discrédit sur une décision juridictionnelle « dans des conditions de nature à porter atteinte à l’autorité de la justice ou à son indépendance « .
    Heureux de voir confirmer ce que je croyais savoir. Donc, en bonne justice, le prévenu pourrait être l’objet de poursuites pour ses déclarations. je sais ça, moi citoyen lambda, qui ne suis pas avocat, qui n’ai qu’une piètre culture juridique.

    D’autre part, aller en cassation, s’il gagne, le bel et élégant bipède; ça lui évitera la taule, en l’occurrence le bracelet, mais la peine restera infamante, la cour de cassation juge sur la FORME et non sur le FOND, et ça ne le dédouanera pas de sa condamnation, jugé coupable, coupable il restera. C’est irréversible, même en cas d’amnistie.

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